Aphorismes du bagnard
20 juin 2020 par JMD
C’est toujours ta sensibilité de chrétienne qui te cause ces déchirements. Tâche de te défaire de cette morale contre nature, morale de troupeau.
Lettre à Marie Jacob, 3 juin 1913
C’est toujours ta sensibilité de chrétienne qui te cause ces déchirements. Tâche de te défaire de cette morale contre nature, morale de troupeau.
Lettre à Marie Jacob, 3 juin 1913
Je vis, dans la mesure où cela m’est permis, à ma guise, sans me soucier d’autrui. Je sais que je dois finir mes jours ici et, ma foi, je fais en sorte pour les passer le mieux possible.
Lettre à Marie Jacob, 1er juin 1913
Ainsi, tu as encore un coup satisfait ta marotte en retentant une démarche de clémence à mon sujet ? Si tu savais, ma bien bonne, comme c’est inutile, tout ça. C’est ce qu’on appelle pisser dans l’eau pour faire des beignets.
Lettre à Marie Jacob, 8 mai 1913
Je suis absolument schopenhauerisé
Lettre à Marie Jacob, 11 mars 1913
Toutes ces gens qui ont la figure ronde comme la pleine lune, ça ne me dit rien qui vaille. Sous des airs paternes, amènes, c’est tout hypocrisie, ruse, friponnerie.
Lettre à Marie Jacob, 12 février 1913
Si je me laisse chiper par la paresse, je vais tomber dans l’aquoibonisme, et alors, adioù botto, je suis fichu. Si c’est pour vivre à la manière d’un poulpe ou d’une pastèque, cela n’en vaut guère la peine. Autant s’endormir du dernier sommeil.
Lettre à Marie Jacob, 11 février 1913
il ne se lâche pas un pet que je ne sois accusé d’en être l’auteur… ou le complice.
Lettre à Marie Jacob, 27 janvier 1913
Il faut savoir s’incliner devant l’inéluctable.
Lettre à Marie Jacob, 7 août 1912
Les jérémiades n’ont pas la vertu de faire activer les affaires.
Lettre à Marie Jacob, 6 juin 1912
À quoi bon se laisser endormir par des airs de guitare ? Il vaut mieux se pénétrer des réalités, toutes pénibles qu’elles soient, en tâchant de les vaincre, si possible.
Lettre à Marie Jacob, 8 mai 1912
Il ne faut pas non plus se dessécher de chagrin. Laisse donc le passé en paix et table sur l’avenir.
Lettre à Marie Jacob, 8 mai 1912
En prévention, j’étais en cellule, à Saint-Laurent encore en cellule et aux fers par-dessus le marché, à l’infirmerie, toujours en cellule et isolé, bien qu’à l’ordinaire ce local soit occupé par trois condamnés malades. À vrai dire, j’aime mieux ça. La vie en commun, en troupeau pour mieux dire, a ses désagréments quoiqu’elle offre un peu plus de libertés. De libertés ! je me demande ce que ce mot est venu faire sous ma plume.
Lettre à Marie Jacob, 14 mars 1912
Tu n’ignores pas que j’ai la manie des livres pour les lire, non pour les « emprisonner ».
Lettre à Marie Jacob, 22 février 1912
La naissance tout comme la mort ne sont qu’une question de mots, rien de plus. La meilleure des preuves en est que, si l’on pouvait peser la terre après un million de naissances, elle n’en augmenterait pas d’un seul milligramme. De même pour la mort, ou mieux, ce que l’on a coutume d’appeler ainsi. La vie, même dans la misère, vaut la peine qu’on la vive ; mais soit que les circonstances en exigent le sacrifice, soit que l’usure de la machine le veuille, eh bien, ma foi, il n’y a pas à le regretter. À quoi bon se lamenter sur un événement nécessaire et inéluctable ?
Lettre à Marie Jacob, 14 février 1912
Au fond qu’importe les écoles, les genres. Pour qui a un peu vécu, l’intransigeance et le dogmatisme font un peu sourire.
Lettre à Marie Jacob, 30 janvier 1912