Mortelle randonnée à Reuilly


C’est l’été et c’est normal. Votre quotidien, en ce premier jour du mois d’août, a pris ses estivaux quartiers et n’a de cesse de vous vanter qui le charme d’un musée insolite, d’un lieu original à visiter, qui la douceur d’un chemin vert ou urbain à arpenter. A Reuilly, il est de coutume d’aller voir la tombe d’Arsène Lup… de Marius Jacob en suivant le guide. Si la presse nationale use de la pratique, il n’y a guère de raison pour que celle régionale en fasse autrement. Et, lorsqu’il s’agit de combler le vide estival dans ce pays où il ne se passe rien, la Nouvelle République du Centre Ouest mise, dans le Berry, sur le marronnier jacobien et son sémillant promoteur, Claude Nerrand. Sémillant ?

L’a pourtant pas l’air bien portant le président de l’office du tourisme du village qui peut s’enorgueillir de son vin, de son aviateur ratatiné et surtout de son « immortel » voleur anarchiste. Mais Marius Jacob ne peut pas être un héros. Cela ne serait pas moral. Comme quoi, les morts ne sont pas tous de braves types !

Peut-être que la décence du colonel en retraite consiste-t-elle à s’affirmer une des dernières personnes vivant à Reuilly à avoir connu le Marseillais. L’emploi du terme Marseillais vise bien sûr à montrer que Jacob n’est pas un indigène, un autochtone, un native en anglais outre atlantique. Un immigré quoi ! Voleur et amoral qui plus est. Mais là n’est pas le sujet. Si l’on prend justement les autochtones de plus de soixante-dix printemps, il est à peu près sûr que les gamins qu’ils furent à la fin des années 1940 et au début de la décennie qui suivit ont acheté du tissu et des articles de bonneterie au barnum du vieux Marius. L’ « historien » Nerrand – le qualificatif n’est pas de nous – oublierait-il la présence au Bois Saint Denis de minots ayant participé au repas d’adieu (mais ça, ils ne le savaient pas les marmots) que leur offrit le curieux bonhomme revenu de Guyane qui, ce 28 août 1954, avait organisé – pour ne pas dire orchestré – un bien tranquille suicide.

Peut-être la décence du président Nerrand se situe-t-elle alors dans la négation de l’amalgame lupinien pour mieux appâter le béotien touriste qui croit fermement le contraire. Alors pourquoi affirmer la présence de Maurice Leblanc à Amiens en 1905 ? Alors pourquoi augmenter le nombre de cambriolages commis et étudiés par les assises de la Somme ? Jugé pour 180 vols ! Que diantre ! Il n’y va pas de main morte le colon. La réalité est toute autre puisque les jurés picards n’eurent à se prononcer que sur une toute petite centaine d’indécents méfaits. Et parmi ces crimes que la morale d’hier comme d’aujourd’hui condamne, il en est de si extraordinairement cocasses et singuliers que l’on pourrait se demander si vraiment il n’y a pas un lien entre l’illégaliste Jacob et l’imaginaire Lupin. Ainsi, à Paris, Jacob aurait visité l’appartement de Pierre Loti et dans ce logis il y aurait laissé un petit mot, signé Attila, pour s’excuser parce que, diantre !, on ne vole pas les écrivains quand on a une morale aussi anarchiste soit-elle. Il y a du avoir certainement un glissement de terrain entre Rochefort et la capitale depuis le passage de la tempête Xynthia. A moins bien sûr, et c’est plus que probable, que la mémoire jouasse quelques malicieux tours. Rappelons que des billets avérés et signé du fléau de Dieu il y en eut quelques-uns dans le Midi et, pour le reste, ils furent seulement déposés dans quelques églises. Quant au cambriolage de la maison charentaise de Pierre Loti, aucune source, hormis la biographie d’Alain Sergent en 1950, ne permet d’affirmer sa véracité. Dans cette biographie, l’écrivain tient son information du voleur même. Le reste, ce que l’on peut trouver ailleurs, comme dans la biographie écrite par Bernard Thomas en 1970, n’est que pure affabulation.

Et ce sont ces dires que retient notre brave homme posant fièrement devant la tombe du trépassé anarchiste, tel le chasseur de fauves devant ou derrière la proie abattue. Il eut été peut-être préférable de feuilleter non pas quelques romans biographique ayant Jacob comme sujet, mais ce que d’aucuns pourraient qualifier de thèse. Remarquons pour terminer que l’afflux de visiteurs au cimetière de Reuilly où la décence interdit toute pancarte indiquant la tombe d’Arsène Lup… euh … de Marius Jacob ne peut être que profitable pour ce village si charmant et si pittoresque. La morale fait tellement bien les choses.

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01 août 2010

Patrimoine, tourisme

D’Issoudun à la Châtre

 » La tombe d’Arsène Lupin c’est bien ici ?  »

Reuilly. Personne n’est plus guère surpris lorsqu’un visiteur cherche la tombe de Marius Jacob, également appelé Arsène Lupin.

L’office de tourisme de Reuilly a compris depuis longtemps qu’une des fiertés de sa ville n’était pas seulement son vin et son petit musée retraçant l’histoire de ses vignes, mais qu’il était important de faire une place à Marius Jacob. Un petit bonhomme de 74 ans qui s’est donné la mort il y aura cinquante-six ans le 28 août.

Il ne se passe pas une semaine sans qu’une personne, au moins, se rende à l’office de tourisme pour demander où se trouve sa tombe, où il habitait… Un opuscule a d’ailleurs été réalisé afin que le promeneur puisse s’informer sur celui qui ne sera jamais aussi célèbre que le personnage inventé par Maurice Leblanc, mais qui l’inspira : Arsène Lupin. Sur sa tombe, le promeneur peut lire : « Marius Alexandre Jacob, peut-être Arsène Lupin ». Un nom qui sonne fort, qui fait rêver. Un nom qui inspire souvent l’admiration. Lupin n’a jamais tué, juste volé les riches.

À l’entrée du cimetière, nulle indication de la tombe. Claude Nerrand, le président de l’office de tourisme, s’en explique : « Il ne faut quand même pas oublier qu’avant d’être un héros, Marius était un voleur, un aventurier voleur, et que du point de vue de la morale, il y a un minimum de décence à avoir ». En guise d’épitaphe, il est également gravé : « Voleur, bagnard, forain, anarchiste ». Tout ce que fut cet homme, arrivé en 1939 à Reuilly, où il acheta une maison à Bois-Saint-Denis, au sortir du bagne où il avait passé vingt ans.

Les lustres qui défilent n’y ont rien changé : De nombreux curieux restent persuadés qu’Arsène Lupin a réellement existé. Certes, Marius Jacob a réalisé quelques cambriolages rocambolesques – parmi les 180 vols que le tribunal d’Amiens lui a attribués au cours de ses procès, qu’un certain Maurice Leblanc, alors journaliste, couvrit entre 1903 et 1905 – mais le temps et les romans ont quelque peu métamorphosé les actes de ce voleur qui opérait avec trois autres anarchistes.

La rencontre avec Fernandel

Claude Nerrand aime à rappeler quelques anecdotes, à l’instar du cambriolage de l’appartement parisien de Pierre Loti. « Une fois à l’intérieur, il s’est rendu compte qu’il était chez un écrivain. Il a reposé les toiles de maître et a écrit un petit mot dans lequel il s’excusait du dérangement car il n’était pas question pour lui de voler un homme qui gagnait de l’argent grâce à sa plume ». Signé : Attila.

Claude Nerrand est une des dernières personnes vivant à Reuilly à avoir connu le Marseillais, auquel Fernandel avait rendu visite après avoir joué un de ses spectacles à Issoudun. « Entre Marseillais, ils se comprenaient sans doute »,dit-il avant de se souvenir : « Je l’ai connu à l’âge de 12 ans. C’était un petit vieux qui promenait son chien, Negro. Il descendait en ville avec un grand sac noir. À chaque fois qu’il nous voyait, il nous disait bonjour. À l’époque, c’était rare qu’un vieux salue des gamins ».

Le mystère demeure autour de cet homme atypique qui avait choisi de s’installer à Reuilly car « il était sûr que rien ne s’y passait jamais ». Ses visiteurs ne sont pas rares. D’aucuns ont écrit romans et thèse sur Marius Jacob. Des Italiens s’intéressent également à sa vie. L’immortalité guetterait-elle cet homme qui avait choisi l’ombre pour finir ses jours ?

Emmanuel Bédu

Commentaire des photographies :

N°1 : « Ils sont tous fadas ! », répondait Marius Jacob quand on lui demandait s’il se reconnaissait en Arsène Lupin, lui qui vivait très chichement dans cette petite maison.

N°2 : « Il y avait une tête de femme au-dessus de la pierre tombale, mais elle est tombée, se rappelle Claude Nerrand. On a essayé de faire pousser du lierre sur sa tombe, mais il n’a jamais pris. »

NDRL : L’article ci-dessus a été pris sur la page web de la NRCO ; nous pouvons nous demander si le titre évoquant Fernandel est une erreur ou bien si un paragraphe a été enlevé de la version papier du quotidien régional.

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