Panorama de 1903 troisième


Gavroche, n°10 juin-juillet 1983

Panorama de 1903 III

Georges Pelletier

L’affaire Humbert Daurignac

Cette affaire dite « Affaire du faux héritage Crawford », est la plus grande mystification juridique et la plus importante banqueroute depuis celle du prince Rohan Gueméné en 1782. Frédéric Humbert, ancien député de Seine et Marne, est le fils de Gustave Humbert, séna­teur, ancien ministre de la Justice et premier président de la cour des comptes. Avec sa femme Thérèse, née Daurignac et les frères de celle-ci, Humbert fabrique de toutes pièces le « merveilleux artifice » de procédure qui prête une vie à deux supposés frères Crawford, aussi fictifs que le testament d’un millionnaire amé­ricain qui vient de décéder. En 1883, on apprend que Mme Humbert est instituée léga­taire universelle d’un américain cent fois mil­lionnaire. Toutefois, deux « neveux » du « tes­tateur » (les « frères Crawford ») opposent un autre « testament », par lequel l’héritage est séparé en trois parts dont une pour Maria Dau­rignac, à charge de payer à Thérèse une pen­sion de 30 000 F par mois. Le « testament » est dans un coffre confié à la garde des Humbert. Il s’ensuit immédiatement une succession de procès. Les Humbert empruntent facilement de l’argent à des taux usuraires pour couvrir les frais de ces procès. L’argent ainsi recueilli leur permet d’acquérir de vastes domaines où les plus notables célébrités de la magistrature et du barreau sont reçus avec largesses. Vers la fin du siècle, afin de rassurer les créanciers deve­nus inquiets, les escrocs créent une société financière (« la Rente Viagère de Paris ») au capital de dix millions, gagée sur leurs domai­nes et dirigée par Romain Daurignac. Cette société assure aux souscripteurs des revenus de 12 à 15 % par an. Les millions affluent. C’est alors que le 9 mai 1901, (17 ans après le début de l’escroquerie), sur la demande du sieur Morel, créancier, le juge Forichon décide l’ouverture et l’inventaire du fameux coffre-fort. Celui-ci est vide, bien sûr et la famille Humbert prend la fuite. Retrouvés en Espa­gne, ils sont extradés, et jugés au mois d’août 1903. L’escroquerie porte sur 50 millions, (50 000 fois environ le salaire moyen d’un ouvrier de l’époque) mais ne lèse, en fait, que de riches et retors prêteurs. La magistrature dont certains membres se sont compromis, rend un jugement de clémence en condamnant à 5 ans de réclusion les époux Humbert, et à 2 ans les frères Daurignac…

La catastrophe du Métropolitain

Les travaux destinés à agrandir le réseau du métro se poursuivent activement. Le 10 août vers 7 heures du soir, la station Couronnes sur la ligne n° 2 (Etoile-Nation) allait être le théâ­tre d’une effroyable tragédie. A la suite d’une avarie de moteur, le train 43, s’arrête à la sta­tion Barbès. Le train 52 arrive juste derrière. On fait descendre les voyageurs afin de per­mettre au « 52 » de pousser le train 43 jusqu’au dépôt. Sur le point d’atteindre la station de Ménilmontant, les voitures prennent alors sou­dainement feu. Les 10 employés encore pré­sents réussissent à s’enfuir pendant qu’une épaisse fumée envahit à la fois les stations de Ménilmontant et de Couronnes. C’est à ce moment qu’un train bondé de voyageurs se présente à la station Couronnes qui est alors plongée dans l’obscurité, l’incendie ayant fait fondre les circuits électriques. Les voyageurs descendent du train, et, suffoqués par l’épaisse fumée cherchent désespérément la sortie. Les pompiers, accourus sur les lieux ne peuvent descendre pour secourir les voyageurs. Ce n’est qu’à 3 heures du matin que pénétrant dans la station ils trouveront 85 cadavres. Leurs corps, noircis par la fumée, sont agglutinés contre le mur fermant toute issue à l’extrémité du quai.

La République de Panama

Cette année-là, un nouvel Etat apparaît sur le continent américain : la République de Panama. Cet événement qui peut paraître banal, revêt en fait une importance considéra­ble. Les Etats-Unis prennent à cette occasion le contrôle absolu de la zone du futur canal de Panama. C’est en 1821 que Panama se libère du joug espagnol et décide de s’incorporer à l’Etat républicain de Colombie qui vient de naître sous la présidence du « Libérateur » Bolivar. Cette union sera houleuse. Une cin­quantaine d’émeutes éclatent dont la dernière est celle du 3 novembre 1903. Le « Comman­deur » et quelques généraux sont mis sous les verrous. Le 4 novembre, le peuple se réunit sur la place de la cathédrale pour signer l’acte d’indépendance. Un gouvernement provisoire est formé. Ceci se passe sous « la haute protection » des Etats-Unis, dont la marine est prête à intervenir. Pour les Etats-Unis, la partie est gagnée. Les décisions vont alors très vite : le 6, le nouvel Etat désigne comme ministre pléni­potentiaire à Washington, Brunau-Varilla, ingénieur français très attaché à l’achèvement du canal. Celui-ci est reçu le 13 par le président Théodore Roosevelt et le 18, un traité est signé entre les deux pays. Il garantit l’indépendance de la République du Panama en échange de quoi les Etats-Unis obtiennent l’occupation et l’exploitation à perpétuité du canal et des terri­toires qui en dépendent avec la souveraineté entière sur les territoires contrôlés.

La mode dans l’armée

Au cours de la manifes­tation traditionnelle de la Revue du 14 juillet, on voit apparaître pour la première fois un nouvel uniforme présenté par une compagnie d’infanterie : ensemble en drap gris de fer, pantalon resserré en bas dans de petites guê­tres, vareuse avec ceintu­ron, chapeau à la « boër » garni d’une cocarde trico­lore. Cet uniforme élégant et pratique ne sera malheureusement pas adopté. Onze ans plus tard, les « piou-piou » portaient encore le très voyant pan­talon garance… cible pri­vilégiée des soldats alle­mands.

Le pont transbordeur de Nantes

Inauguré en 1903, le pont transbordeur de Nantes dit « pont à contrepoids et à articula­tions », se distingue par son extrême légèreté et la hardiesse de sa construction. La hauteur du tablier est de 44,25 m au-dessus des quais. La longueur est de 191 m dont 141 pour la traver­sée de la Loire qui est large de 126 m à cet endroit. Chaque pylône mesure 76 m. La nacelle qui assure le franchissement du fleuve, est suspendue par des câbles métalliques entre­croisés à un cadre sur roulements qui circule sur une voie ferrée. Cette nacelle est comman­dée par un « wattman », isolé dans une guérite, et chargé de surveiller attentivement le trafic des bateaux pour éviter toute collision. Au plus fort de sa charge au milieu du pont, l’abaisse­ment du tablier ne dépasse pas 20 cm ce qui est une belle prouesse technique.

La tiare de Saïtapharnes

En 1896, le Musée du Louvre avait fait l’acquisition d’une tiare en or, semblant remonter au IIIe siècle avant notre ère. Cette tiare avait été trouvée, disait-on, en Crimée et garantie authentique par les archéologues. Or, au mois de mars, un orfèvre russe, dans une lettre rendue publique, déclare que l’auteur du chef-d’œuvre antique n’est autre que M. Pouchomowski d’Odessa. Cet habile orfèvre vint lui-même à Paris apporter la preuve de la mystification. L’administration des Beaux-Arts prit la sage décision de retirer la tiare des salles du Louvre… Elle se trouve toujours dans ses greniers.

En bref…

Au début de 1903, Marconi transmet les pre­miers messages « sans fil » de la côte cana­dienne à la côte anglaise. Aux U.S.A. on trans­met par 1′ « électrographe » le portrait du Pré­sident Mac Kinley à 770 km de distance.

En France on essaie la première machine mécanique à laver le linge, ainsi que la pre­mière arroseuse municipale.

Le 28 août, une expédition dirigée par Charcot part secourir le Suédois Nordenskiold, en difficulté dans la région du cap Seymour. Il part ensuite explorer le Pôle sud.

« Un exploit mémorable dans l’histoire aérienne » titrent les journaux pour annoncer le circuit en dirigeable réalisé par Lebaudy entre Paris-Mantes et retour.

En 1903, plus de 1000 déserteurs de l’armée allemande passent en France. La moitié sont Alsaciens ou Lorrains.

Un fantaisiste prétend être « Lebaudy 1er » (Empereur du Sahara). La justice est bien en peine pour condamner cette usurpation de titre… Le 31 mars, le tribunal condamne à 16 F d’amende un citoyen qui traite de « moule » un employé des postes. Enfin le 27 mai, la « dormeuse de Thenelles » (Aisne), qui dormait depuis 20 ans, se réveille, bredouille quelques mots, et meurt !…

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