La mort volontaire de Marius 2


La voix de Robert Passas, lente, grave, émue, est doublement impressionnante. L’ancien instituteur lit des extraits du texte qu’il a écrit pour Défense de l’Homme en septembre 1954. Le timbre trahit une profonde souffrance, une douleur causée par l’absence d’un ami perdu. Mais le tourment qui ne l’a jamais quitté révèle aussi la profondeur des sentiments : admiration, amitié, amour. La mort volontaire de Marius, dernier morceau du cd inclus dans la réédition des Écrits en 2004, sonne finalement comme la conclusion d’un road-movie anarchiste commencée en 1879 dans les quartiers populaires de Marseille et s’achevant dans le hameau d’un village berrichon. Mais, en se suicidant, Marius Jacob laisse derrière lui un ami désemparé  : le hideux voyage s’achève et j’ai froid. Cinquante ans plus tard encore. Vivre libre et Mourir libre toujours. L’hommage est à la mesure de l’ami parfait.

La mort volontaire de Marius 2

Défense de l’Homme

n°71, septembre 1954

Jacob, mon ami parfait

(…) Je pleure mon ami comme tous ceux qui l’ont aimé le pleurent aujourd’hui. Et, cependant, qu’il n’ait point man­qué de souffle, au dernier moment: pour l’ultime pente à gravir, voilà qui m’émeut et me réconforte tout à la fois. Une mort ratée, non conforme, a toujours quelque chose de pitoyable. La sienne, au contraire, si haute, loin d’être une abdi­cation, est une conquête. Maître sans conteste de sa vie, il l’est resté jusque dans la tombe, et je suis bien sûr qu’il ne désirait rien d’autre.

« S’imposer volontairement quelques devoirs, rire là où les autres gémissent, supporter fièrement l’indigence et avoir honte d’avoir honte, voilà qui s’appelle vivre et au besoin peut justifier de mourir. »

J’ai sous les yeux le télégramme : MARIUS DECEDE, ENTERREMENT DEMAIN MARDI 14 HEURES 30.

A l’heure où j’écris ceci, le hideux voyage s’achève, et j’ai froid ; Marius, c’est donc bien fini ? Du fond de ton nuage, n’illumineras-tu donc plus la terre d’éclairs indignés ?

Mais je revois soudain son beau visage, j’entends sa voix qui m’arrête : « pas d’apitoiements! », et je me dis, a travers mes larmes, que ce n’est pas vrai, que c’est absolument impossible, que Marius ne pouvait pas mourir.

Robert Passas

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