Léon de Lyon


Les antécédents de Léon Pélissard font de ce personnage, né à Lyon le 15 juin 1867 et répondant au pseudonyme d’Edme, un exemple typique des habitués des palais de justice et dont la fréquentation régulière amène fatalement des peines de plus en plus lourdes, avec à terme le bagne ou la relégation en Guyane. L’homme manie pourtant aussi bien la plume que le poing et la pince monseigneur. Il est anarchiste à n’en point douter. Ses chansons, écrites en prison après son arrestation le 23 avril 1903, donnent même des conseils de cambriolages (Conseils à un pègre) et en appellent à l’hécatombe des vils bourgeois par l’égorgement (La Diane du prolétaire). Il n’est pas sûr, en revanche, qu’il ait toujours été un partisan de cet « idéal sublime de ceux qui gémissent et la poésie des esprits féconds » (Germinal, n°12, 26 mars – 09 avril 1905). C’est ce que révèle la lecture d’extraits du Moniteur Judiciaire de Lyon (que nous a aimablement transmis Laurent Gallet) et des sources policières permettant de retracer son parcours. Cela tendrait à prouver que Pélissard est devenu anarchiste à Paris et fort probablement au contact d’un autre multirécidiviste et néanmoins, lui aussi, honnête cambrioleur. Léon de Lyon fut d’abord, aux yeux de la respectable société, une canaille – mariée en 1895 – de la pire espèce.

Il subit une première peine de un mois d’emprisonnement et 16 francs d’amende pour outrage et rébellion à l’âge de 18 ans le 1er mars 1886 à Lyon et une seconde, le 22 novembre de la même année, pour coups et blessures. Au bout de 6 mois de prison, il semble mener une vie plutôt calme mais est jugé à nouveau par deux fois en 1888 : à Valence, le 21 juin, il doit s’acquitter d’une amende de 50 francs pour pêche illégale. A Lyon, le 10 septembre, il est encore condamné pour coups et blessures à 6 mois de prison, peine à laquelle viennent s’ajouter 5 ans d’interdiction de séjour. L’engrenage est enclenché et, malgré un service militaire remarquable au Tonkin (à moins que ce ne soit dans les bat’ d’Af’), le cycle des condamnations reprend à son retour. Le 20 mai 1895, la cour d’assises de Lyon l’astreint à 5 ans de prison, peine encore assortie d’une interdiction de 5 ans de séjour.  Il est jugé pour vol qualifié et manque le bagne et ses joyeusetés de peu. Il sort libre trois ans et demi plus tard, le 23 novembre 1898. Sa bonne conduite autorise une liberté conditionnelle qu’il remet en cause au bout de six mois en commettant une infraction à l’interdiction de séjour. Mais il n’écope que d’une peine de 4 mois de prison le 1er mai 1899. Le 5 février 1901, le tribunal de Lyon le condamne encore pour cette même infraction.

Léon Pélissard dans Le Monde Illustré 25 mars 1905Après cette peine de 6 mois, nous retrouvons Léon Pélissard chez les Travailleurs de la Nuit. Il ne purge très certainement pas sa peine intégralement car, dans la nuit du 9 au 10 juin de cette année, il accompagne Alexandre Jacob au Mans pour le cambriolage de la résidence du juge de paix Hulot. Lorsqu’il comparait devant la cour d’assises d’Amiens, en 1905, Léon Pélissard possède un passif de huit condamnations. La neuvième est prononcée le 22 mars de cette année : huit ans de travaux forcés, la Guyane à perpétuité et la mort en Amérique du Sud.

Moniteur Judiciaire de Lyon

09 octobre 1886

Chronique

Le Tribunal correctionnel de Lyon avait à juger, hier, trois gredins de la pire espèce : les nommés Ringald, Pélissard et Puyaubert. Le 13 décembre dernier, ils avaient attaqué en plein jour, dans une allée du parc de la Tête d’Or, un promeneur, M. Loste, et sous prétexte de lui demander l’heure, l’avaient roué de coup dans le but de le dépouiller. M. Faure, garde du parc, accouru au secours de la victime, avait été lui-même mordu et fortement maltraité.

L’audience d’hier avait été précédée d’une première audition, il y a quinze jours environ.

Il plut, ce jour-là, à Puyaubert de tomber à coups de poing sur un des témoins, et le parquet, on s’en souvient, demanda de renvoyer l’affaire pour un supplément d’enquête. Elle a aboutit à donner sur le passé de deux de ces gredins, des renseignements édifiants.

Puyaubert et Ringald sont des batailleurs, des souteneurs habitués à une vie de paresse et déjà condamnés plusieurs fois par le tribunal correctionnel.

Pélissard, lui, sans être aussi dangereux que les deux autres, a été renvoyé plusieurs fois, pour inconduite, des ateliers où il travaillait.

Les dépositions de nombreux témoins établissent leur culpabilité dans l’agression contre M. Loste.

Le Ministère public relevait contre eux le vol d’un presson, soustrait dans les chantiers de M. R…et caché par les voleurs dans une bouche d’égout, près de l’église Saint Pothin.

L’attitude de Ringald, à l’audience, est cynique : Puyaubert a plus de calme et se contente de grincer  des dents.

Après la défense de Mes Minard et Pradié-Fodéré, le tribunal condamne ces trois gredins : Puyaubert, à deux ans d’emprisonnement ; Ringald , à treize mois ; Pélissard à six mois de la même peine.

Moniteur Judiciaire de Lyon

03 novembre 1886

Chronique

Dans son audience d’hier, la 4e chambre de la Cour d’appel a jugé l’appel interjeté par les nommés Ringald, Pélissard et Puyaubert, ces individus comparurent devant le tribunal correctionnel, à l’audience des flagrants délits ; mais l’un d’eux, Puyaubert, asséna un violent coup de poing sur la tête d’un témoin, qui était en train de faire sa déposition.

L’affaire fut alors mise à l’instruction, et le 08 octobre, cet intéressant trio était traduit de nouveau devant la justice, sous la triple inculpation de coup et blessures volontaires, d’outrage à un garde du par cet enfin de vol d’un presson.

Le tribunal condamna ces individus : Puyaubert, à deux ans d’emprisonnement ; Ringald, à treize mois ; Pélissard, à six mois.

La Cour a confirmé purement et simplement la décision des premiers juges.

Moniteur judiciaire de Lyon

21 mai 1895

(…) Les quatre accusés ont une très mauvaise réputation et sont considérés comme des malfaiteurs dangereux. Ils on tous déjà été condamnés.

M. le Président procède, après lecture de l’acte d’accusation, à l’interrogatoire des accusés.

Le premier accusé est Méo (Nicolas)

D. Vous avez été condamnés ? – R. Oui, deux fois : une fois à six jours et une deuxième fois à trois mois.

D. Les rapports de police vous représentent comme étant d’un caractère faible ; vous avez été perdus par les mauvaises compagnies. Vous fréquentez les filles publiques ; votre maitresse est inscrite sur le registre de la police des mœurs. Vous ne travaillez pas régulièrement ; pourquoi n’êtes-vous pas resté à la Compagnie du gaz ? – R. Je n’étais pas assez payé.

D. Vous avez participé au vol Cancalon. – R. J’ai fourni un alibi. J’étais au cirque Rancy et j’ai passé le reste de la nuit avec Collomb.

D. Pourtant, on a trouvé chez vous une boite d’allumettes – tisons dans laquelle se trouvaient des plumes ; cette boite, M. Cancalon la reconnait. – R. Ce n’est pas possible puisqu’elle était à moi.

D. D’où la teniez-vous ? – R. J’ai acheté la boite d’allumettes, et Collomb m’a donné les plumes.

D. Vous avez été vu, par deux agents, lorsque vous examiniez, vers les trois heures de l’après-midi, la maison de M. Fintrini. – R. Je passais par hasard mais je ne me suis pas arrêté.

D. Une femme a vu sortir de la maison, où se trouve l’appartement de M. Fintrini, un individu qui est allé vous rejoindre. – R. Personne n’est venu me rejoindre. J’étais avec Collomb.

D. Le soir, vous êtes allés avec vos co-accusés au restaurant où mange M. Fintrini. Vous avez suivi celui-ci pour connaître plus exactement son domicile. Votre crime était donc bien prémédité ? – R. Je ne l’ai pas suivi. Le vol n’a pas été prémédité.

D. Quel a été le rôle de chacun de vous dans ce crime ? – R. Collomb faisait le guet, moi, je suis monté avec Pélissard et Empereur. Empereur a sonné et Pélissard a fracturé la porte avec un morceau de fer fourni par Collomb. Lorsque M. Fintrini est arrivé, Collomb a crié « descendez-vous là haut ». Je me suis empressé de descendre et je n’étais pas dans l’appartement de M. Fintrini lorsqu’il a été frappé.

D. M. Fintrini affirme que ceux qui l’ont frappé étaient au nombre de trois. – R. Il a pu se tromper.

D. C’est vous qui teniez la bougie ? – R. Oui Monsieur le Président.

M. le Président passe à l’interrogatoire du deuxième accusé Collomb (Jean).

D. Vous avez déjà subi des condamnations ? – R. Oui, j’ai fait une fois trois jours et une autres fois cinq jours pour tapage.

D. Vous êtes un ouvrier habile, vous gagniez beaucoup d’argent, et malgré cela votre maîtresse se livre à la prostitution ? – Non, je gagnais assez pour l’entretenir.

D. Au moment de votre arrestation, on a trouvé chez vous un pardessus et une pipe volés au cirque Rancy. – R. Je les ais pris par inadvertance au cirque Rancy, un soir que j’étais ivre.

D. On a trouvé chez vous un pinceau de 12 francs que M. Cancalon reconnait. Où l’avez-vous pris ? – R. Je l’ai acheté à un ouvrier sans travail sur la place des Célestins. Je l’ai payé 7 francs. Cet ouvrier s’appelle Schmidt.

D. On a encore trouvé en votre possession des timbres de un et de deux centimes. On en a pris justement une certaine quantité à M. Cancalon. – R. Ils viennent de mon frère.

D. A l’instruction, vous avez prétendu que vous les aviez trouvés dans la rue. – R. Je ne crois pas avoir dit cela.

D. Vous avez avoué à l’instruction que vous êtes monté dans la journée pour examiner l’appartement de M. Fintrini. – R. C’est Méo qui a dit cela le premier et m’a prié de dire comme lui.

D. Vous faisiez le guet ? – R. Oui.

D. Avez-vous prémédité le vol ? – R. Non, je ne l’ai su que le soir. Pélissard et Empereur en sortant du Commerce nous ont fait un signe. Nous les avons suivis et ils nous ont proposés le vol.

D. Qui a fourni l’instrument de l’effraction ? – R. J’avais vu un individu enfouir un morceau de fer et j’ai indiqué l’endroit où on le trouverait.

D. Vous accusez toujours Pélissard et Empereur d’avoir participé au vol ? – R. Oui, Monsieur le Président.

Le troisième accusé est Pélissard (Léon).

D. Vous avez subi trois condamnations avant votre tirage au sort et par conséquent vous avez été envoyé aux bataillons d’Afrique. Je dois reconnaître que vous vous y êtes bien conduit. Mais, depuis votre départ du régiment, vous vivez de la prostitution des filles. – R. Non, j’ai toujours travaillé ;

D. Vous connaissez Méo et Collomb ? – R. Non, ils ne sont jamais venus au café avec moi.

D. Vous étiez avec eux le jour du vol ? – R. Non, ils étaient à côté de moi et jouaient aux cartes entre eux.

D. Méo et Collomb vous accusent formellement d’avoir été leur complice. – R. Ils mentent pour se décharger eux-mêmes.

D. Vous vous êtes sauvés quand les agents se sont présentés chez vous ? – R. J’étais en train de fêter mon mariage avec mes amis ; comme je faisais quelques fois de la contrebande, j’ai cru que c’était pour cela qu’on venait m’arrêter. Ne voulant pas passer ma première nuit de noce au poste, j’ai essayé de m’esquiver.

C’est au tour du 4e accusé Empereur Bissonet, dit Lolo.

D. Vous avez été condamné deux fois. La police donne sur vous de mauvais renseignements. Votre femme est encore inscrite sur le registre de la police des mœurs et depuis votre mariage, elle a été condamnée deux fois. Vous vivez de la prostitution de votre femme. – R. Non, je travaille et ma femme travaille aussi de son côté.

D. Vous êtes allés au café (Gariod) avec les autres ? – R. Oui.

D. Vous avez invoqué un  alibi. Vous avez écrit à votre femme pour lui indiquer son rôle. – R. Oui Monsieur le Président.

D. Vous étiez avec vos co-accusés au bar de (Rassie) ? – R. Non, je n’étais qu’avec Pélissard.

L’interrogatoire fini, M. le Président passe à l’audition des témoins.

Coutagne, médecin commis au rapport, a été chargé d’examiner les blessures de Fintrini. Il a constaté que l’état de Fintrini n’avait rien d’alarmant, qu’il avait deux blessures légères dont une faite avec un instrument tranchant.

Bouveron (Antoine), âgé de 43 ans, brigadier des gardiens de la paix, avait remarqué Méo se promenant avec Collomb se promenant dans la journée autour de la maison de M. Fintrini et s’était dit que si un mauvais coup se faisait aux environs, il saurait où retrouver les coupables.

Ayant appris le vol le soir même, il a couru arrêter Méo et Collomb qui ont tout de suite avoué. Quelques jours après, le même témoin a été chargé de l’arrestation de Pélissard qu’il a dérangé au milieu de son repas de noce.

M. le Président félicité l’agent sur sa perspicacité et son intelligence.

Blachère, gardien de la paix, fait la même déposition que le précédent témoin.

Simon, âgé de 36 ans, gardien de la paix, placé dans l’allée, derrière la maison de Pélissard, a cueilli celui-ci au moment où il se sauvait.

Fintrini, âgé de 74 ans, rentier, a failli être la victime des accusés. Lorsqu’il est rentré chez lui, vers neuf heures, il a trouvé sa porte ouverte. A peine était-il dans le vestibule qu’il a reçu deux coups et en même temps un des voleurs lui couvrait la tête avec un manteau. On lui a pris un revolver et une tasse en argent.

Ferre (Jules), 10 ans, a vu une personne descendre à califourchon de la rampe d’escalier. Cette personne portait un vêtement semblable à celui de Méo.

Dupont, femme Jaugay, âgée de 53 ans, couturière, a vu sortir de l’allée de M. Fintrini, dans la journée du crime, un jeune homme en pantalon blanc qui est allé rejoindre un individu l’attendant sur l’avenue de saxe. Elle déclare ne pas reconnaître ce jeune homme parmi les accusés.

Bidel, femme Katz, âgée de 46 ans, couturière, descendait, vers neuf heures, les escaliers de la maison Fintrini, lorsqu’elle a vu un individu qui fuyait. En même temps, un autre s’est mis à crier dans la cage d’escalier : « descendez-vous, la haut ! » Pendant son souper, elle avait entendu du bruit dans l’appartement au-dessous du sien. Cet appartement est précisément celui de M. Fintrini.

Femme Gariod, débitante, déclare que Pélissard et Lolo sont allés chez elle dans la journée du crime, mais elle ne se souvient pas d’avoir vu Méo ni Collomb. Lolo et Pélissard sont sortis ensemble, disant qu’ils allaient à Vaise.

Matray (Marie), 19 ans, domestique, dit que Méo et Collomb sont venus au bar de Rassie vers la tombée de la nuit ; c’est le témoin qui les a servis.

Flanchet, cordonnier, a occupé trois ou quatre fois Pélissard et a toujours été très content de lui.

Boissier, cordonnier, raconte que, le jour du vol, il a dîné avec Lolo. Pélissard est venu vers les 3 heures apporter des dragées.

Ils sont sortis ensuite tous les trois et sont allés faire une partie de billard au café du Commerce. Lolo et Pélissard sont partis vers 8 heures et le témoin les a rejoints quelques temps après au café du Nouveau Lyon.

C’est ce témoin qui recevait des billets pour les femmes d’Empereur et de Pélissard.

Bruyat, cousin de Lolo, a pris un verre avec lui au bar du Nouveau Lyon, vers neuf heures moins ¼.

Argence portait à Buissier les billets envoyés par les détenus à leur femme.

Cancalon raconte le vol dont il a été victime tel qu’il est exposé dans l’acte d’accusation.

Perrier, associé de Cancalon, fait la même déposition.

M. l’avocat général fait l’historique du vol. Il montre les accusés ne vivant que de la prostitution et du vol.

Il s’attache surtout à démontrer la culpabilité de Pélissard et d’Empereur ont toujours nié. On les a vus le jour du crime avec leurs coaccusés. Ceux-ci les accusent d’ailleurs formellement d’être les instigateurs et les auteurs principaux du vol. Il ne retient pas la circonstance aggravante de violence ayant laissé des traces qui entraîneraient pour les accusés les travaux forcés à perpétuité mais il demande aux jurés de refuser les circonstances atténuantes, ce qui permettra à la cour de les condamner aux travaux forcés à temps.

Moniteur Judiciaire de Lyon

02 mai 1899

Tribunal correctionnel de Lyon – Dans son audience du lundi 1er mai 1899, le Tribunal a prononcé les condamnations suivantes :

Pélissard (Léon), âgé de 32 ans, cinq fois condamnés, quatre mois de prison pour infraction à un arrêté d’interdiction de séjour ;

(…).

Dossier de presse « la bande sinistre et ses exploits »

Procès d’Amiens

Audience du 11 mars 1905

Interrogatoire de Pélissard

On arrive à un vol, le premier dans lequel est compromis Pélissard.

M. le président l’interroge rapidement.

Pélissard est né à Lyon le 15 juin 1867. Il été six fois condamné, notamment le 20 mai

1895 par la cour d’assises du Rhône, pour vol qualifié, à cinq ans de réclusion et cinq ans d’interdiction de séjour.

Pélissard reconnaît les faits

Source :

  • – Archives départementales de la. Charente Maritime : 2Y306 : dossier nominatif de Léon Pélissard 1905
  • – Moniteur Judiciaire de Lyon, 1886-1899
  • – Archives de la Préfecture de Police de Paris: EA/89 : dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

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