Où l’on ne dynamite finalement pas grand-chose !


Barricata

n°20, hiver 2010

Lire …

p.71 : Eclairer le présent au regard du passé ? C’est en tout cas ce qu’affirme la 4e de couverture du dernier livre de l’historien étasunien John Merriman, énième opus à sensation sur « l’épidémie » de bombes qui secoua la France, l’Europe et le monde dans les années 1890. Parallèle facile : « Surprenant et provocant, Dynamite Club met brillamment en lumière une période sociale et politique spectaculaire et s’interroge subtilement sur notre propre époque ». Nous ne croyons pas l’entreprise aussi louable et subtile qu’il n’y parait.

Elle revêt de toute évidence les loques grossières du coup éditorial où s’amalgament fondamentalisme musulman d’aujourd’hui et propagande par le fait d’hier. Promotion estivale oblige, le livre sorti en toute hâte dans sa version française ne manque pas de passer inaperçu dans la presse (France Culture, Libération, Le Monde). Etrange intérêt pour la chose libertaire que d’aucun aimerait bien voir violente et irresponsable à l’occasion notamment de multiples déraillements ferroviaires. La 1e de couv’ illustre parfaitement notre propos ; moche à souhait, elle reprend une image d’époque colorisée pour mieux faire ressortir la bombe qui éclate au café Terminus le 12 février 1894. L’effet de peur doit agir sur l’acheteur potentiel. L’anarchie est devenue depuis peu une sorte de marronnier médiatique (voir l’article Le marronnier et la marmite) qui, en faisant délicieusement frissonner sur le sable chaud, maintient les ventes à niveau avant la rentrée littéraire. Mais l’ouvrage souffre de la précipitation et des nombreuses coquilles que l’on peut y trouver.

Bien écrit cependant et même mieux que le bon vieux polar de hall de gare. Aussi noir, aussi glauque, aussi sombre. Réel en plus. Concret. Vrai. L’histoire comme un roman mais, hélas, comme un air de déjà lu. Là où Renaud Tomazo nous emmenait sur la piste pas encore bitumée des bandits en auto (Mort aux bourgeois, Larousse 2007), là où Vivien Bouhey mettait sous le feu des projecteurs historiques d’obscurs réseaux de « comploteurs » anarchistes luttant à la Belle Epoque pour un ordre noir et sans pouvoir (les Anarchistes contre la République, PUF de rennes 2009), John Merriman dresse en huit chapitres et 255 pages le portrait d’un hexagone meurtri par les poudres vertes et explosives du père Lapurge. Emile Henry et son guide.

Le jeune homme, révélé à nos yeux comme un exalté frappé d’un triple déterminisme social, culturel et politique ne pouvait finalement, comme les autres (Vaillant, Ravachol et consort), que finir sur l’échafaud. La démonstration de Merriman nous apparaît ainsi facile, rapide et quelque peu manichéenne. L’auteur a choisi le poids de la fatalité plutôt que de mettre en avant des actes politiques à part entière, donc forcément complexes. Ainsi notre Mimile pose-t-il ses bombes par dépit amoureux ! Suivre les pas du Saint-Just de l’anarchie, de Londres jusqu’à Paris en passant par Brévannes, où Madame Henry mère tient une auberge dont le nom (A l’espérance) peut évoquer au lecteur l’ironie et le poids de l’histoire d’une famille de bourgeois déclassés, est certes plaisant et des plus instructifs. Merriman sauve son propos aussi avec son chapitre sur le procès de l’homme qui inventa la recette du poulet grillé à la mode de la rue des Bons Enfants (attentat du 08 novembre 1892).  Le reste ne nous apprend finalement pas grand-chose. On regrettera encore une bibliographie qui ne s’enrichit pas de travaux récents et en particulier de l’excellent livre de Walter Badier : Emile Henry, de la propagande par le fait au terrorisme anarchiste (éditions libertaires, 2007). Et ce n’est pas parce que c’est un copain que cela enlève la force et l’excellence à ce type de travail historique.

John Merriman

Dynamite Club, l’invention du terrorisme à Paris

Tallandier, juin 2009

20€

Tags: , , , , , , , , , , , , , , ,

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (4 votes, moyenne: 5,00 sur 5)
Loading...

Imprimer cet article Imprimer cet article

Envoyer par mail Envoyer par mail


Laisser un commentaire

  • Pour rester connecté

    Entrez votre adresse email

  • Étiquettes

  • Archives

  • Menus


  • Alexandre Jacob, l'honnête cambrioleur