Lupinienne postérité


Un voleur est un criminel. C’est un fait d’autant plus indiscutable que ses atteintes à la propriété sont commises avec la plus grande des bestialités. S’emparer du bien d’autrui, même au nom d’un prétendu et hypothétique droit  de vivre, vous engage sur une pente glissante. On sait la suite logique, inéluctable … violente mais légale : procès, condamnation, bagne, mort. Mais un voleur qui ne développerait aucun goût pour la sauvagerie, qui refuserait le diktat  de la brutale malveillance quand bien même la frénétique barbarie revêtirait les oripeaux de la conformité capitaliste sous l’hypocrite habit de l’exploitation salariale, cet honnête homme serait forcément à ranger parmi les voyous les plus dangereux. Son exemple pourrait faire tâche et l’ordre social se verrait mis en cause dans ses fondements même.  Ce cambrioleur serait à cataloguer parmi les originaux dont certains ne cesseraient de chanter la geste partageuse. Mais l’histoire d’Alexandre Jacob, ici narrée en mars 2013dans le blog musical d’Esarjo Libertaria, qui a trop lu de romans à caractère biographique mais qui n’hésite pas à illustrer son propos avec la première de couv de L’honnête cambrioleur (ACL 2008), passe forcément par l’habituelle postérité lupinienne. Alexandre aurait pu s’appeler Arsène. Il ne sera que Marius mais connaitra d’incroyables aventures. Elles ne sont pas forcément vraies mais elles chantent pour la postérité.

Blog de Esarjo Libertaria

http://esarjo.skyrock.com/3147963052-Marius-JACOB-le-cambrioleur-anarchiste.html

Marius JACOB, le cambrioleur anarchiste.

10 mars 2013

Alexandre Marius JACOB voit le jour le 29 septembre 1879, à Marseille. Issu d’un milieu prolétaire, il n’a pas d’autre choix que le travail, dès l’âge de 12 ans. C’est dit, il sera mousse..!

Il embarque pour un voyage de longue durée, à destination de Sydney. Au cours de cette traversée, il connaît les deux points extrêmes du modèle social. Les passagers, tous très fortunés et pour qui les marins n’existent simplement pas, l’équipage, hommes durs et parfois violents dont il doit parfois repousser les avances et les bagnards transportés vers un lointain exil. Parvenu à destination, Marius JACOB déserte. Dans les années qui suivent, il prend part à quelques actes de piraterie puis fuit ce milieu, indisposé par la trop grande violence qui le caractérise. Plus tard, il dira de ces années de jeunesse… « J’ai vu le monde. Il n’est pas beau. »

En 1897, il est de retour à Marseille et abandonne définitivement la marine. Il  devient alors apprenti typographe et se met à fréquenter les cercles d’ouvriers anarchistes.

Il n’y a pas 30 ans que la Commune de Paris a été défaite et les survivants livrés à une répression féroce. Un profond fossé s’est creusé entre les socialistes légalistes, qui désormais ambitionnent de prendre le pouvoir par les urnes et les socialistes révolutionnaires (principalement anarchistes) qui pensent que la justice sociale ne se discute pas. Elle se prend !

Une part du mouvement anarchiste illégaliste se lance alors dans ce qu’ils nommeront « la propagande par le fait ». C’est une période marquée par des attentats et toute une série d’actes individuels plus ou moins violents qui visent les représentants des institutions politiques et de la classe possédante. La répression se durcit. Des dizaines de militants anarchistes, n’entretenant souvent aucun rapport avec les activistes les plus radicaux, sont arrêtés, emprisonnés…Les libertaires sont traqués.

Marius JACOB, qui soutient le mouvement des illégalistes, n’a cependant aucun goût pour la violence. En outre, il remarque bien que les attentats desservent la cause et provoquent une montée d’impopularité à l’encontre des anarchistes. Compromis dans une affaire d’explosifs, il ne parvient pas à retrouver d’emploi à sa sortie de prison. C’est alors qu’il opte pour un illégalisme non-violent.

Le 31 mars 1899, un commissaire de police et deux inspecteurs se présentent chez un commissionnaire au Mont de Piété de Marseille. L’accusant du recel d’une montre, ils l’arrêtent, après avoir dressé durant trois heures, sur papier à en-tête de la Préfecture de police, l’inventaire de tout le matériel en dépôt, qu’ils confisquent comme pièces à conviction. L’homme est emmené menotté au Palais de Justice tandis que les trois individus s’esquivent, emportant un butin d’environ 400 000 francs. Les policiers n’étaient autres que JACOB et deux compères. La France entière en rit.

Arrêté en juillet de la même année, Marius JACOB simule la folie et s’évade de l’asile d’Aix-en-Provence.

Il forme alors la bande qui se fera connaître sous le nom des « travailleurs de la nuit ».

Les règles sont impératives. On ne tue pas. Sauf pour protéger sa vie et à la seule condition d’être en face de policiers. On ne vole que les riches bourgeois mais pas ceux qui exercent des « professions utiles » (médecins, artistes..). Un pourcentage de l’argent volé est reversé à la cause anarchiste et aux camarades dans le besoin. On ne travaille pas avec la pègre.

Marius JACOB fera preuve d’inépuisables ressources en termes d’astuces. Il deviendra un expert du déguisement et se taillera une réputation de par l’élégance dont il fait preuve en plus d’une occasion.

Ainsi, cambriolant la demeure d’un capitaine de frégate, Julien Viaud, il s’aperçoit soudain qu’il s’agit de Pierre Loti, remet tout en place et laisse un de ses fameux mots : « Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume. Tout travail mérite salaire. Attila. – P.S. : Ci-joint dix francs pour la vitre brisée et le volet endommagé. »

Un jour, découvrant qu’une marquise qu’il imaginait richissime était en fait criblée de dettes, il lui laisse 10 000 francs or.

Marius JACOB se dotera également d’une solide culture au travers d’une démarche d’autodidacte constante.

Il passera à la postérité sous les traits de Arsène LUPIN puisque Maurice LEBLANC, créateur de ce personnage, s’inspira pour une part non négligeable de la vie de Marius JACOB.

Le 21 avril 1903, une opération menée à Abbeville tourne mal. Après avoir blessé grièvement un agent et s’être enfuis, JACOB et ses deux complices sont capturés. Il fait du procès, qui se tient à Amiens deux ans plus tard, dans une ville en état de siège et hantée par les anarchistes, une tribune pour ses idées, étonnant par sa truculence, son sens de la repartie, son idéalisme, et son intelligence : « Vous savez maintenant qui je suis : un révolté vivant du produit de ses cambriolages. » ; « Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. »

Il réplique au président du tribunal qui lui demandait pourquoi, lors d’un cambriolage, il avait volé un diplôme de droit sans valeur marchande : « Je préparais déjà ma défense. » On est obligé de changer périodiquement ses gardiens, car il les convertit à l’anarchisme. Il échappe à la guillotine, mais est condamné à perpétuité au bagne de Cayenne.

Libéré en 1927, Marius JACOB s’installe en Touraine. Il restera désormais dans la légalité mais persistera dans son engagement anarchiste. Il participe un temps, avec Louis LECOIN, à la rédaction du « Libertaire », il s’investit dans la propagande, dans le soutien à SACCO et VANZETTI, à DURRUTI menacé d’extradition… En 1936, il se rend en Espagne avec le désir de s’engager aux côtés de la CNT. Mais Marius JACOB a vieilli. Il est usé par ses années de détention. Pendant la seconde guerre mondiale, s’il ne s’engage pas directement dans la résistance, les partisans savent pouvoir trouver un refuge chez le vieux JACOB.

En 1953, Marius JACOB confie à un couple de jeunes amis qu’il entend finir ses jours dignement.

Le 28 août 1954, sentant que son corps est tout près de le lâcher, Marius JACOB met fin à ses jours par une injection massive de morphine.

Il laisse l’un de ses derniers petits mots, comme autrefois sur les lieux de ses cambriolages…

« (…) Linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé. J’ai la cosse. Excusez. Vous trouverez deux litres de rosé à côté de la paneterie. À votre santé. »

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