Freiheit über alles


L\'Anarchie guidant le peupleLe principe de liberté est inhérent à celui d’égalité  et c’est peut-être, sûrement, sans aucun doute pour cela qu’il fut constamment nié par le fait du prince. Là où l’épistémologie, l’historiographie, la pensée et les arts officiels mettent en exergue la légitimité des hiérarchies et des pouvoirs, le libertaire bordelais Antoine Antignac oppose logiquement en 1897, dans le deuxième et dernier numéro du journal anarchiste marseillais l’Agitateur, les concepts de nature et d’entraide.

Et, dans un élan éducationniste pour reprendre la classification mis en relief il y a peu par les recherches de Gaetano Manfrédonia, la prose – somme toute peu originale – du Girondin justifie la nécessaire propagande et le courage des camarades anarchistes face à la répression tant policière qu’idéologique.

Les ardeurs militantes du jeune Alexandre Jacob, du groupe local de la Jeunesse Internationale reprennent à leur compte les idées ici développées. Elles l’amènent alors droit dans les mailles du filet policier et dans les cellules de la prison Chave de Marseille … pour fabrication d’explosifs.

L’Agitateur

N°2

Du 18 février au 02 mars 1897

Autorité et liberté

Des kyrielles de penseurs superficiels ont consacré pages sur pages à la déification de l’autorité de la sacro-sainte autorité – avec un A majuscule. Des philosophes médiocres ont passé une partie de leurs nuits à essayer de prouver l’utilité, nous dirons plus exactement : l’indispensabilité de l’obéissance, de la soumission. Pour notre part, nous nous gaussons de leurs lourdes méditations.

Certains grands hommes ont blanchi devant l’écritoire à prêcher l’humilité, le renoncement, le sacrifice, le respect des pasteurs de peuples, des êtres providentiels appelés à faire le bonheur des nations.

Des théocrates laïques ou religieux ont recours à tous les moyens pour imposer aux récalcitrants l’amour d’un dieu qualifié de paix, de mansuétude, de miséricorde et de pauvreté, malgré six cents ans d’inquisition et plusieurs milliards de biens meubles et immeubles, non compris une série de titres de rente dont les possesseurs pourraient nous donner des nouvelles.

Fouillez toutes les bibliothèques, mettez sans dessus dessous toutes les librairies, parcourez tous les musées, contemplez les statues, bibliothèques, librairies, musées contiennent jusqu’au plafond des œuvres ayant pour base l’autorité, la plupart des statues ont été élevées à la glorification d’hommes ou d’idées de commandement, c’est-à-dire de main mise sur les corps et les cerveaux réfractaires à la sujétion.

La Liberté, elle, peuh ! c’est moins que rien. A quoi bon pâtir pour elle, l’aimer et la faire aimer, la défendre ou la créer ? Mieux vaut se courber sous le joug, patauger gentiment dans l’ornière, suivre à la queue-leu-leu, dans le chemin obscur et boueux de l’ignorance, les masses crédules et exploitables.

La Liberté ne peut pas être adorée pour elle-même, peu de gens la connaissent ; comme la vérité apparaissant toute nue à la margelle du puits, elle effare les hypocrites et met la pourpre de la honte au front des délicats. Ces enténébrés ne rougiraient pas à sa vue s’ils savaient, ou si des intérêts inintelligemment entendus ne couvraient leurs yeux d’écailles d’huitres d’Ostende.

La nature nous crie : Ni obéissance ni commandement ! Je n’ai fait jaillir de mon sein ni serviteurs, ni maîtres.

Tous les humains sont égaux, socialement parlant. L’égalité sociale n’est pas une chimère. Que si vous groupez en vue de votre bonheur intégral, sans vaines balivernes politiques dont le ventre se moque, vous réaliserez l’union universelle et les besoins psychiques et matériels de chacun seront satisfaits en toute quiétude. Vous serez en joie et en liberté.

Vous êtes une des innombrables manifestations de la matière ; les éléments qui vous constituent et par lesquels vous vous extériorisez sont identiques. Ne comprenez-vous pas que si vous ne voulez périr, vous vous devrez les uns aux autres en toute sincérité, en toute indépendance, en un cadre social extensible à l’infini, toujours mouvant ?

L’homme réduit à lui-même, sans le concours des autres, sans l’aide naturelle, ne tarderait pas à se désagréger, à disparaître dans le gouffre insondable de l’insolidarité, de l’égoïsme imbécile ; grain de sable isolé, tous les vents du chaos sociétaire le soulèveraient.

Le principe de liberté ne sera pas toujours méconnu, sujet à interprétations arbitraires, traitresses ; les rares esprits qui, sans souci de leur santé, de la perte de leur emploi ou des spirituelles persécutions gouvernementales, luttent imperturbablement pour l’éclosion de l’anarchie – communisme, analysent le présent en s’aidant du passé, et préparent l’avenir. Leur œuvre est double et saine : instruire pour édifier.

Ils vont semant le grain de libération dans l’humus populaire avec l’ardeur réfléchie que donne la netteté intellectuelle.

Les inexactitudes journalistiques ou politiciennes les font sourires, les discours – programmes ministériels éveillent leur bonne humeur aiguisée, et les âneries des piliers de l’économie conservatrice ou républicaine redoublent leur malice.

Antoine Antignac.

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