Dix questions à … JMD


A force de vouloir faire parler les gens qui, de près ou de loin, s’intéressent à l’illégalisme anarchiste en général, à Jacob en particulier ou plein d’autres choses encore, on finit par se faire prendre, non sans plaisir d’ailleurs, à son propre jeu. Les questions que Colombe de Dieuleveult nous a posées, au début de cette année 2010, pour les besoins de son mémoire de master universitaire   touchent aussi bien le fonds que la forme de l’histoire de l’honnête cambrioleur. Une histoire de lettres et d’écrits. Colombes travaille sur l’aspect littéraire de la prose jacobienne et nous sommes heureux d’avoir pu apporter notre aide, aussi infime fut-elle, à cette prometteuse étude dont nous ne manquerons pas de vous reparler. L’occasion était alors trop bonne pour évoquer, dans les dix questions qui suivent, notre intérêt pour l’ancien voleur, l’ancien bagnard et le marchand forain, pour causer de notre participation à la réédition des Ecrits de Jacob par L’Insomniaque en 2004, pour dire l’intérêt du jacoblog et remettre, encore une fois, en lumière cette lupinose dont beaucoup, beaucoup peuvent être affligés.

Alexandre Jacob 19051) Comment as-tu découvert Jacob ? Comment en es-tu arrivé à faire une thèse sur la vie qu’il a menée ? A quel moment cela t’a paru possible et pertinent ?

J’étais étudiant en histoire à l‘université Michel de Montaigne (Bordeaux III) lorsque, en 1989, le magazine L’Histoire a évoqué l’honnête cambrioleur par l’entremise d’un article de Jean-Marc Berlière. L’image qui se dégage de ce papier est certes classique dans le sens où apparait l’extraordinaire aventurier et où l’homme politique – c’est-à-dire doté de fortes convictions illégalistes – est relégué au second plan mais elle a créé l’envie de connaissance chez le béotien du fait anarchiste que j’étais. La lecture de la biographie écrite en 1993 par l’avocat niçois William Caruchet aurait pu stopper l’intérêt croissant pour le personnage tant cet ouvrage, à l’instar des romans populaires de la fin du XIXe siècle, joue sur l’émotion et le spectaculaire par le biais très souvent de la falsification des faits. Deux ans plus tard l’acquisition des Ecrits a décuplé en revanche cette volonté d’en savoir plus sur Jacob. Les deux volumes de l’Insomniaque, bien que l’éditeur se défende d’avoir tenu une démarche historique, présentait un corpus exceptionnel de sources, issues pour l’essentiel de la main même de Jacob. Ces deux livres, pour la première fois mettaient en avant une volonté de compréhension de la « geste jacobienne », là où ce que j’avais pu lire avant se contentait d’une « simple » et édifiante  narration, et permettaient de poser un grand nombre de questions aussi bien sur l’illégalisme anarchiste que sur ce que l’honnête cambrioleur appelait lui-même « le système éliminatoire à la française », que sur l’intégration d’un homme libre dans une société d’honnêtes gens, etc. En 2000, étant devenu formateur et bourreur de  juvéniles crânes en histoire-géographie et éducastration civique depuis cinq ans dans les Vosges, l’envie de continuer mes études est devenue une réalité, un besoin de plus en plus pressant. J’ai soumis à François Roth de l’université de Nancy II une série de sujets de thèse parmi lesquels figurait Alexandre Jacob. Et c’est sur lui que l’auteur de La guerre de 1870 a fait son choix. Au fil du temps l’intitulé exact est devenu : « Parcours et réseaux d’un anarchiste : Alexandre Jacob 1879-1954 ». La problématique de base étant de replacer l’homme dans son contexte politique, social, culturel, économique et historique, elle s’est renforcée avec la recherche d’un corpus de sources et de documents pouvant compléter l’immense travail déjà accompli par Olivier Cueto de l’Insomniaque pour la publication des Ecrits. Il a alors fallu jongler entre le travail salarié et les multiples déplacements que la recherche nécessitait. Déplacements en archives, aussi bien nationales que départementales, aussi bien publiques que privées ; déplacements chez ceux qui ont connu Jacob ou les amis de celui-ci, prise de contact avec ceux qui ont travaillé sur l’honnête cambrioleur. Au fil du temps (un peu plus de trois ans), le corpus a crû de manière exponentielle malgré un certain nombre de déceptions. Il est ainsi devenu clair que le dossier d’instruction du procès d’Amiens qui clôt l’illégalisme des Travailleurs de la Nuit, contrairement à ce qu’affirme Bernard Thomas dans sa deuxième biographie de Jacob en 1998, a purement et simplement disparu. Il est tout aussi frustrant de ne rien trouver sur les questions de la guerre d’Espagne ou de la deuxième guerre mondiale. La mise en place d’un plan et la rédaction de la thèse ont aussi pris un certain temps ou plutôt un temps certain où alternaient les périodes d’euphories consécutives à une écriture rendue facile par la confrontation des multiples sources, par l’impression réelle de mettre en lumière et en relief des faits qui n’avaient pas été traités, ou vus ou encore qui avaient été déformés, voire même inventés, et les périodes de doutes issues justement de l’absence de sources, de la difficulté d’appréhender les phénomènes. Au fur et à mesure d’une écriture, voulue thématique et chronologique, la thèse est devenue réalité et il a fallu la présenter devant un jury (François Roth, Didier Francfort et Jean El Gamal de l’université de Nancy II, Jean-Marc Berlière de l’université de Dijon et Dominique Kalifa de celle de Paris I) en juin 2006.

lettre du bagne2) Comment les lettres de Jacob ont-elles été découvertes ?

Voilà ce que m’a écrit Olivier Cueto de L’Insomniaque, en novembre 2005, à l’occasion de la préparation de ma thèse. Je lui demandais pourquoi s’être intéressé à Jacob et comment les Ecrits ont pu aboutir ? L’idée était de montrer la redécouverte d’un personnage central de l’anarchisme de la fin du XIXe siècle, la recomposition d’une image :

« Avoir honte d’avoir honte.

Le nom d’Alexandre Marius Jacob m’est apparu la première fois au cours de recherches que je faisais pour constituer un petit recueil sur des bandits sociaux. En me promenant dans des librairies lyonnaises, je fis une halte à « Choc Corridor », où je trouvais quelques récits intéressants (entre autres le Clément Duval de Marianne Enckell) et où je tombais sur l’ouvrage d’Alain Sergent « Alexandre Marius Jacob, un anarchiste de la Belle Epoque ». Son prix était fort élevé et je demandais malicieusement au libraire s’il ne voulait pas le baisser, pour éviter que je l’emprunte, malgré lui… Amusé, il me répondit qu’il voulait bien m’en faire cadeau à la condition que je fasse des recherches sur ce personnage qui n’avait eu jusque là que le triste bonheur de devenir un héros d’une fiction politique signé du journaliste Bernard Thomas. Il m’indiquait aussi que, si j’étais intéressé par cette proposition, il pouvait me donner l’adresse d’un couple de personnes qui avait fort bien connu Jacob quelques années avant sa mort et qui disposaient d’un fond d’archives épistolaires plus que conséquent. Je ne pouvais qu’accepter. Ce thème de bandit social me passionnait : démontrer que, malgré les théories « anarchistes » traditionnelles, la frontière entre l’illégalisme et la théorie révolutionnaire était souvent ténue était l’une de mes obsessions. Cela n’a d’ailleurs toujours pas changé. A la fois la rigueur d’un voleur qui ne change jamais de camp, qui, ne cède pas devant le vertige de l’argent et qui ne s’éprend pas des valeurs bourgeoises en amassant de plus en plus de richesses, et puis la fermeté d’un anarchiste qui choisit de sortir des ornières d’une vie rapidement tranquille et qui finit par théoriser sa propre impuissance en masquant tout cela derrière une pseudo-objectivité. Bonnot ne m’était pas aussi sympathique et Jean Grave m’exaspérait.

Pendant plusieurs mois, presque deux ans, je m’occupais de retrouver et de rencontrer ceux qui avaient pu connaître Marius Jacob de son vivant et qui pourraient avoir conserver des archives autour de ce personnage (lettres, documents, photographies…). Les recherches furent fructueuses : sans retracer tout le parcours, j’eus ainsi la joie de me rendre chez les époux Passas qui détenaient la quasi totalité des lettres que Jacob avaient envoyées à sa mère pendant sa réclusion au bagne de Cayenne, puis Pierre Valentin Berthier qui avait côtoyé Jacob après son installation dans le centre France, Denizeau ancien maire libertaire de Lussault sur Loire, Josette… Je me retrouvais ainsi devant une masse de documents de la main même de Jacob aussi intéressants qu’inédits.

Bien que de formation universitaire, je n’avais pas envie de traiter cette histoire de cette façon. Il me fallait allier au mieux la conception d’un livre plaisant et le sérieux des recherches. Après avoir complété en partie les dernières recherches nécessaires (Bibliothèque nationale, les archives d’outremer, les différents fonds de documentation historique comme le CIRA à Lausanne, la BDIC à Nanterre, etc.), je commençais d’imaginer avec les amis de l’Insomniaque éditeur la façon de rende compte de tout ce qui avait été retrouvé.

Nous décidâmes de fabriquer deux livres et deux disques : dans les premiers, l’on trouverait les écrits mêmes de la main de Jacob, et les seconds serviraient à la narration « théâtrale » des documents que j’avais rassemblés, le tout agrémenté de chansons originales d’après des textes de l’époque (souvent des textes écrits par des amis de Jacob). La fabrication de cet ensemble fut encore un long moment partagé avec beaucoup de complices : entre la mise en page, la correction, l’impression, la mise en scène des saynètes, l’enregistrement des disques (musiques et textes)… tout cela dura quelques mois et concerna presque une centaine de personnes. L’édition fut un succès, non pas une réussite commerciale car nous avions choisi de vendre au prix coûtant l’ouvrage, mais le premier tirage à 3000 exemplaires fut très rapidement épuisé, suite à de nombreux éloges dans l’ensemble des medias aussi bien officiels que militants. Quelques mois plus tard, nous faisions un nouveau tirage de 2000 exemplaires qui connut le même sort.

Puis, faute de moyens, nous ne pûmes pendant quelques années que rééditer des morceaux choisis dans une petite collection de l’Insomniaque, A couteaux tirés. C’était certes mieux que rien mais guère satisfaisant. Nous savions qu’un jour il nous faudrait rééditer le tout. Il me restait un carton d’archives que les Passas m’avaient laissé, toujours intact ; plongé dans d’autres travaux, je n’avais pas eu le temps de me remettre à ce projet. Heureusement, nous rencontrâmes Jean-Marc, enseignant étudiant qui avait choisi Jacob et l’illégalisme comme sujet de thèse. Excellente idée. Je lui proposais alors de déchiffrer les derniers documents, ce qu’il fit avec un sérieux sans égal. Il apportait à l’ancienne édition la rigueur historique que nous n’avions pas eue, il continua à rechercher, à comparer, à conclure avec des documents que nous n’avions pas pris la peine de fouiller. Cela suffisait plus que largement à envisager une nouvelle édition augmentée des nouvelles données. Au delà des précisons fort importantes données par son travail, la rencontre avec Jean Marc a su redonner l’envie et le courage de remettre en librairie des Ecrits de Jacob toujours et plus que jamais d’actualité, lui qui s’est toujours battu contre le système d’exploitation capitaliste et plus précisément contre l’une de ses formes de répression, l’enfermement carcéral. L’Insomniaque, dès qu’il l’a pu, a toujours publié des textes contre la prison, contre toutes les prisons : le témoignage de Jacob en ce sens est unique, aussi bien d’un point de vue historique que politique, voire philosophique.

Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend ».

Comme tu peux le voir, il s’agit plus d’une redécouverte que d’une découverte des Ecrits de Jacob puisque tout le fonds d’archives, je parle bien sûr des archives privées, dormaient tranquillement. D’abord chez les époux Passas puis, après la mort de Robert Passas en 1996, chez les époux Amary, Janine (la seconde femme de Robert Passas) s’étant remarié avec Jean-François Amary quelque temps après. Le constat est le même avec le fonds d’archives que possédait Guy Denizeau ou encore Pierre Valentin Berthier. Il suffisait donc de frapper aux bonnes portes. Notons enfin que certaines lettres et documents sont « perdus » ; l’utilisation des guillemets est volontaire. La mère de Jacob, Marie, a prêté un certain nombre de lettres aux journalistes Roubaud et Million ; Jacob en a fait de même avec Alain Sergent pour la biographie qu’il écrivait en 1950. De fait, les trous dans la correspondance du bagne sont légions. Pour celle-ci, il faut considérer qu’elle commence avec le transfert de Jacob sur la prison d’Orléans (le pays des frelons) et se termine avec son retour de Guyane en 1925. Si tu prends en compte le fait que le détenu ne peut écrire qu’une fois par mois, cela fait au total un paquet de lettres et, dans ce paquet, certaines sont manquantes. C’est particulièrement le cas de 1906 à 1910. Il faut en outre retenir le fait que toute cette correspondance carcérale est lue et censurée par l’administration pénitentiaire. Certaines lettres peuvent ainsi être retenues et, en général, tu les retrouves dans le dossier du bagnard conservé aux Archives de l’Outre Mer à Aix en Provence. Pour éviter la censure, Jacob a inventé un système de codage en se créant une famille et des amis imaginaires. La vie de cette famille qu’il évoque dans ses lettres permet ainsi d’annoncer un évènement particulier ; lorsqu’il veut parler d’une évasion, par exemple,  il utilise le personnage de Julien qui peut se féminiser et devenir Julie.

Certains de ces écrits ont encore été subtilisés et non rendus à leurs dépositaires. Ce fut le cas lorsque William Caruchet écrivit sa biographie de Jacob en 1993 ; pour ce faire, il rencontra Robert Passas qui lui prêta une lettre et trois cartes postales. Tout ceci n’a jamais été rendu. Il faut aussi dire qu’à l’occasion de la rencontre, Robert Passas en a profité pour se faire prêter une petite somme d’argent. Pour la correspondance d’après le bagne, on peut, je pense, parler de découverte en ce qui concerne certains écrits de Jacob avec certaines personnalités. Mais là, la découverte ne s’est pas encore produite. Si j’ai pu retrouver la famille du docteur Louis Rousseau et celle d’Alain Sergent (alias André Mahé), j’ai fait choux blanc sur ces deux amis de Jacob mais aussi pour toutes les lettres qu’il a écrites notamment au RP Riquet, à Alain Bombard. Bref, il y a encore du travail et des « trésors » à trouver !

Ecrits, réédition augmentée, Insomniaque3) Ton travail de recherche s’est lié à la réédition des Écrits : quelle est la chronologie, grosso modo, des événements ? En quoi a consisté ta collaboration avec l’Insomniaque ? Découverte donc édition ou volonté d’éditer donc recherche des lettres ?

Ta question permet d’affiner certaines parties de la première que tu poses. Le choix du sujet de thèse élaboré, il a fallu en effet se mettre à la recherche des sources et le premier contact à prendre devait logiquement se faire avec l’équipe de l’Insomniaque sur  Montreuil. Ce qui fut fait en 2001. Comme l’explique la lettre d’Olivier (voir question 2 et l’article Genèse des Ecrits dans le Jacoblog), le point de départ est bien un ouvrage sur Jacob car les biographies existantes en 1995 ne satisfaisaient pas l’Insomniaque. Le travail de recherche d’Olivier est primordial car il est le premier à avoir réuni un corpus inédit. Inédit parce que pour nombre de gens qui connaissaient le personnage, Jacob c’était juste, au mieux, ses réparties à Amiens et sa déclaration illégaliste Pourquoi j’ai cambriolé ?, et, au pire, un formidable aventurier, caustique et gouailleur, revêtant les habits d’un certain gentleman cambrioleur. Lorsque nous nous sommes rencontrés, Olivier m’a confié un carton de documents encore non exploités : des cartes postales, des photographies et des lettres d’amis de Jacob ou encore de Jacob. Avec les recherches en archives, avec les rencontres effectuées, la possibilité d’une réédition complète des Ecrits est devenue au fil des jours une réalité en 2004. Auparavant, l’Insomniaque avait sorti trois petits volumes en 1999 reprenant, dans sa collection A couteaux tirés, des extraits de la première édition : un volume pour ‘illégalisme (Travailleurs de la Nuit), un autre pour le bagne (Extermination à la française) et un autre sur la pensée carcérale de Jacob (A bas toutes les prisons !). Pour la réédition de 2004, l’idée était de faire un livre à l’image de ceux de la collection Bouquins de chez Gallimard avec la même finesse de réalisation que celle qui avait présidé pour la sortie des Ecrits de 1995. J’apportai pour ma part de nouvelles notes et surtout les documents issus de mes recherches, soit environ un quart du volume réalisé (quelques huit cents pages au total) et constitué de dossiers de presse, de rapports de police, de souvenirs de bagnards, d’extraits de lettres de la correspondance avec Josette Passas, etc. Il y eut à nouveau un cd accompagnant le livre mais celui-ci était nettement plus musical, avec des morceaux nouveaux comme Le Transporté, La Diane du Prolétaire ou encore les Traîne-misère et les Conseils à un pègre. Il y a dans ce cd moins de saynètes que dans les disques précédents. Force est alors de constater que le travail accompli par l’Inso fut d’une qualité extraordinaire  et il convient de souligner la beauté du volume produit en plus de l’apport de connaissances induit.

Robert Passas et Jean-François Amary, juin 19964) Où se trouvaient alors les lettres d’Alexandre écrites à Marie ?

Si Jacob n’a pas conservé les lettres de sa mère, la réciproque n’est pas vraie. On peut aisément en imaginer les raisons. Il existe d’abord une véritable relation œdipienne entre ces deux êtres. Le bagnard 34777 ne peut conserver son courrier, le risque étant grand de le voir tomber entre de mauvaises mains. Mais du côté de Marie Jacob, j’imagine que la lecture des courriers de son fils lui permet de tenir le coup les jours de déprime. Cela est aussi vrai pour Jacob. La lettre qui arrive de France c’est la vie, le lien avec l’extérieur. Mais, à Paris, les lettres vont aussi permettre de convaincre certains journalistes, certains hommes politiques de soutenir l’idée d’une libération d’un forçat qui aurait grandement purgé sa peine. Et ça marche puisque Roubaud du Quotidien est littéralement subjugué en 1925 par la puissance de l’épistolaire Jacob. Cela explique la conservation d’environ 270 missives. Celles-ci ont été conservées par Jacob qui les détenait dans sa maison de Bois Saint Denis, hameau de Reuilly dans l’Indre, et lorsque Robert Passas vient le voir la première fois du 24 au 27 août 1951, l’amitié entre les deux hommes est telle que le vieux marchand forain et « cambrioleur en retraite » lui fait cadeau de toutes ses archives. Cette rencontre entraîne une correspondance intense entre les deux hommes mais aussi avec Josette Passas, l’épouse de Robert dont Jacob tombe éperdument amoureux. Les époux Passas gardent tout et, quand le couple se sépare, Robert Passas garde pour lui le cadeau de Jacob. A sa mort en 1996, Janine, sa seconde femme, se remarie avec Jean-François Amary peu de temps après. Comme Robert et Josette, Janine et Jean François habitent Romans dans la Drôme. Et c’est là qu’Olivier, en 1994, et moi, en 2001, nous avons pu lire la correspondance de Jacob à sa mère mais aussi un bon paquet d’autres documents. Josette conserve, elle, les lettres que Jacob lui a écrite. En juin 2006, à l’occasion de ma soutenance de thèse, Janine et Jean-François sont montés à Nancy et ont rencontré Gilbert Roth du CIRA Marseille. Ils lui ont confié tous les documents concernant Alexandre Jacob qui étaient en leur possession. C’est donc au CIRA Marseille qu’ils se trouvent actuellement.

Les Ecrits 19955) Quelle a été la méthode de retranscription des lettres ? Conservation de l’orthographe originale ou correction ?

Ce n’est pas l’équipe de l’Insomniaque qui a retranscrit les lettres de Jacob. Quand Olivier les a prises pour le projet des Ecrits, Les lettres se trouvaient dans plusieurs classeurs, rangées par années et, au document original était jointe sa retranscription. Celle-ci a été faite dans les années soixante-dix ou quatre-vingt par Paul Bourdonneau, un ami de Robert Passas, qui habite aussi Romans. Il a du fortement s’abîmer les yeux car, après 1912, l’écriture de Jacob devient franchement illisible. L’homme souffre d’arthrose aux doigts et ses lettres ressemblent à des pattes de mouches qui, avec le temps deviennent de plus en plus petites et microscopiques. Paul a lu les lettres de Jacob et les a recopiées mot à mot. Pour l’anecdote, il est aujourd’hui aveugle. Il a aussi été aidé par Janine et Robert Passas. L’Insomniaque n’a fait qu’organiser le corpus, ce qui est un travail extraordinaire. J’ai pu vérifier, en faisant un sondage régulier dans tout ce corpus, que l’orthographe originale a été totalement respectée.

6) Conservation de la mise en page (paragraphes notamment) ? Facsimilés réalisés pour conserver ce qui ne peut être retranscrit (dessins notamment) ?

C’est à L’Insomniaque de répondre mais, si tu as lu les Ecrits, tu peux t’apercevoir du boulot énorme que cette maison d’édition libertaire a pu faire. Pour tout ce qui est des documents mis en ligne dans le blog consacré à Alexandre Jacob, j’essaie au maximum de conserver la mise en page originale.

Josette Passas7) Coupures de certains passages (notamment lettres à Josette : très courtes, ou ne sont retranscrits que des extraits ? / lettres du bagne intégrales) ?

J’ai rencontré Josette Duc-Passas en 2001 et elle m’a permis de lire sa correspondance pour les besoins de ma thèse. Elle m’a aussi donné son accord pour inclure certains passages dans la réédition des Ecrits. Alexandre Jacob lui a écrit tous les jours pendant plus d’une année (1953-1954) et dans ces lettres, il lui raconte sa vie de tous les jours mais aussi lui déclare quotidiennement son amour, une flamme presque juvénile. Ce sentiment n’avait pas à être diffusé dans un livre d’abord par respect pour les deux personnages et ensuite parce que les passages non diffusés n’apportaient rien (ou pas grand-chose) à la compréhension de l’honnête cambrioleur Jacob. Je n’ai transgressé qu’une seule fois cette règle ; il s’agit d’une lettre où Jacob raconte son expérience de matelot et narre ses aventures sexuelles sur les vapeurs des Messageries Maritimes. Cette lettre montre à sa manière les relations entre classes sociales à la fin du XIXe siècle, un jeune adolescent prolétaire subissant les « assauts » et la libido des femmes du monde s’ennuyant sur les paquebots les emmenant en Nouvelle Calédonie. Pour ce qui est des lettres du bagne, l’Insomniaque a diffusé l’intégralité du contenu en sa possession. La réédition des Ecrits en 2004 a permis de rajouter un certain nombre de pièces comme des rapports de police, des extraits de journaux d’époque ou encore des écrits des compagnons et amis de Jacob.

8 ) Entretiens avec les proches de Jacob : retranscrits ? Ecriture et lecture ont-elles été abordées ?

Pour ma thèse, j’ai rencontrés les amis proches de Jacob. Il faudrait d’abord définir ce lien de proximité car, en me déplaçant sur Reuilly, je me suis aperçu que pas mal de vieux et de vieilles du cru  affirmaient avoir bien connu Marius. En fait il ne s’agissait que de relations de voisinage ou d’un contact lors d’un marché sur les environs. Même Claude Nerrand, président de l’office de tourisme local, qui a « cherché » dans le landernau berrichon et qui se souvient être allé enfant chez Marius, ne sait pas grand-chose. Plus précieux en revanche ont été les entretiens avec Josette Passas, Pierre Valentin Berthier ou encore Guy Denizeau qui m’ont raconté leur Jacob. Il fallait faire vite car les amis de Jacob sont vieux. Il fallait aussi les faire parler sans les induire dans tel ou tel sens. Seul Denizeau, mort en 2007, n’a pas voulu que je retranscrive notre conversation. Madeleine Briselance, nièce de Louis Briselance, m’a été également fort utile. Ses souvenirs m’ont permis d’envisager le métier de marchand forain. J’ai mis en ligne les interviews de Pierre Valentin Berthier, de Madeleine Briselance et de Claude Nerrand. Ce dernier m’a permis, involontairement pour sa part, de voir combien il était difficile d’admettre en Jacob un homme doté de conviction politique. Il est vrai que l’image de l’aventurier extraordinaire est plus vendeur. Mais cette image ne correspond pas à la réalité de ce que fut  ni l’illégalisme ni l’illégaliste, le bagnard et l’homme Jacob. J’ai pu entretenir aussi une relation épistolaire avec des enfants qui ont joué chez Jacob ou qui ont participé aux dernier repas. L’ensemble de ces témoignages se révèle au final extrêmement précieux même dans la subjectivité et la déformation que peut produire la mémoire et le souvenir. On peut s’apercevoir de cela, par exemple, dans le documentaire TV de Laurent Termignon et Thomas Turner où l’on aperçoit Nicolas Zajac racontant le fameux repas d’adieux aux enfants. Le visage de Nicolas Zajac montre qu’il revit littéralement la scène (la cène ?) en la racontant devant la caméra.

le Bab et l\'honnête cambrioleur9) Une fois ta thèse rédigée et soutenue, n’as-tu pas senti un vide, un baby blues si j’ose employer l’expression, probablement comblé, du moins en partie, par la création et l’alimentation du Jacoblog ? Comment s’est concrétisée l’idée du livre à l’Atelier de création libertaire ? As-tu pensé alors ou ensuite à d’autres projets autour de Jacob ? A quel moment et sous quelle impulsion as-tu créé le Jacoblog ? Quel était ton projet et ses objectifs ? Es-tu le seul administrateur ?

Punaise, ça fait pas mal de questions en une seule ! Un vide ? Un baby blues ? Pas vraiment au regard de ce qui s’est passé depuis. Je dirais juste que l’accouchement fut une sacrée épreuve mais mon directeur de thèse m’avait averti en me disant qu’il ne s’agissait en fait que d’une sorte de rite de passage. Et tu as beau savoir à quoi t’en tenir, la péridurale ne fait guère effet et tu n’es jamais vraiment prêt à affronter une espèce de procès stalinien où, en face de toi, cinq éminences universitaires balancent un flot de critiques et de questions. Heureusement que le public, amis, famille, était là, fort nombreux, venu pour soutenir ma soutenance. Avec le recul, je m’aperçois que François Roth n’avait pas forcément tort et j’en arrive à minimiser l’importance de l’évènement et ce d’autant plus que le flot de critiques et de questions portent généralement sur des points de détails. Il a fallu toutefois batailler ferme pour tenir l’idée d’une théorie politique du vol se concrétisant logiquement par les multiples déclarations et provocations de l’honnête cambrioleur devant les juges et les jurés appelés à l’envoyer crever au bagne. Sur ce point, qui n’est pas de détail, je maintiens toujours ma position car, là, se trouve l’originalité du fait jacobien : l’acte illégaliste se conçoit comme la résultante d’un constat social et politique qui n’est ni plus ni moins la lutte des classes et, chez Jacob, le droit naturel à l’existence prime sur tout autre chose. Cela ne signifie pas viabilité de la pratique illégaliste, loin de là, mais je constate que grand et facile est le danger de tenir le discours inverse, savoir celui d’une prise de position politique envisagée comme un prétexte, comme un paravent. Et, là, tu rejoints la prose de la presse bourgeoise et nationale à l’époque du procès d’Amiens. C’est Henry Varennes du Figaro qui affirmait dans un superbe article en 1905 que l’on ne pouvait être anarchiste quand on s’appelait Marius ! Le journaliste préférait voir en Jacob le bandit joyeux, le méridional goguenard plutôt que le voleur militant. En bref, cela revient à pointer du doigt la difficulté qu’il peut y avoir à considérer un acte politique hors d’un cadre institué. Or, l’anarchiste ne souffre pas d’être encarté ! Ce qui est encore plus vrai pour un vol militant. Mais je m’égare et m’éloigne des questions initiales. Avant la soutenance j’ai confié la thèse à Claire Auzias qui a bien voulu la lire, la relire et apporter ses critiques, ses conseils et ses corrections. Par la suite, Claire a transmis le cd de la thèse à l’Atelier de Création Libertaire qui a dit banco pour une publication. C’est Jean-Marc Bonnard qui a mené ce travail d’un bout à l’autre d’une main de maître (sic) et au bout d’environ un an et demi d’un dialogue rendu possible par la magie du web – parce que, de Lyon au Vosges, cela fait tout de même une sacrée distance –  le livre prenait forme. Là, le vide aurait pu se faire sentir si JMB n’avait pas eu cette idée du blog à laquelle j’étais tout d’abord réticent. Réticent à vrai dire parce que cela me rappelait trop les pratiques adolescentes des gamins que je fréquente quotidiennement au boulot. Réticent surtout parce qu’il y avait cette possibilité de sortir de cette thèse. Et JMB a réussi à me convaincre des énormes possibilités d’ouverture qu’il y avait à tenir ce genre de journal en ligne. On pouvait effectivement dire et écrire beaucoup plus de choses que le format livre ne le permettait. On peut de la sorte approfondir certains points et élargir le champ de la recherche. Si tu regardes les rubriques du Jacoblog, tu verras que l’on peut tout aussi bien y trouver des biographies que des articles sur le bagne, les vols des Travailleurs, la vie de Jacob à Reuilly, etc. Et, à partir de Jacob, tu élargis sur l’illégalisme, les bagnards, les produits dérivés, l’honnête cambrioleur en voyage comme le nain d’Amélie Poulain, la lupinose ou encore des interviews et des nouvelles. On touche ainsi à toute une récomposition de l’image de Jacob. Note aussi que je ne suis pas le seul à intervenir dans cette fenêtre ouverte formidablement administrée par l’infatigable maître Yod… , euh, par Jean-Marc (pas le D, le B bien sûr J) : Jean-François Amary, Laurent Gallet et Quercus Robur (un pseudo de gland derrière lequel se cache un mien collègue, néanmoins fort sympathique et surtout doté d’une fort belle plume). En fin de compte et au fil du temps, l’idée bonnardienne s’avère plus que plaisante, plus que probante. Le blog, dans sa démarche historique, a permis encore de retrouver les familles d’Alain Sergent ou encore de Louis Rousseau, de prendre contact avec un grand nombre de personnes désirant travailler sur Jacob … comme toi finalement. Le vide, consécutif à l’après soutenance de thèse, n’a donc pu se produire, d’abord parce que la tenue du blog prend du temps et nécessite un investissement relatif, ensuite parce que le livre et le blog permettent d’envisager un grand nombre de projets comme, par exemple, la préface de la réédition de l’Enfer du bagne de Paul Roussenq (Libertalia, 2009) ou encore le soutien à Laurent Termignon et Thomas Turner pour leur documentaire sur Jacob. A vrai dire, si tu te penches sur le réseau de relation de l’honnête cambrioleur tout au long de son existence, tu verras que chaque personne rencontrée et fréquentée par lui, ou ayant un rapport même lointain avec lui, mériterait une biographie, une étude plus approfondie, constituerait un sujet de recherche à part entière. Le cas de Charles Bernard, voleur vosgien condamné en 1900 à 15 ans de travaux forcés et écrivant au ministre des colonies pour dénoncer l’anarchiste Jacob en 1903 est un exemple des plus probants. Un tour aux archives de la Meurthe et Moselle permet de prendre conscience de l’énorme possibilité que procure le dossier Bernard, dossier constitué d’environ 1200 pièces. S’ouvre alors à toi une histoire du vol, de l’anarchisme illégaliste mais encore du fait divers et de sa perception ainsi que de l’investigation policière et de la répression de la criminalité et de la délinquance, petite ou grande, à la « Belle Epoque ». Bref, les projets ne manquent pas ; il suffit juste de trouver le temps pour s’y consacrer !

10) Tu dénonces souvent l’analogie qui a été faite entre Alexandre Jacob et Arsène Lupin : quels sont selon toi les points de convergence et de divergence entre eux mais, surtout, pour quelles raisons trouves-tu cette comparaison fausse ou abusive, voire déshonorante pour l’honnête cambrioleur ?

Le dernier chapitre de L’honnête cambrioleur est consacré à « l’imposture lupinienne » se transformant dans les colonnes du Jacoblog en « lupinose aigüe ». Il est vrai que la célébrité de Jacob tient à cet amalgame entre le réel et l’imaginaire. Il est tout aussi vrai que la comparaison est doublement désobligeante. Elle édulcore le génie littéraire de Maurice Leblanc d’abord ; elle véhicule ensuite une image déformée de l’anarchiste ensuite. Image toute commerciale parce que facilement acceptable par le commun. Cette image peut se rencontrer avant 1950 ; c’est cependant Alain Sergent qui, le premier, parle de « l’homme qui inspira Arsène Lupin », non pas dans sa biographie mais dans des articles pour Paris Presse et pour Historia. Bernard Thomas en 1970 consacre lui tout une partie de sa biographie de Jacob aux « 150 crimes de l’autre Arsène Lupin ».  La lupinose est aujourd’hui présente partout dans les médias lorsque l’on évoque Jacob. Il suffit de constater le grand nombre d’articles (aussi bien dans la presse locale que nationale ou encore sur le web) pour s’apercevoir de la difficulté à déconstruire cette image déformée de la réalité.

Mais, si tu fais fi de la concordance chronologique, tout, hormis certains aspects techniques des cambriolages, éloigne Jacob de Lupin. Les deux hommes ne vivent pas dans le même monde et ne participent pas à la même lutte. Lupin ne vole que pour lui ou pour défendre la veuve et l’orphelin. Mais, si tu regardes de plus près, la veuve et l’orphelin sont le plus souvent issus des classes bourgeoises et nobiliaires. Lupin est le chef d’une bande qui obéit au doigt et à l’œil et qui n’est là que pour servir le héros. Pas de chef, de maître chez les Travailleurs de la Nuit, association de malfaiteurs où, justement, le terme d’association doit prendre son sens. Libre au voleur de s’intégrer ou non à tel ou tel vol. La presse de l’époque ne veut pas voir cela et parle de la « bande des quarante voleur », allusion évidente à Ali Baba. Jacob est toujours resté campé sur ses positions anarchistes, ne reniant pas comme a pu l’affirmer Jean Maitron son illégalisme, tandis que Lupin évolue vers un nationalisme revanchard à l’approche de la première boucherie mondiale. Le gentleman devient même flic ce qui parait inconcevable chez Jacob. Tu ne peux réellement comprendre l’honnête cambrioleur si tu ne saisis pas le contexte et les convictions politiques de l’homme. Ce sont ces positions, cette théorie du vol, qu’il étale au grand dam des juges qui doivent le condamner lors des procès d’Amiens et d’Orléans.

De la même manière qu’il est facile de voir en Jacob un voleur génial, l’image de l’aventurier hors norme le rapprocherait aussi de Lupin : les déguisements, les billets (l’histoire de Loti n’est qu’affabulation et déformation d’écrivain-journaliste), l’absence de sang, la verve, etc., tout les rapprocherait. Mais c’est vite oublier que les thèmes du voleur et du gentleman cambrioleur, dans le climat d’insécurité de la soi-disant Belle Epoque, étaient littérairement à la mode. Je ne pense pas au Voleur de Darien mais aux aventures de Sherlock Holmes dont Lupin est le contrepied français (à la demande de Pierre Lafitte pour le journal Je Sais Tout ; Lupin est aussi une œuvre de commande) et surtout au personnage de Raffles imaginé par le beau-frère même de Conan Doyle. Pour Leblanc, il est certes évident qu’il n’a pas pu ne pas entendre parler de Jacob en 1905. Pourtant et contrairement à ce que beaucoup affirment, le chroniqueur mondain et littéraire ne s’est jamais déplacé dans un tribunal d’assises de province, aussi important et sensationnel soit le procès des Travailleurs de la Nuit. En revanche, l’écrivain côtoie dans les locaux du journal Gil Blas – qui, lui, a envoyé un journaliste sur Amiens pour couvrir le procès – un autre chroniqueur littéraire. Georges Pioch, écrit aussi pour le Libertaire de Sébastien Faure et fournit à ce journal un des rares articles prenant la défense du cambrioleur. Cela signifie que, par le biais de Pioch, Leblanc a pu avoir vent des aspects purement techniques du vol jacobien. Mais, au-delà, la comparaison devient impossible. C’est Pierre Valentin Berthier qui pour le compte des Ecrits en 1995 parle de Lupin en tant que « un dilettante de la délinquance philanthropique ». Et, c’est vrai que cela résume assez bien le héros de Maurice Leblanc. La personnalité de Jacob est donc finalement à dix lieues de cette superbe définition du gentleman cambrioleur que donne l’ami de Jacob.

Jean-Marc Delpech

Saint Dié

18 mars  et 20 juillet 2010

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