La valise à Dieudo


C’est en 1927 qu’Albert Londres retrouve le matricule 41143 à Rio. Brésil. Eugène Camille Marie Dieudonné aurait pu y vivre en toute tranquillité si les autorités françaises n’avaient multiplié les démarches pour qu’on leur rende leur fugitif. L’impossible quatrième braqueur de la rue Ordener à Paris (21 décembre 1911), est devenu un paisible menuisier. Presque sans histoire.

Presque car l’Administration Pénitentiaire française aime d’autant moins qu’on lui fausse compagnie que l’individu recherché dans toute l’Amérique du Sud, et même au-delà, est célèbre. Célèbre, sinistre et anarchiste. Un membre de la fameuse bande à Bonnot tout de même ! Revenu sur la Grande Terre de Guyane, bien qu’interné A aux îles du Salut, Le forçat Dieudonné n’avait pourtant que deux années et quelques broutilles à tirer avant de pouvoir revêtir l’habit d’infortune des libérés. L’émoi suscité par les papiers du fameux reporter en 1923 et l’appui de l’ancien gouverneur Chanel avaient au moins produit cet effet. Deux ans et demi à tirer : c’est logiquement trop pour qui a subi quinze années de mort sur les trois cailloux entourés de requins. Quinze ans de guillotine sèche. Il embrasse une troisième fois la Belle le 06 décembre 1926.

A Paris Elie Bois, rédacteur en chef du Petit Parisien, confie à l’auteur de Au bagne la mission de retrouver celui qui suscite la colère des sicaires de l’ordre. Londres s’exécute et va même au-delà. Cela fera d’excellents reportages, un livre à sensations et surtout la liberté, la vraie, pour le fugitif. Le passeport salvateur offert, pas forcément gracieusement mais du fait d’une intense campagne de presse et d’opinion, par le ministère des affaires étrangères lui permet de rentrer en métropole par le vapeur Plata en octobre 1927. Peu de temps auparavant, au Brésil, Albert Londres accueille Dieudonné dans sa chambre d’hôtel. Le moment du départ est arrivé. Il tient « une saleté » dans la main, une valise porteuse de tant de rêves et d’espoirs. Laurent Maffre, en 2006, a dessiné L’homme qui s’évada (Acte Sud). Des dessins noirs, sombres mais illuminés par la volonté de vivre libre d’un homme portant sa valise : Eugène Dieudonné.

Merci à tous ceux qui ont répondu au Quizz de la valise. Tout particulièrement à Serge qui laisse son bouquin de facto à Joseph, et enfin à Quercus le bûcheron pour avoir inondé le quizz. 🙂

 

Archives de l’Outre Mer

Dossier H1475/Dieudonné

Extrait d’une lettre du ministre des colonies adressée au gouverneur de la Guyane le 1er  juillet 1925, à propos de la possibilité d’une grâce présidentielle.

Les criminels notoires signalés par les parquets comme particulièrement dangereux et dont l’évasion ne manquerait pas d’émouvoir l’opinion publique, sont internés aux Iles du Salut en vertu d’une décision du ministre et ne peuvent être envoyé sur un pénitencier de la Grande Terre où les possibilités d’évasion sont nombreuses, sans son autorisation expresse. Ils sont désignés sous le nom d’internés A. Dieudonné est rangé dans cette catégorie.

Albert Londres

L’homme qui s’évada

Les éditions de France

1932 (1ère édition : 1928)

p.211-212 : Le lendemain, à neuf heures du matin, on frappa chez moi.

– C’est Eugène ! entendis-je.

J’ouvris. Il portait une valise. Un homme qui possède un passeport doit avoir une valise.

– Je l’ai payée trente-cinq milreis.

Il ajouta :

– Une valise, on dirait que c’est la liberté qu’on a dans la main.

J’examinai l’objet.

– C’est une saleté. Elle ne supportera qu’un voyage, encore tout juste.

– Une saleté ? Une valise d’homme libre ? Voilà quinze ans que je rêve à cet objet. Une saleté ?

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