Vols à Rouen


Rouen vers 1900Les cinq vols commis à Rouen par les Travailleurs de la Nuit en 1901 et 1902 mettent en relief l’efficacité de plusieurs brigades. Jacob est accompagné de Royère puis, un an et demi plus tard, de Bour et de Ferré. Ferrand cambriole d’abord avec Vambelle et Baudy en mars et en avril 1902. Pélissard l’accompagne en décembre de cette année. Pour les vols Deuve et Duret (ou Durel) nous disposons, outre le compte rendu des débats lors de la session des assises picardes en mars 1905, du rapport du commissariat central de la ville de Rouen établissant la constatation des effractions commises.  Les tournées normandes des voleurs anarchistes permettent alors à Jacob d’exprimer un athéisme outrancier lorsqu’il visite l’église Saint Sever et de multiplier les provocations lors du procès d’Amiens (2e, 3e et 4e audience) à l’occasion de l’examen de tous ces attentats contre la propriété. Il est alors intéressant de relever que l’illégaliste chercher à charger son cas afin d’alléger celui de son complice Royère qu’il croit toujours détenu à la prison de Fontevraud. L’ancien infirmier de l’asile Montperrin à Aix en Provence est mort depuis 1904.

 église Saint SeverProcès d’Amiens

2e audience

9 mars 1905

Vol à l’église Saint-Sever à Rouen

Dans la nuit du 13 au 14 février 1901, des voleurs, passant par un vasistas à l’aide d’une échelle de corde, pénétrèrent dans la sacristie de l’église Saint-Sever à Rouen. Ils fracturèrent la porte donnant accès dans l’église et plusieurs troncs. Le montant du vol s’éleva à 70 francs. Jacob est l’auteur de ce cambriolage. Il l’aurait commis avec un nommé Royère. Il était avec ce dernier depuis quelques jours à Rouen et avait pris chez le logeur où il était descendu le nom de Féran.

M. Lemoine Jean, sacristain, raconte comment il découvrit ce vol. Il s’étend longuement. Il a apporté un papier sur lequel, avant de se retirer, les malfaiteurs avaient écrit: « Dieu des voleurs, recherche les voleurs de ceux qui en ont volé d’autres ».

Le témoin dit que les malfaiteurs n’emportèrent que 70 francs.

JACOB, intervenant. – C’était trop lourd à emporter. Tout était en monnaie de billon. J’en ai bien laissé trois fois plus.

Et il ajouté, gouailleur, s’adressant au témoin:

– Il ne faut pas vous plaindre.

Jacob voudrait placer ici une déclaration sur les prêtres et les églises, mais le président fait remarquer qu’il en a cambriolé d’autres et que sa déclaration pourra aussi bien venir à un autre moment.

– Oh! oui, fait Jacob. Celle-ci ou une autre!

– Vous ferez une déclaration, condescend M. Wehekind.

Mme Tabur, hôtelière a Rouen, a loué une chambre à Jacob et à un autre individu qui s’était fait inscrire sous le nom de Royère. Elle reconnaît Jacob.          

JACOB – Je reconnais bien madame. Je vais lui rappeler un incident dont elle ne se souvient peut-être pas. On dit que mon camarade s’appelait Royeè. C’est une affirmation cela et c’est une affirmation erronée.

LE PRESIDENT – Enfin, il s’est fait inscrire sous le nom de Royère. L’accusation le connaît sous le nom de Royère.

JACOB – Oh! les états civils! J’en ai eu deux cents, dont quelques-uns fort bien en règle.

Sur ce mot de Jacob, qui tient dans chaque discussion à avoir le dernier, on passe à un autre vol.

 

COMMISSARIAT CENTRAL DE POLICE DE LA VILLE DE ROUEN

Rapport du 3 au 4 avril 1902

La nuit dernière des malfaiteurs se sont introduits rue Saint Maur 62 chez M. Duret, rentier, actuellement au Havre. Les meubles ont été fouillés et bouleversés, le contenu jeté à terre pêle-mêle. M. Duret a été avisé et ce n’est qu’à son arrivée que l’on sera fixé sur l’importance du vol.

Enquêtes ouvertes.

Rapport du 4 au 5 avril 1902

M. Duret rentier, rue Saint Maur 62, chez lequel on s’est introduits l’avant-dernière nuit, a déclaré n’avoir constaté la disparition d’aucun objet, ayant déposé avant son départ ses bijoux et valeurs au Crédit Lyonnais.

M. le Commissaire de Police du 4e arrondissement a été informe ce matin à 8 heures qu’un vol avec effraction avait été commis la nuit dernière chez M. Deuve, conseiller à la Cour, boulevard Beauvoisine 44. La porte a été trouvée ouverte, les meubles fouillés.

Une enquête est ouverte.

Rapport du 5 au 6 avril 1902

Un vol avec effraction a été commis l’avant-dernière nuit dans la maison occupée par M. Deuve, conseiller à la Cour, boulevard Beauvoisine n°44. Tous les meubles ont été fouillés et les écrins à bijoux vidés. M. Deuve estime le préjudice qui lui a été causé a 2000 francs.

 

boulevard Beauvoisine à RouenProcès d’Amiens

3e audience

10 mars 1905

Vols à Rouen

Deux vols ont été commis en avril 1902 a Rouen où nous avons déjà vu des membres de la bande opérer.

M. Deuve, conseiller à la cour de Rouen, était absent depuis huit jours lorsque, dans la nuit du 4 au 5 avril 1902, des malfaiteurs, après avoir fait sauter la gâche de la porte d’entrée, s’introduisirent dans la maison qui n’était pas gardée.

Au rez-de-chaussée, pour ne pas être vus du dehors, ils avaient pris le soin de fermer et d’épingler les doubles rideaux de la fenêtre de la salle à manger donnant sur le boulevard. Un buffet non fermé à clef fut ouvert et l’argenterie qu’il renfermait, enlevée.

Au premier étage, à l’aide d’une pince-monseigneur, le dessus d’une table bureau avait été enlevé et une petite malle fracturée. Au deuxième étage une armoire à glace contenant de nombreux bijoux fut ouverte à l’aide d’effraction.

Le préjudice causé de ce chef à M. Deuve a été évalué à un peu plus de 3000 francs. Plusieurs des objets saisis chez Gabrielle Damiens, maîtresse de Ferrand, furent plus tard reconnus par le volé. Une broche provenant de ce vol fur retrouvée chez Limonier à qui elle avait été donnée par Ferrand.

Le vol avait été commis par Ferrand avec Vambelle, et leur avait rapporté 320 francs. Gabrielle Damiens a déclaré en outre que Baudy et Vambelle ayant laissé chez M. Deuve plusieurs objets, Vambelle y retourna quelques jours après pour terminer Ie vol.

Le 4 avril, on avait découvert que la maison de M. Durel, demeurant 62, rue Saint Maur avait été cambriolée. Mais les voleurs n’avaient emporté qu’un maigre butin.

M. Gil Paul, commissaire de police à Marseille, anciennement à Rouen, raconte aux jurés          les constatations qu’il fit à l’occasion du vol Durel. Ce vol fut peu important.

M. Durel est absent. Il sera cité pour une nouvelle audience.

Baudy se défend d’avoir participé à ce vol. «On prétend qu’on a saisi sur moi une broche provenant de ces vols à Rouen. Or comment se fait-il qu’on ne me l’ait jamais présentée? Quand j’ai été arrête à Marseille, je n’avais sur moi qu’une montre en acier bruni. Je n’ai rien fait de tout ce qu’on me reproche. »

M. Deuve, conseiller à la cour, raconte comment il fut prévenu que sa maison avait été cambriolée. Il donne ensuite des détails sur les constatations qu’il fit. Tous les meubles avait été forcés, ouverts. Les objets qui les remplissaient avaient été jetés à terre, épars. Tout ce qui avait de la valeur avait été emporté ! M. Deuve établit la nomenclature des bijoux et objets précieux enlevés. Les voleurs, dit-il, ne cherchaient que l’or, l’argent, les bijoux.

Il croit que les voleurs ont été surpris. Ils ont laissé, sur une table, des écrins ouverts. Le préjudice matériel, M. Deuve l’estime à un peu plus de 3000 francs ; « Mais ce n’est pas ce qui nous a le plus peiné, dit-il, car tous les objets étaient des souvenirs de famille, et cela est irréparable. »

M. Deuve place le vol dans la nuit du 4 au 5 avril.

Apres une suspension d’audience, les débats reprennent au sujet du vol Deuve.

Me Andre Hesse fait poser à Ferrand la question suivante:

– Comment Ferrand a-t-il connu Limonier?

Cette question a trait à la découverte chez Limonier d’une broche provenant du vol Deuve.

Ferrand répond que jamais Limonier n’a voulu accepter de lui receler des objets volés.

– Où avez-vous connu Limonier? fait demander Me André Hesse à Ferrand.

– Dans un café.

– Vous ne lui avez pas dit que la broche avait été volée?

– Oh! non, monsieur, je n’ avais pas confiance en lui et il m’aurait dénoncé.

Limonier, interrogé, dit qu’il a acheté la broche à un bijoutier et qu’il ne la tient pas de Ferrand.

Ferrand avait inscrit au crayon sur le mur de sa chambre l’adresse de Limonier.

Me André Hesse fait remarquer qu’il n’est pas douteux qu’il ait existé des relations entre

Limonier et Ferrand ; mais il faudrait démontrer que ce sont des relations de voleur à receleur

– Jamais, dit-il, son client n’a été confronté avec ceux que l’on dit ses complices et avec Gabrielle Damiens qui l’accuse.

– Comment, demande M. le procureur général, Limonier n’a-t-il jamais demandé au magistrat instructeur à être confronté ?

– Ce n’était pas à lui de le faire, remarque Me André Hesse.

 

Procès d’Amiens

4e audience

11 mars 1905

Vol à Rouen

Le 9 décembre 1902, M. Leclair qui avait les clefs de l’appartement occupé à Rouen, rue de Campoberg, 7, par les époux Noché, absents depuis près de six mois, s’apercevait en se rendant dans cette maison où il était venu pour la dernière fois le 4 décembre que des malfaiteurs l’avaient cambriolée. Deux montres en or, des boutons en or, huit cuillers à café marquées E.N.B., une chaîne en or, une pièce de mariage, etc., avaient été emportés par les voleurs. D’après Gabrielle Damiens, ce vol a été commis par Ferrand et Pélissard. Ferrand avoue et Pélissard nie. Ils persistent à l’audience dans leurs dires. Pélissard ajoute: « II n’y a que Gabrielle Damiens qui m’accuse. Son temoignage est suspect. Donc juridiquement il ne vaut rien. Jamais je n’ai été confronté avec Gabriel Damiens. »

  

église Saint GodardProcès d’Amiens

4e audience

11 mars 1905

Vol à Rouen

Dans la nuit du 19 au 20 décembre 1902, des malfaiteurs pénétraient dans l’église Saint Godard, à Rouen, par la porte de la sacristie donnant place Saint Godard. Des pesées pratiquées sur la porte avaient fait céder la gâche de la serrure et celles de deux targettes intérieures. On avait tenté d’ouvrir l’un des coffres-forts placé dans un placard en pratiquant un trou de 4 centimètres de diamètre. Dans un autre placard on déroba un calice en argent doré, de forme évasée. Plusieurs troncs furent ouverts avec les clefs trouvées dans la sacristie ; un des troncs fut fracturé.

Bour a déclaré que ce vol avait été commis par Jacob et Ferré pendant qu’il faisait le gué. Bour à l’audience revient sur ses aveux et dit qu’il était pour commettre ce vol avec un nommé Franceschi.

M. Hédoin, sacristain, dépose.

Jacob demande au témoin s’il se rappelle ce que contenait un petit placard dans la sacristie.

 – Voyons! Rappelez-vous, fait-il… Je vais vous aider… Il y avait dans ce placard des gravures d’ un genre particulier … Mettons le genre Fragonard pour employer une expression discrète. Rappelez-vous bien !

Le TEMOIN – Je ne pourrais dire. Nous avions quelquefois des objets en garde que nous devions rendre.

 

Sources :

         Archives de la Préfecture de Police de Paris, EA/89 : dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

         Archives Départementales de Seine Maritime, 4M415 : rapports du commissariat central de Rouen 1902

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