VOL BOURDIN, rue quincampoix, le 6 octobre 1901


Le dimanche 6 octobre 1901, M. Bourdin, bijoutier, rentre chez lui à 10 heures du soir après avoir passé la journée à la campagne. L’appartement est au 4e étage de l’immeuble situé au 76 de la rue Quincampoix à Paris. Il a du mal à pousser la porte de sa cuisine, ce qui éveille ses soupçons. Ceux-ci se confirment lorsqu’il constate le trou au plafond fait par le ou les voleurs. Le coffre-fort a été fracturé et complètement vidé. Six jours plus tard, la commission rogatoire lancé par Joseph Leydet, juge d’instruction, établit à 121486 francs le montant du butin emporté par les voleurs. Car il apparaît évident que le forfait a été commis par plusieurs personnes. Le rapport du magistrat précise en outre les conditions d’exécution de ce cambriolage, rentré depuis dans les annales et qui stupéfie immédiatement la police. Les conclusions de ce rapport rejoignent la confidence faite par Alexandre Jacob et rapportée dans la biographie d’Alain Sergent. Le coup suppose des frais [La caution de l’appartement est fixé à 277 francs. Nous ne savons pas le montant des meubles payés à M. Klein, tapissier rue Richer à Paris (A.P.P.P., EA/89, dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits« )] et des complices. Honoré Bonnefoy sert de prête-nom ; il est Guilloux. Jules Clarenson vient également prêter main forte. Au procès d’Amiens, Bourdin affirme sans preuve les soupçons qu’il porte sur Jacques Sautarel. Il a employé ce dernier pendant un an et demi et, pendant ce temps, « de nombreux vols furent commis chez lui« ( A.P.P.P., EA/89, dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits« ). Sautarel est-il l’indicateur du vol de la rue Quincampoix ? Rien ne permet de l’affirmer même si le bijoutier anarchiste connaît parfaitement l’agencement de l’appartement de son collègue Bourdin. Quoi qu’il en soit, nous sommes bien en présence d’une victime ciblée et d’un vol minutieusement préparé. Le dimanche 6 octobre, au matin, le concierge de l’immeuble aperçoit dans l’appartement de son nouveau locataire l’ami de celui-ci, vêtu d’une blouse blanche et muni d’un sac à outils « comme en ont tous les serruriers » (A.P.P.P., EA/89, dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits« ). Alexandre Jacob prépare son matériel pendant qu’Honoré Bonnefoy file le bijoutier Bourdin jusqu’à la gare Saint Lazare pour s’assurer de son départ. Jules Clarenson vient ensuite les rejoindre. Alexandre Jacob perce délicatement un trou dans le plancher. Pour éviter le bruit des gravats qui tombent un parapluie ouvert permet de les recueillir avant qu’ils n’atteignissent le sol :

« A midi, Jacob et ses deux complices s’étaient glissés par le trou et l’anarchiste avait ouvert le coffre. Mais l’un des compagnons voulut y toucher et brouilla les pênes. Jacob dut se remettre à la besogne pendant trois heures. Vers la fin, un orage éclata qui, étouffant tout bruit, dissipa l’inquiétude qui commençait à peser sur la petite équipe« . Sergent Alain, Un anarchiste de la Belle Epoque, p.66.

En fin d’après-midi, Jacob, Bonnefoy et Clarenson quitte l’appartement du cinquième étage. A dix heures du soir, le bijoutier Bourdin rentre chez lui. Le butin est considérable, l’affaire retentissante. A Amiens, Bourdin déclare être ruiné. Pour Alexandre Jacob, justice est faite. Le vol de la rue Quincampoix à Paris marque les esprits. Et le souvenir de ce cambriolage scientifique perdure depuis. Nous le retrouvons en illustration du numéro 27 de la nouvelle série du magazine Le Crapouillot consacré aux «truands» (automne 1973). Quelques temps plus tôt, en 1955, le cinéaste Jules Dassin réalise « Du rififi chez les Du Rififi chez les Hommeshommes ». Le film fait date dans l’histoire du cinéma de gangsters. Dans cette fiction, Tony le Stéphanois, voleur usé et fatigué, se lance dans un dernier gros coup. Il organise avec trois complices le braquage audacieux d’une joaillerie en plein cœur de Paris. La séquence du vol dure 35 minutes ; elle tient le spectateur en haleine tant le suspens est intense. Ce vol constitue également l’illustration de la 1e de couverture de l’ouvrage de Bernard Thomas, seconde biographie qu’il commet sur Jacob en 1998 : « Les vies d’Alexandre Jacob » chez Mazarine. Les Vies d\'Alexandre Jacob

ARCHIVES NATIONALES : BB18 2261A, dossier 2069A 03

12 octobre 1901, Commission rogatoire lancée par Joseph Leydet

A propos du vol Bourdin, 76 rue Quincampoix à Paris

Le vol a été accompli de la manière suivante : le 28 septembre 1901, un individu di-sant s’appeler Guilloux, graveur sur métaux, disant venir de Lyon, âgé d’environ trente ans, assez grand, moustaches brunes, se présentait au concierge de l’immeuble, 76 rue Quincampoix, et entrait en pourparlers pour louer au cinquième étage un logement au-dessus du bijou-tier Bourdin. Le 4 octobre, il prenait possession du local et y faisait venir des meubles provenant de chez un marchand demeurant 41, rue Richer, d’après ses dires. Le samedi 5, Guilloux a été rejoint par un autre individu d’assez grande taille, brun, lequel s’installa dans son logement. Tous les deux y passèrent la nuit.

Il y a tout lieu de penser que ce sont les mêmes individus qui ont, par un trou pratiqué dans le plancher de l’appartement, pénétré chez le sieur Bourdin et éventré son coffre-fort.

(…)

Valeurs ————————————63000f00

Espèces, or, banque ———————– 8290f00

Une traite sur Gallard, 2 rue des Halles —– 164f70

Une traite sur Jacoton, 11 rue Aubert ——- 198f80

Marchandises —————————– 34865f00

Pierres ————————————-8500f00

2 pièces 40 francs, effigie Napoléon Ier ——-80f00

2420 grammes composés de plané or, fil or,

platine et apprêts à 2fr64——————–6388f80

________

121486f00

 

Alain Sergent, Un anarchiste de la Belle Epoque, p66 :

C’est lui qui commit le cambriolage, longtemps célèbre dans la police par son audace et son caractère précurseur, de la rue Quincampoix. Au second étage d’un immeuble, se trouvait une fabrique de bijoux. Jacob loua l’appartement du troisième qui se trouvait vacant. Le bijoutier partait avec sa famille, chaque semaine, passer une journée en banlieue. Un dimanche matin, alors que Jacob préparait son matériel, un complice suivit le bijoutier et les siens, constata qu’il avait pris le train à la gare de Saint Lazare. Le terrain était libre. Jacob perça délicatement un trou dans le plancher, fit passer un parapluie, l’ouvrit et puis ainsi agrandit l’ouverture sans que la chute des matériaux sur le sol attira l’attention des voisins. A midi, Jacob et deux complices s’étaient glissés par le trou, et l’anarchiste avait ouvert le coffre. Mais l’un des compagnons de Jacob voulut y toucher et brouilla les pennes. Jacob dut se remettre à la besogne pendant trois heures. Vers la fin, un orage éclata, qui, étouffant tout bruit, dissipa l’inquiétude qui commençait à peser sur la petite équipe. Le montant du vol était considérable : 7 kg d’or, 280 carats de pierres, 300 de perles, 8000 francs en espèces, 200000 de rente. Quand le vol fut découvert, la technique en stupéfia la police.

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