Antoine Mesclon, l’affaire Capeletti et le forçat Jacob


Comment j\'ai subi quinze ans de bagne, Antoine MesclonEn 1904, Antoine Mesclon, condamné à 6 ans de travaux forcés par la Cour d’Assises de la Drôme, est interné à la citadelle de Saint Martin de Ré dans l’attente de son transport vers la Guyane. Il fait parti du convoi de juin 1905, soit six mois avant celui du matricule 34777. Mesclon retrouve Jacob aux îles du Salut. Là il assiste en 1908 à la mort violente du forçat Capeletti et ne manque pas de la retranscrire en 1926 dans son livre de souvenirs, Comment j’ai subi quinze ans de bagne, paru aux Editions Sociales. « La tragédie qui fit date à ce moment dans les annales des îles » met en scène la victime et ses deux assassins : Joseph Ferrand et Alexandre Jacob

 

bagarre dans la caseAntoine Mesclon, Comment j’ai subi quinze ans de bagne, 461 p., Editions Sociales, Paris 1926, p.63 à 66 :

 Il y eut toujours au bagne, et cela se conçoit sans peine, des êtres prêts à s’approprier par tous les moyens l’argent que certains réussissaient à économiser en se débrouillant l’argent dans le but la plupart du temps de réaliser leur évasion. Le poison fut à un moment pendant des années beaucoup employé, aux îles du Salut, surtout. Le poison était subrepticement glissé dans la gamelle de celui qu’on savait avoir de l’argent au plan. Ce procédé silencieux avait l’avantage d’éviter le plus souvent des poursuites qui suivaient généralement tout assassinat au couteau. Et les condamnations à la réclusion ou à la guillotine qui s’ensuivaient. (…) Le poison le plus employé fréquemment était le datura stramonium, très répandu aux îles et en Guyane. Lorsque la victime avait absorbé sa gamelle ou le quart de tisane de café que lui avait quelques fois vendu l’empoisonneur lui-même, ce dernier attendait à l’affût l’effet du poison. Et dès que les douleurs torturaient sa victimes, sous couvert de la soigner, il l’emportait au cabinet, et là se saisissait du plan convoité que rendait l’intestin, sous l’effet du datura. Cette pratique donna lieu notamment à une tragédie qui fit date à ce moment dans les annales des îles.

Capeletti, une des mentalités les plus basses que j’ai connues, était spécialiste de ces attentats. Grand ferrailleur en outre, le couteau toujours tiré en bataille, il cherchait toute occasion d’inspirer la terreur. Avec çà, inverti, actif et passif, surtout passif. Comme circonstance atténuante, il était entré tout enfant, vers sept ou huit ans, je crois, dans les maisons de correction où il était resté illettré. Je connaissais par le détail la tentative de vol à main armée qu’il avait commise à Valence, d’où je venais moi-même, et pour laquelle il avait été condamné à vingt ans. (…) Un jour, à l’île Saint Joseph où il était interné, Capeletti qui était surveillé en raison d’une récente tentative d’empoisonnement contre J… et F…, qu’il savait posséder quelques centaines de francs, fut surpris par J… au moment où les gamelles rangée autour du plat venaient d’être servies, à glisser ce qui ne pouvait être autre chose que du poison dans la gamelle. Sans crier gare, J… et F… se ruèrent sur lui et sans arrêt lui plongèrent plusieurs fois chacun leur couteau dans le dos et dans la poitrine. Cependant que Capeletti éperdue fuyait au fond de la case. Là, déjà frappé à mort et s’étant effondré sur le bat-flanc, il cria dans un reste de force à ses meurtriers : « Assassins, assassins », J… revint alors et le frappa jusqu’à ce qu’il eut fini de respirer, ce qui d’ailleurs ne tarda pas. Capeletti mourut complètement exsangue. Ce fut un soulagement, une satisfaction générale sur le camp. Cependant, un chien à qui fut donné du contenu de la gamelle, en creva. J… et F… demandèrent que l’analyse indispensable fut faite. Mais comme au bagne il y a toujours quelqu’un d’intéressé à ce qu’un autre soit condamné, tant parmi l’élément pénal que parmi l’élément administratif, le contenu de la gamelle fut jeté et remplacé et l’analyse fut naturellement négative. Ce qui permit à l’Administration de faire condamner J… qui était parmi ses bêtes noires et F… à cinq et trois ans de réclusion.

le tribunal maritime spécialNous pouvons retrouver l’histoire du meurtre de Capeletti dans la correspondance de Jacob avec sa mère,  dans la biographie d’Alain Sergent mais également dans le dossier de bagne du matricule 34777 conservé aux Archives de l’Outre Mer à Aix en Provence (H 4098/34777 et H 1481) ainsi que dans les minutes du Tribunal Maritime Spécial de Saint Laurent du Maroni qui a à juger Jacob et Ferrand. Le 5 octobre 1909, cette institution pénitentiaire condamne Jacob à cinq ans de réclusion. Un deuxième procès, le 13 avril 1910, ramène cette peine à deux ans. Jacob échappe à la peine capitale en prouvant la tentative d’empoisonnement dont il fut victime. Mais c’est un mort-vivant qui, le 7 juin 1912, sort des cachots de l’île Saint Joseph.

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