Lignesenstock, l’honnête recension


« C’est, tout simplement, des lignes que j’écris, que je stocke. Avec mes commentaires à moi personnels. Que vous les lisiez ou non, merci d’être passé me voir. » nous dit Jean-Michel pour présenter son blog de critiques littéraires, musicales, théâtrales et cinématographiques. Nous l’avions rencontré lors d’un salon du livre libertaire il y a fort fort longtemps et, depuis, l’infatigable lecteur a enfin ouvert l’honnête biographie commise chez l’Atelier de Création Libertaire. Procrastination devant « un pavé de 530 pages, écrit petit » ? Il y a certainement un peu de cela. Mais prenant son courage et son livre à deux mains, il a épluché le dit pavé pour en jacter deux mots par la suite et, de toute évidence, il a goûté la vision historique que L’honnête cambrioleur tente de transmettre d’Alexandre Jacob. Et si Jean-Michel Lacroûte vous conseille désormais d’en apprécier à votre tour l’honnête lecture garantie sans lupinose, c’est qu’il n’y a plus à hésiter un moment. L’honnête biographie est en commande en ligne directe sur le site de la maison mère ou chez votre libraire indépendant.

 

Lignesenstock

Jean-Michel Lacroûte

Lundi 26 octobre 2020

Alexandre Jacob l’honnête cambrioleur – Jean-Marc Delpech

Je ne suis pas cambrioleur. Par contre, je pense être honnête. Et si je suis honnête, je confesse que je tourne depuis longtemps autour de ce livre, pour en savoir plus sur cet étrange personnage. Bernard Thomas a écrit, il y a déjà un peu de temps, un livre sur lui. Jean-Marc Delpech m’avait indiqué lors d’un salon du livre libertaire à Lyon que ce livre n’était pour lui pas satisfaisant du tout (j’adoucis son propos, plus radical…). Depuis cette courte discussion, je souhaitais en savoir plus. Mais le pavé de 530 pages, écrit petit, me faisait un peu peur.

Je m’y suis donc mis.  Portrait d’un anarchiste (1879 – 1954), nous dit le sous-titre. Portrait d’un cambrioleur, d’un bagnard, d’un marchand forain, d’un homme pas vraiment ermite, mais bel et bien retiré dans un hameau de la campagne profonde à la fin de sa vie (Reuilly, dans l’Indre). Portrait d’un écrivain aussi : nombreuses lettres à sa mère quand il était au bagne, lettres de réflexions autour du droit, du bagne justement, de l’emprisonnement. Parfois de l’anarchie, mais somme toute assez peu. Et puis, Les Écrits, deux volumes publiés par les éditions L’Insomniaque en 1995, qui ont beaucoup servi à l’auteur pour ce livre.

Je ne m’étends pas outre mesure sur la période 1901 – 1903. Les « travailleurs de la nuit » commettent 156 cambriolages (avoués par Jacob). 75 sont retenus à l’instruction du procès d’Amiens, qui dure 15 jours. Jacob est de tous ces cambriolages, avec des complices qui changent, mais un « noyau dur » qui payera cher au procès. Jacob donne toujours comme instruction de n’utiliser les armes qu’en cas d’ultime recours, pour se défendre. Ce sera le cas lors du dernier cambriolage, où suite à une dénonciation, il y aura un mort (tué par un complice). La cavale courte s’arrêtera, et le procès d’Amiens, le procès des « Travailleurs de la nuit » enverra Jacob et ses complices au bagne, en prison, avec ou sans perpétuité, selon les cas. Ce sera « perpèt. » pour Alexandre Jacob et Félix Bour, un de ses complices lors de l’arrestation, qui a tué un policier.

Je n’insiste pas sur ces divers cambriolages, parfois assez rocambolesques, avec souvent l’humour de Jacob dans des petits mots (par exemple, il lui arrive de signer « Attila »), ou des réflexions sur la qualité de ce qu’il doit voler. La légende a fait de ces cambriolages divers la source de l’inspiration de Maurice Leblanc, auteur des romans d’Arsène

Lupin. Cette légende tenace colle tel un sparadrap indésirable à notre cambrioleur anarchiste, mais Jean-Marc Delpech s’attache à démontrer que c’est, en effet, une légende. Par contre, son aide à la presse libertaire, son refus de toute autorité, son rejet de la bourgeoisie qu’il cambriole sans regret, en font bel et bien un illégaliste libertaire de cette époque. La propagande par le fait a pris fin, mais pas « l’honnête cambriolage »…

La deuxième partie du livre nous décrit la vie d’Alexandre Jacob au bagne (Guyane, îles du Salut). Sans concession à l’autorité, avec de multiples tentatives d’évasion. Il parvient à correspondre régulièrement avec sa mère, et petit à petit, grâce entre autre au journaliste Albert Londres, la condamnation du bagne de ces îles lointaines prend de l’ampleur en métropole. Suite à plusieurs campagnes pour sa libération, et aussi à de multiples courriers du bagnard, et de sa mère, aux autorités françaises, il est dans un premier temps incarcéré en France, puis libéré. Ouf !

Il exerce de multiples métiers, avant de devenir camelot sur les marchés. C’est sa manière à lui de vivre sans chef, de n’avoir aucun compte à rendre, si ce n’est à lui-même. Comme toujours, ai-je envie d’ajouter. C’est dans cette dernière partie que j’ai rencontré des noms qui me sont familiers : Louis Lecoin, Pierre-Valentin Berthier, Jean-François Amary. Entre autres. Pacifistes, libertaires, antimilitaristes. Parfois d’autres plus connus, comme Louise Michel, par exemple. Mais leur rencontre n’est qu’une légende.

Une de plus autour d’Alexandre Jacob, matricule 34777 au bagne, puis Marius, comme écrit sur son barnum de forain. Des légendes, donc, comme celle d’Arsène Lupin. Entretenue par les ouvrages le concernant, en particulier celui de Bernard Thomas que je cite au début. Jean-Marc Delpech, tout au long de ses lignes, fait référence à ces trois ouvrages, avec la plupart du temps des précisions, des corrections.

L’honnête cambrioleur Jacob avait grand besoin d’une honnête biographie comme celle-là. Le mouvement libertaire a produit beaucoup de fortes têtes. Le matricule 34777 en était une.

Et il méritait bien ces longues pages pour que les légendes honnêtes qui l’entourent soient rassemblées dans un texte qui vaut honnêtement le détour.

 

Trois autres biographies :

« Un anarchiste de la Belle Époque : Alexandre Marius Jacob », Alain Sergent – 1950

« Jacob et les vies d’Alexandre Jacob », Bernard Thomas – 1970 ; suivi d’une autre publication en 1988

« Marius Jacob, l’anarchiste cambrioleur », William Caruchet – 1993

 

Note du Jacoblog : la deuxième biographie de Bernard Thomas n’est pas commise en 1988 mais bel et bien dix ans plus tard. Le journaliste au Canard Enchaîné avait juste changé de titre (Les vies d’Alexandre Jacob) et quelques phrases seulement.

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