Calendrier Jacob : mai 2020


Le temps des procès

Le 21 avril 1903, le cambriolage mené à Abbeville chez Mme Tilloloy tourne mal. Un pandore est abattu, un autre sérieusement amoché à la gare de Pont-Rémy, quelques kilomètres plus loin, le lendemain matin. Jacob est pris à Airaines après une chasse à l’homme dans la campagne picarde : « Airaines !… Pour le plus grand nombre de bipèdes parleurs qui peuplent la terre, ce mot ne signifie pas grand-chose. Si vous laissiez tomber ce mot de vos lèvres, les uns vous demanderaient si c’est un animal exotique, les autres, si c’est une plante ; certains, enfin, vous demanderaient sérieusement si c’est le nom du nouveau moutardier du pape. Mais pour moi, ce mot, c’est toute une catastrophe. C’est mon Waterloo. Mes cent jours n’ont duré que cinq heures ! » (Souvenirs d’un révolté, 1905). Fin des Travailleurs de la nuit. Deux ans d’instruction ! Une organisation de malfaiteurs aux ramifications internationales.

Un procès sous haute surveillance : Amiens, du 8 au 22 mars, est en état de siège. Près d’un millier de soldats pour assurer la sérénité du spectacle judiciaire dans une ville d’à peine 91 000 habitants. Toute la presse nationale et quelques journaux étrangers relatent le procès de « la bande sinistre » et se complaisent à dresser les crimes des « quarante voleurs ». Le sentiment d’insécurité et la peur renaissante des anarchistes font vendre. À l’extérieur du palais de justice, le journal libertaire Germinal assure une intense propagande en faveur des 23 prévenus.

Dans la salle d’audience, Jacob profite de l’occasion pour faire du procès une vitrine des théories illégalistes. Il est passé de la propagande par la pince monseigneur à la propagande par la parole. Ses discours font mouche systématiquement ; il étonne par sa verve et sa truculence, n’hésitant pas à multiplier les provocations et à se moquer de ses victimes, des juges et des jurés : « Madame était à son château pendant que je suis entré chez elle. C’est toujours des malheureux, dit Jacob, que j’ai dévalisés ! » (4e audience, 11 mars). Mais il se lance surtout dans de longs monologues où il justifie, légitime et théorise ses cambriolages. « La propriété, c’est le vol » déclarait Proudhon en son temps. « J’ai préféré être voleur que volé » rajoute Jacob. François Crucy dans L’Aurore peut ainsi écrire le 13 mars : « C’est le chef des voleurs Jacob qui fait le procès de la société ».

Si les fanfaronnades font rire la salle d’audience de bon cœur, la tension monte d’un cran lors de la 6e audience, le mardi 14 mars. Jacob et sept de ses co-accusés sont expulsés du tribunal. Il ne peut ainsi prononcer son fameux et dernier discours « Pourquoi j’ai cambriolé ? » que s’empresse de publier Germinal. La sentence de la justice tombe huit jours plus tard : les travaux forcés à perpétuité. La peine de  vingt années prononcée à Orléans le 24 juillet vient se confondre avec celle dite à Amiens. Le verdict prononcé en appel à Laon le 1er octobre pour dix des accusés des assises de la Somme sonne comme une conclusion. Au final : dix acquittements, six peines de prison, sept de travaux forcés et de relégation. La mort attend en Guyane ces sept condamnés. Tous… sauf Jacob. Les enchristés en centrale métropolitaine refont leur vie à leur sortie. Tous… sauf Rose Roux, la compagne de Jacob, qui meurt en 1907, un an avant sa libération.

CIRA Marseille 2020 : calendrier Jacob

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