Hors du commun ?


Il convient d’aborder avec une certaine méfiance les papiers ayant, sur la toile, l’honnête cambrioleur comme sujet. D’abord parce que c’est souvent du n’importe nawak pompé allègrement sur oui-oui qui pédia et sans aucune mention de sources. Ensuite, parce que l’auteur fait fréquemment preuve  si ce n’est d’un égo surdimensionné, en tout cas d’une formidable prétention historique à détenir une réalité vraie et affirmée là où, finalement, on ne trouvera que prisme déformant et a priori pour le moins subjectifs. Recenser ces nombreux articles revient donc à s’inscrire dans une démarche historiographique. Celui, très long et publié sur Criminocorpusle 27 mars 2013, de Colombe de Dieuleveult, nous est apparu à dix lieux de ce qu’habituellement on peut lire … même sur ce site réputé gage de probité scientifique.

La doctorante en lettres, qui avait il y a peu bien voulu se prêter au jeu des dix questions du Jacoblog qu’elle mentionne ici plusieurs fois, propose, loin, très loin de l’inénarrable biographie extraordinaire, une problématique pour le moins originale. A travers les exemples du voleur et du bagnard, se servant à foison de ses écrits, elle établit la démarche politique d’un homme, considéré légalement comme un criminel alors que celui-ci a toujours revendiqué et affirmé s’insérer dans le cadre d’une guerre sociale. Telle est la lutte des classes de l’anarchiste Jacob. Or, et Colombe le montre bien, propagande par le fait et illégalisme ont été, pour des raisons politique puis législatives, envisagés comme relevant du droit commun.

Peut-être pourrions-nous relever çà et là quelques erreurs de fonds et de forme, notamment sur la « répression des anarchistes » et « le parcours d’Alexandre Jacob », mais force est de constater que cela n’entame en rien la pertinence et la clairvoyance de l’analyse proposée. Ils ne sont pas, par exemple vingt-cinq mais vingt-trois accusés à Amiens en 1905 ; Jacob ne comparait pas pour meurtre ni là ni à Orléans ; ce ne sont pas les forçats qui l’ont surnommé Barrabas … du détail en somme au regard de la solidité du propos. Rien ne vient prouver non plus que l’honnête cambrioleur ait pu laisser un billet chez Pierre Loti à Rochefort (note 19). La première mention de cette anecdote vient du romancier Bernard Thomas dont la prose vise à faire de Jacob un aventurier hors norme et si proche de celui inventé par Maurice Leblanc.

Même l’utilisation des Souvenirs d’un révolté appréhendés comme  une source totale mais sans regard critique sur les faits (Colombe considère les dialogues de Jacob comme avérés alors qu’ils peuvent très bien être inventés par lui) ou encore l’affirmation d’un arrêt de la propagande par le fait à la suite du procès des Trente n’entravent pas un éclairant examen de cette plume illégaliste hors du commun à n’en point douter.

Alexandre Jacob, forçat anarchiste en Guyane : politique ou droit commun ?

Criminocorpus, 27 mars 2013

http://criminocorpus.revues.org/2410

Philippe Artières et Jean-François Laé engagent à utiliser les archives personnelles avec précaution : « survaloriser certains de ces écrits a pour risque d’écraser des situations variées et de typologiser en somme l’histoire d’un groupe, de l’étudier à la manière du cas en médecine, ou encore d’en faire une vie exemplaire[1] ». S’il est vrai que l’exemple d’Alexandre Jacob n’incarne pas à lui seul le parcours de tous les anarchistes, il constitue néanmoins un matériau pertinent pour entrevoir ce que furent la répression et la condamnation de ces derniers. Les sources disponibles à l’étude de sa trajectoire embrassent une période particulièrement longue, et se complètent par la variété de leur nature : entre 1905, où Jacob publie le récit de son arrestation, et 1954 où il adresse, à ses proches, les dernières lettres avant son suicide, cinquante années de son existence se lisent au travers d’une plume que la nécessité a fait parler. Aux côtés de ces écrits autobiographiques, majoritairement épistolaires[2] et qui portent le discours d’un homme, se perçoivent d’autres voix : celle de la presse et de l’opinion, offerte par les comptes rendus d’audience des deux procès de l’accusé ; celle du pouvoir, de la justice et de l’administration, lisible dans le dossier judiciaire et pénitentiaire du condamné[3] ; celle enfin des personnes, amies ou ennemies, qui l’ont connu ou affronté et qui se font entendre dans les témoignages qu’ils ont laissés (publiés, pour beaucoup, en annexe des Écrits). Envisagés dans leur globalité, ces documents tracent le portrait d’Alexandre Marius Jacob, livré par une multitude de paroles, dessiné dans son évolution, et marqué à tout point de vue par la question politique. Si les écrits de cet anarchiste marseillais constituent avant tout un corpus, propre selon nous à questionner les concepts de la critique littéraire[4], ils deviennent ici des archives judicieuses pour accéder à une réalité historique complexe. L’évocation de cette biographie / autobiographie nous permettra en effet d’interroger la situation spécifique qui fut faite aux anarchistes condamnés à la fin du xixe siècle, mais aussi de sonder la mutation du discours et de la sensibilité politiques de ce révolté devenu forçat. Ce sont les écrits mêmes d’Alexandre Jacob qui apporteront la résolution de notre développement, au détour d’une phrase extrêmement significative quant à la problématique qui nous occupe. Que l’on observe les textes légaux ou la réalité factuelle, que l’on se place du côté du pouvoir ou du côté de l’individu, que l’on écoute le « il » ou le « je », la question qui préside ici restera identique : l’anarchiste Alexandre Jacob, opposant politique ou bagnard du commun ?

L\'Anarchie guidant le peupleLa répression des anarchistes

Avant d’évoquer le parcours d’Alexandre Jacob en particulier, il convient d’aborder brièvement le contexte juridique de la fin du xixe siècle, du point de vue des délits et des crimes politiques. En la matière, l’histoire nous laisse voir avec quelle constance s’est imposée la difficulté de les définir légalement : ni le législateur, ni le criminologue ne sont parvenus à établir de critères invariants qui permettent de qualifier l’infraction politique. Pourtant, dès 1832, la législation commençait à organiser son statut pénal, en prévoyant quelques atténuations : l’échelle des peines se différencie de celle du droit commun (1832), la peine de mort pour crime politique est abolie (1848), la notion de flagrant délit est supprimée (1863) ; les condamnations politiques ne sont pas incluses dans le calcul des peines de la relégation (1885), et ne peuvent entraîner le bannissement ou la dégradation civique. Quelques mesures de faveur sont par ailleurs prescrites à l’exécution de ces peines : les détenus politiques ne sont pas astreints au travail, ni au port du costume pénal ; ils sont regroupés entre eux, autorisés à correspondre plus fréquemment avec leurs proches, ainsi qu’à porter la barbe (un signe qui, s’il paraît symbolique, est d’importance puisqu’il les distingue physiquement du lot des « droit commun »). On peut également signaler que le Conseil supérieur des prisons, dès sa création, s’accorde « pour exclure les politiques du régime cellulaire prévu par la loi de 1875[5] ». La loi reconnaît donc bien l’existence et la spécificité de l’infraction politique, mais peine à lui donner une définition intangible : deux grandes tendances se dessinent au xixe siècle, partageant les juristes et les criminologues qui se saisissent de cette question. La première, dite « subjective », privilégie le motif, l’intention d’un individu pour définir la nature, politique ou non, de ses agissements. La seconde, principalement élaborée par les criminalistes allemands, est dite « objective » et se base sur le seul examen des faits, des moyens mis en œuvre et de la nature des droits lésés. Jean-Pierre Machelon, qui note que la thèse subjective a « toujours été fortement défendue en France[6] », remarque par ailleurs qu’elle perd la plupart de ses partisans à la fin du siècle. Il faut dire que la période est marquée par des contestations nombreuses, qui se manifestèrent à un rythme et avec une violence jusque-là inédits : après l’insurrection de juin 1848 et la Commune de 1871, les attentats anarchistes des années 1890 défrayeront la chronique, exigeront du législateur une réponse pénale rapide, et donneront un nouvel exemple de l’embarrassante distinction entre délit politique et de droit commun.

Si la criminalisation des opposants politiques sert incontestablement un intérêt stratégique du pouvoir, la difficulté intrinsèque d’une telle définition demeure. L’exemple du régicide met en lumière l’insoluble contradiction : le geste est indubitablement politique, mais il reste cantonné dans la majorité des cas au crime ordinaire, précisément parce que la figure sacrée du plus haut représentant de l’autorité a été atteinte. Ainsi, même lorsque le motif politique est pris en compte, il peut être évincé par le caractère choquant de l’infraction, dans l’objet qu’elle vise ou les moyens qu’elle met en œuvre. Au début des années 1890, les anarchistes se trouvent exactement dans ce cas de figure : le mobile politique de leurs actes est indéniable, revendiqué par voie de presse notamment (les publications anarchistes sont nombreuses et toutes, les premiers temps du moins, font l’apologie de la propagande par le fait). Mais le choc qui retentit dans l’opinion publique est d’une ampleur sans précédent : rappelons qu’entre 1892 et 1894, surviennent au moins onze attentats à l’explosif et deux assassinats, dont celui du Président Carnot[7]. Les anarchistes occupent sans relâche l’espace médiatique, aux « unes » friandes d’événements si spectaculaires, et deviennent l’objet de terreur central de la population. Henri Lévy-Bruhl, dans un article synthétique sur les délits politiques, précise que « le délit de droit commun qui accompagne l’infraction politique ne laisse pas, en général, de lui conserver son caractère propre, et ne fait pas obstacle à la mansuétude relative qui l’entoure […]. Mais cela n’est vrai que si cette infraction reste dans certaines limites, ne présente pas de traits de cruauté ou de barbarie trop révoltants […]. Il n’est donc nullement étonnant qu’on ait considéré les attentats anarchistes comme indignes de bénéficier d’aucune indulgence : ils lèsent trop profondément la conscience publique[8] ». Ce cas singulier a donné lieu à une immédiate et abondante littérature, où juristes et criminalistes affirment leur thèse : Proal et Maxwell reconnaissent de façon plus ou moins explicite le caractère politique de la propagande par le fait, quand Garraud affirme au contraire que « la notion de criminalité politique doit rester étrangère à des actes qui n’attaquent pas seulement la société mais qui attaquent l’individu sous prétexte d’atteindre la société elle-même[9]». Lombroso adopte quant à lui une position plus nuancée, jugeant qu’en l’occurrence le délit politique se confond avec le délit de droit commun.

Pour reprendre la terminologie de Lévy-Bruhl, les « actes anarchistes » présentent en effet les traits essentiels de l’infraction politique, puisqu’ils dépassent l’intérêt individuel de leurs auteurs et s’inspirent d’une doctrine. Manifestement, ces caractéristiques demeurent insuffisantes pour considérer les inculpés hors du droit commun : la nature des moyens employés et des cibles visées supplante le mobile de leurs agissements. Une résolution adoptée en 1892 par l’Institut de droit international de Genève nous apprend par quel biais le corps judiciaire entend résoudre la question : « Ne sont point réputés délits politiques […] les faits délictueux dirigés contre la base de toute organisation sociale, et non pas seulement contre tel État déterminé ou telle forme de gouvernement »[10]. En deçà du traumatisme provoqué par les attentats anarchistes, ces derniers se voient exclus de la sphère politique pour une raison plus fondamentale : la conception anarchiste de la société et de l’action politique est radicalement différente de celle du plus grand nombre. Ils se tiennent à distance de la citoyenneté – le vote n’est qu’une mascarade où le peuple donne aux puissants le bâton pour se faire battre – et de la prise de pouvoir, qui ne constituerait qu’un changement de visage de l’autorité qu’ils veulent abolir. Les anarchistes n’aspirent pas à gouverner : ils se distinguent par là de l’opposant type, et évoluent bel et bien en marge de l’échiquier politique classique. La cause qu’ils servent est donc considérée comme invalide par le législateur qui, entre 1892 et 1894, promulguera les lois dites « scélérates » : votées dans l’urgence aux temps forts de la vague anarchiste, d’une extrême sévérité répressive, elles constitueront une aggravation du droit commun sans précédent.

Le dernier chapitre de l’ouvrage de Jean-Pierre Machelon est consacré à la répression de l’anarchisme, que nous pouvons ici brosser à grands traits. Considérés comme des délinquants et des criminels de droit commun, les anarchistes sont donc exposés à des peines que ne risquent pas les condamnés politiques ; si le fait est en soi important, il est encore loin de la gravité des mesures mises en place par les lois scélérates. Celles-ci se composent de trois volets : le 2 avril 1892, un texte renforce la répression des attentats par explosifs ; puis, les 12 et 18 décembre 1893, deux lois élargissent les définitions des provocations par voie de presse et de l’association de malfaiteurs ; enfin, la loi du 28 juillet 1894 punit l’incitation au crime même non suivie d’effets, soustrait des juridictions populaires les infractions commises dans un « but de propagande anarchiste »[11] et permet aux présidents des assises d’interdire la publicité des débats ; elle inclut par ailleurs les condamnations pour propagande anarchiste dans le calcul des peines de la relégation. Aucun doute ne peut alors subsister quant au verdict du législateur : l’ « acte anarchiste » relève bel et bien du droit commun. Il faut noter, comme le fait Machelon, le caractère discriminatoire du texte de 1894, qui précise explicitement à quelle population il se destine – lorsque l’égalité des hommes devant la loi constitue le fondement du droit français. Les « délits anarchistes », notamment les délits de presse, seront jugés par des tribunaux correctionnels : la sévérité du juge ne sera donc plus freinée par l’éventuelle clémence populaire. L’interdiction de publier les débats judiciaires répond quant à elle à la nécessité de juguler la propagande anarchiste, la majorité des accusés faisant de la salle d’audience une tribune où ils revendiquent la dimension politique des actes incriminés. Le volet de 1893 comporte un enjeu similaire : celui d’endiguer tout prosélytisme, en frappant aussi durement que possible les journaux, important outil de propagande autant que de communication entre les différents groupes et individus anarchistes.

On devine ici une composante essentielle de l’action législative, qui ne se soucie pas seulement de punir l’acte délictueux ou criminel, ni même d’en prévenir la préparation, mais bien de s’attaquer aux racines du mal, en condamnant l’anarchisme en tant qu’opinion politique. Du point de vue pénal, cela se traduit par un élargissement considérable des notions d’association de malfaiteurs et d’entente : le terme de « fauteur », par exemple, est introduit pour désigner l’individu qui aide, de quelque façon que ce soit, une « entente anarchiste ». L’imprimeur d’un journal anarchiste, le sympathisant qui colle des affiches ou héberge un « compagnon », l’auteur cantonné à la théorie écrite, peuvent donc être condamnés à la réclusion ou à la relégation : la loi entérine ainsi, de façon définitive, l’utile amalgame entre terroriste et anarchiste. Elle crée par ailleurs, dans un cadre international, la notion de « délit social », qui permet aux États d’ordonner l’extradition des exilés anarchistes les plus dangereux ; les congrès sont interdits, empêchant de facto le mouvement de se doter d’une structure internationale. De façon plus officieuse, l’histoire nous apprend que les procès des anarchistes admettaient quelques particularités : une instruction extrêmement rapide (sorte de prémices des comparutions immédiates, fréquentes de nos jours), une défense muselée (ce sera le cas du procès d’Alexandre Jacob, nous y reviendrons), et des condamnations sévères (pour des faits similaires, l’écart entre les sentences se creuse selon que l’accusé est signalé ou non comme anarchiste). À tous les égards, l’anarchisme est invoqué comme une circonstance aggravante : il devient en lui-même un délit ou un crime puni devant la loi. Pour la première fois, une opinion politique est directement incriminée, selon un régime de droit non seulement commun, mais encore aggravé : la punition se veut à la mesure du choc que le « délit d’anarchisme » imprime à la conscience collective.

Alexandre Jacob 1905Le parcours d’Alexandre Marius Jacob

La période des attentats anarchistes se clôt par un bilan particulièrement noir :

« Dans les premiers mois de 1894, les principaux militants anarchistes étaient en état d’arrestation ou en fuite ; la liberté individuelle des suspects sérieusement restreinte ; la presse anarchiste presque totalement anéantie. Et pourtant, le 24 juin, le président Carnot périt sous les coups de Caserio[12] »

C’est dire que la sévérité de la répression n’est pas garante de son efficacité. Le véritable épilogue de l’ère terroriste se joue un mois plus tard avec le Procès des Trente[13], qui se solde d’ailleurs par un acquittement général, excepté trois condamnations aux travaux forcés. À cette date, Alexandre Jacob, jeune Marseillais de quinze ans, est ancré à la terre ferme depuis que sa santé l’a contraint à arrêter son apprentissage de mousse ; il se nourrit de lectures (Kropotkine, Malatesta, Reclus… mais aussi Victor Hugo et Jules Verne) et de réunions qui confortent ses convictions politiques naissantes[14]. Son parcours illustre quelques-uns des faits présentés dans l’ouvrage de Machelon, qui insiste sur la répression administrative et policière, plus encore que pénale, dont furent victimes les anarchistes :

« tous les témoignages concordent : saisies de presse, visites domiciliaires et perquisitions, arrestations pratiquées sans le moindre prétexte (et souvent illégalement) à chaque déplacement d’une personnalité officielle, tel fut, durant toute notre période, le lot commun des anarchistes. Regardés comme les représentants d’une humanité dégénérée et terriblement dangereuse, les « compagnons » furent constamment traités avec la plus grande rudesse […]. À toute époque, les suspects furent étroitement surveillés et, à défaut de pouvoir toujours les arrêter, la police s’attacha, par des campagnes régulières de délation auprès de leurs employeurs, à les condamner au chômage et à la misère[15] ».

Jacob évoque effectivement cet état de faits lorsqu’il revient en 1948 sur les premiers moments de sa révolte : par excès de confiance, il se laissa « manœuvrer par un indicateur de police qui, après [lui] avoir suggéré de confectionner un explosif et [lui] en avoir fourni les éléments, [le] dénonça »[16] ; il est condamné à six mois de prison. Il se fait ensuite embaucher comme typographe avant d’être dénoncé par la police auprès de son employeur  ; le scénario se répète alors qu’il est apprenti dans une pharmacie. « Tout cela m’aigrit, me révolta[17] » : le harcèlement policier poussera Jacob à suivre le chemin de l’illégalisme pour subvenir à ses besoins, autant que pour servir la cause anarchiste. À partir de 1899 et jusqu’à son arrestation en 1903, Alexandre Jacob fut le plus actif représentant de la « reprise individuelle », moyen de propagande par le fait « illégaliste » (moins violente et plus souterraine que ne l’étaient les attentats, il s’agissait de reprendre aux possédants, autrement dit aux bourgeois, les richesses qu’ils avaient volées aux producteurs, c’est-à-dire au peuple). Son programme était le suivant :

« Reprise individuelle chez tout parasite social : prêtres, militaires, juges, etc. (vers ma douzième année j’avais lu avec un gros intérêt Quatre-vingt-treize de Victor Hugo). C’est ainsi que médecins, architectes, littérateurs, etc., étaient exclus de la liste de nos clients. En outre, sauf le cas de légitime défense, le meurtre était interdit […]. Nos frais de déplacements, de costumes, d’outillages étaient lourds. Néanmoins 10 % du butin était réservé aux œuvres de propagande[18]».

Les règles fixées par Jacob ne laissent aucun doute quant à la vocation politique de l’entreprise, qui vise spécialement les figures de l’autorité[19], évite les crimes de sang et entend constituer une aide financière au mouvement. Au sein du groupe avec lequel il s’organise – baptisé par la presse les Travailleurs de la nuit -, le dernier point n’est pas consensuel : « sous prétexte d’individualisme », certains refusèrent de participer aux frais de la cause (aider à la parution d’un journal, soutenir les familles des compagnons détenus…) ; mais quant à Jacob, le procès montra qu’il avait vécu modestement, et nombre de témoignages ou de documents apportent les preuves de sa solidarité[20].

La suite de ce court récit nous éclaire sur un autre point : « Je rencontrais là [au Libertaire, à Paris] la plupart des militants anars de l’époque qui, d’ailleurs, sauf deux, ignoraient qui j’étais et ce que je faisais »[21]. Alexandre Jacob, alias Georges Escande, évolue clandestinement dans le milieu anarchiste lui-même ; et en terme de visibilité, les cambriolages nocturnes retentissent moins fort que les bombes. Seuls de petits mots, laissés sur les lieux et signés Attila, engagent à considérer le fondement politique du forfait : « Au juge de paix nous déclarons la guerre », « Dieu des voleurs, recherche les voleurs de ceux qui en ont volé d’autres ». Il faut noter ici que les activités de reprise ont suscité des divergences profondes au sein du mouvement anarchiste, certains voyant dans ces actes isolés et individuels un frein à la lutte sociale. Selon les illégalistes au contraire, le vol constitue un acte révolutionnaire : il touche l’oppresseur en son point sensible, la propriété ; le droit au vol est revendiqué comme étant le pendant de l’exploitation, et qui ne disparaîtra qu’avec elle.

« Les malfaiteurs, les bandits, les démolisseurs comme moi, monsieur, sont loin d’être des ineptes ; croyez-moi. Aujourd’hui, j’use de tous les moyens pour démolir l’édifice social parce qu’il pue avec ses chancres et ses immondices, qu’il indigne avec ses injustices et ses cruautés. Mais vienne un monde nouveau conforme à mes idées et demain, dirigeant mon savoir, mon intelligence, mon talent vers la construction d’un nouvel état de choses, je mettrai autant d’ardeur à bâtir que ce que j’en mets aujourd’hui à détruire[22] ».

C’est ce que déclare Jacob à un avocat venu assister à son interrogatoire, lorsqu’il est arrêté après le cambriolage d’Abbeville, en 1903 : actes éminemment politiques donc, tendus vers l’avenir, fruits d’un raisonnement (et non d’une pulsion) animé par la conscience de l’injustice.

Les vingt-cinq accusés qui sont présentés à la justice en mars 1905 comparaissent pour des faits de droit commun : plus de cent cinquante cambriolages ont été répertoriés (l’instruction du procès a duré dix-huit mois et réuni un acte d’accusation de cent soixante pages, comportant vingt mille pièces), et Jacob est par ailleurs accusé du meurtre d’un agent de police. Sachant bien qu’il sera conduit à l’échafaud ou au bagne, il endosse la responsabilité de certains faits dont il n’est pas l’auteur pour décharger ses camarades, et transforme surtout la cour d’assises en une tribune où il démontre, revendique même la légitimité de ses actes. Les comptes-rendus d’audience mentionnent les très nombreuses interventions de Jacob, qui lui valurent d’être expulsé du tribunal. Une de ses déclarations, dont suivent quelques extraits, a été retranscrite in extenso dans le journal anarchiste Germinal[23] ; elle condense quelques-uns des traits de la pensée et du style de l’anarchiste :

« Plus un homme travaille, moins il gagne ; moins il produit, plus il bénéficie. Le mérite n’est pas considéré. Seuls les audacieux s’emparent du pouvoir et s’empressent de légaliser leurs rapines. Du haut en bas de l’échelle sociale tout n’est que friponnerie d’une part et idiotie de l’autre. Comment voulez-vous que, pénétré de ces vérités, j’aie respecté un tel état de choses ? […] Le vol c’est la restitution, la reprise de possession. Plutôt que d’être cloîtré dans une usine, comme dans un bagne ; plutôt que de mendier ce à quoi j’avais droit, j’ai préféré m’insurger et combattre pied à pied mes ennemis en faisant la guerre aux riches, en attaquant leurs biens. Certes, je conçois que vous auriez préféré que je me soumette à vos lois ; qu’ouvrier docile et avachi j’eusse créé des richesses en échange d’un salaire dérisoire et, lorsque le corps usé et le cerveau abêti, je m’en fusse crever au coin d’une rue. Alors vous ne m’appelleriez pas « bandit cynique », mais « honnête ouvrier » […]. Si je me suis livré au vol, ça n’a pas été une question de gain, de lucre, mais une question de principe, de droit. J’ai préféré conserver ma liberté, mon indépendance, ma dignité d’homme, que me faire l’artisan de la fortune d’un maître. En termes plus crus, sans euphémisme, j’ai préféré être voleur que volé […]. Anarchiste révolutionnaire, j’ai fait ma révolution[24] ».

Outre l’enracinement philosophique et politique de ses convictions, ces extraits nous laissent aussi percevoir le jugement que porte Jacob sur les différents acteurs de la « guerre sociale », et notamment sur ce peuple plongé dans l’idiotie et l’avachissement, dont le bagne va lui offrir un échantillon particulièrement malsain.

Condamné aux travaux forcés à perpétuité pour des faits de droit commun, Jacob est envoyé en Guyane – mais c’est bien en qualité d’anarchiste qu’il y est reçu : son dossier, qui porte la mention « bandit extrêmement dangereux, à surveiller de très, très près », l’envoie directement aux îles du Salut, un archipel situé au large de Kourou, où sont détenus les transportés les plus menaçants. En 1905, alors qu’il attend encore son transfert pour la Guyane, il déclare à sa mère, Marie :

« chaque matin en me levant, je me sens les reins plus solides, plus énergiques que la veille pour mener à bonne fin le nouveau défi que j’ai jeté à la société […]. Je m’incline devant tout ce qui est beau, tout ce qui est juste ; la vérité, la justice, la raison ; mais je ne me suis jamais incliné, ne m’incline pas et ne m’inclinerai jamais devant la force[25] ».

Énoncé avec sérénité, le projet d’Alexandre Jacob – que les forçats surnommeront Barrabas – est clair : résister au monde du bagne et à sa coercition, continuer la lutte « sous une autre forme et par d’autres moyens[26]». Le dossier pénitentiaire du matricule 34777 nous apprend par quels biais : outre les tentatives d’évasion (dix-huit), sont répertoriées les lettres de réclamation qu’il adressa au ministère des Colonies ; il y dénonce par exemple l’insalubrité des cases et des pénitenciers, ou la brutalité injustifiée des gardiens. Au fur et à mesure du temps passé en Guyane, les lettres s’appuient avec de plus en plus d’acuité sur des articles de lois ou de règlements précis et démontrent, avec une argumentation infaillible, la légitimité de son propos : il parvient ainsi à annuler d’injustes punitions, ou à contester l’interdiction de lecture et de correspondance qui touche parfois les forçats. Par ailleurs, la liste des comparutions de Jacob devant le Tribunal maritime spécial (qui juge les délits et les crimes commis par des transportés en cours de peine) nous indique le degré de maîtrise dont il faisait preuve dans ses argumentaires : une seule condamnation, deux jugements cassés et annulés, trois acquittements. Nous savons aussi grâce à ses lettres qu’il mettait sa compétence juridique au service de la défense de ses codétenus[27], ce que confirme le témoignage d’Eugène Dieudonné : « Devant le tribunal maritime spécial, Pincemint, conseillé par Barrabas, se défendit adroitement[28] ».

Le combat contre l’Administration pénitentiaire ne se fait pourtant pas à armes égales, et ni l’intelligence ni l’habileté ne préservent le transporté des tourments carcéraux. La législation (notamment la loi sur la transportation du 30 mai 1854 et la loi sur la relégation des récidivistes du 27 mai 1885), qui entend régir tous les aspects de la vie du forçat, lui réserve un sort douloureux mais encore aggravé par la réalité des faits. Il est intéressant de mentionner ici l’ouvrage de Danielle Donet-Vincent, qui présente le monde du bagne et son histoire en rappelant les enjeux fondamentaux de l’expulsion de certains condamnés. La peine est, à ses origines (au xviiie siècle), exclusivement politique : frappés d’exil, les traîtres en rupture de ban ou les membres de sociétés secrètes ont été envoyés outre-mer, dans un but à la fois punitif et colonisateur ; les îles du Salut étaient déjà le territoire privilégié de cette réclusion. Malgré les échecs de ces tentatives, les régimes successifs ont continué à voir dans les territoires coloniaux une solution pour débarrasser la métropole des indésirables, dont la définition s’élargit au fil du temps :

« Qui sont les turbulents […] ? La marge entre déportation, terme qui sera ultérieurement réservé aux condamnations pour délits d’opinion, et transportation, terme qui désignera la peine infligée aux condamnés aux travaux forcés n’est pas, à l’origine, dessinée avec netteté[29] ».

L’ouvrage décrypte à de nombreuses reprises la complexité de cette frontière : la déportation pour délit d’opinion (initiée par la Révolution) s’est étendue à des groupes de plus en plus larges d’individus ; puis la transportation a été instituée pour que soient également évincés les condamnés de droit commun. Un an après la création de cette possibilité juridique, un décret du 29 août 1855 « prescrivit de ne plus parler de politiques mais de transportés[30] » : politiques et droit commun se trouvaient donc administrativement égaux, tous désignés par un même vocable. La disparition du terme n’est pas un fait anodin : elle est un indice de la dangerosité que contient en puissance une telle distinction.

Le politique dans les fers

Qu’au regard de la loi un condamné soit considéré comme politique ou de droit commun ne fait pas, dans les faits, grande différence :

« les conditions de vie difficiles, les mortalités élevées, les incitations au travail et à l’établissement colonial rapprochaient les destinées de toutes les catégories d’expatriés. Les distinctions vestimentaires et quelques menus privilèges n’avaient plus qu’une valeur symbolique[31] ».

Mais hors de la sphère légale, dans la réalité concrète, les individus ont bien été ou non condamnés pour des raisons politiques : la solidarité et l’organisation collectives, l’art et le pouvoir de leur parole, leur force de résistance et d’opposition, sont des faits irréductibles caractéristiques des opposants politiques, cauchemars du pouvoir qu’ils contestent. De cette crainte est née la nécessité de les isoler du reste de la population pénale, et de les considérer d’emblée comme définitivement incorrigibles ; mesures qui endiguent le risque d’une rébellion contagieuse et facilitent leur surveillance, en plus d’alimenter la méfiance à leur égard. À ce titre, il est incontestable qu’Alexandre Jacob ait été considéré comme un condamné d’opinion : en transit au dépôt de Saint-Martin-de-Ré, étape ultime avant la Guyane, il fut placé en cellule et tenu à l’écart de ses codétenus, au même titre que pendant la traversée ; sur les vingt ans que Jacob vécut au bagne, il en passa treize au quartier cellulaire de Saint-Joseph, et non en case collective. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer ici que les îles du Salut guyanaises sont choisies comme lieu de déportation par la loi du 9 février 1895 (l’île Royale pour la déportation simple, l’île du Diable pour la déportation en enceinte fortifiée), au moment de l’affaire Dreyfus – remplaçant ainsi la presqu’île Ducos de Nouvelle-Calédonie (territoire affecté à la déportation par la loi du 8 juin 1850). Deux ans après la promulgation de ce texte, le ministre des Colonies André Lebon rédige un décret défendant « à tout navire, à toute embarcation […] de : 1° Passer à moins de 3 000 mètres (15 encablures) des rivages de l’île du Diable ; 2° Mouiller à une distance moindre de 3 milles marins de tout rivage des îles du Salut[32] ». Ce décret de juillet 1897, cité par le forçat anarchiste Liard-Courtois, montre bien que l’isolement des îles du Salut fut une priorité – un isolement qui, s’il est prescrit en priorité pour l’île du Diable et son célèbre déporté, touche aussi bien l’ensemble de l’archipel. Jacob, bien qu’ayant été condamné selon le régime du droit commun, c’est-à-dire à la transportation et non à la déportation, partagea – comme tous les bagnards jugés dangereux – la condition insulaire souvent caractéristique des déportés politiques. On peut dire en somme qu’Alexandre Jacob fut traité, dans les faits, comme un politique, surveillé, isolé, craint à la même mesure, sans toutefois obtenir aucun des avantages, menus, certes, mais propres à ce statut (distinctions physiques, fréquence de la correspondance, exemption du travail…).

En 1937, le Commandant Michel raconte son expérience de directeur des îles du Salut, dans un témoignage qui ne cesse d’évoquer le bagnard Jacob, et où l’on devine sans peine le statut particulier qu’occupait ce dernier : « pendant des années il m’a tenu tête. Je le considérais définitivement comme un dangereux ennemi de moi-même et de la Société. Il fallait l’abattre pour ne pas être abattu par lui[33] » ; c’est bien sous les traits d’un adversaire redoutable que Jacob est ici présenté. Nous avons dit que, considéré comme un mauvais sujet, il fut le plus souvent tenu à l’isolement, mais il faut ajouter qu’il était loin de s’en plaindre :

« Le bagne est l’arrière de la vie. Il s’y trouve les individus les plus disparates : il y a du beau, il y a du bon ; mais il y a aussi du laid, du sale et du mauvais. Ces derniers sentiments dominent. Aussi tu ne peux croire combien je serais heureux de finir mon séjour au dépôt en cellule, isolé du reste de la population[34] ».

Les propos de Jacob à l’égard de ses codétenus sont épars, mais sans appel :

« tu ignores ce que sont, en général, les forçats. Il n’y a pas ici, à proprement parler, de vrai courage. Sauf de très rares exceptions, tout n’est qu’impulsion, jactance, fanfaronnade et… sybaritisme de basse rue[35]».

Ainsi, bien qu’il insiste formellement sur la généralisation qu’il fait ici, Alexandre Jacob dépeint un monde vil dont les lois sont très éloignées de ses propres principes : impulsion, jactance et fanfaronnade s’opposent à son caractère réfléchi et à son mépris de l’artifice langagier ; le sybaritisme désigne quant à lui une vie molle, qui ne recherche que sa propre tranquillité. Rien ne nous dit que les « très rares exceptions » qu’il trouve à cette règle se dénichent parmi les prisonniers politiques ; à aucun moment de cette vaste correspondance n’est mentionnée une telle distinction. Pourtant, Jacob éprouve bel et bien sa différence au milieu de la masse pénale, tout comme il l’éprouvait au sein du peuple de la société libre. Son caractère et son éducation le séparent du reste de la population :

« Jacob n’était pas joueur. Il fit toujours preuve d’une grande sobriété […]. Dans sa cellule, il lisait tous les livres qu’il pouvait trouver, Nietzsche, Ruskin, et surtout le Code. Il était abonné au Mercure de France. C’était un homme secret, un véritable chef. Il prêchait la solidarité entre condamnés. L’administration était l’ennemi commun[36] ».

Au-delà des fantasmes du directeur suspicieux (notamment sur le statut de chef de Jacob), on constate la probité et l’intégrité dont il fit preuve, tout au long de sa transportation, se tenant éloigné de toute corruption morale ; ses activités de lecture et d’écriture le différencient par ailleurs de la majorité des détenus, qu’il voudrait pourtant voir soudés face à l’Administration pénitentiaire.

Il est impossible, pour Alexandre Jacob, d’évoquer explicitement dans ses lettres l’existence passée qui l’a conduit au bagne : les missives mensuelles qu’il envoie à sa mère Marie et qu’il reçoit d’elle sont toutes lues, certaines retenues ou raturées par l’Administration pénitentiaire. Si cette correspondance rencontre des obstacles matériels et des contraintes thématiques nombreuses, elle laisse toutefois entendre le discours entravé d’Alexandre Jacob : parmi les demandes de linge, les bulletins de santé ou les brefs récits du quotidien, se lisent en filigrane les traces d’une pensée politique qui, si elle subit certaines mutations, n’en demeure pas moins permanente dans son principe. Grâce à différents procédés, les épistoliers parviennent à protéger leurs propos de la censure : prenant à la lettre le règlement épistolaire du bagne (qui n’autorise le forçat qu’à aborder ses intérêts personnels et ses affaires de famille), Jacob et Marie mettent en place une grille de pseudonymes complexe. Ainsi, des noms qui baptisent officiellement autant d’oncles, de tantes, de nièces ou de neveux, désignent en réalité des camarades détenus ou libres, en Guyane ou en métropole. Nous pouvons ainsi lire entre les lignes le jugement que Jacob porte sur certains d’entre eux :

« Nous ne leur devons rien, et n’oublie pas qu’à leur tour, [ces personnes] ne nous doivent pas d’avantage. Oui, je sais. La solidarité, le dévouement réciproque auxquels on était en droit de s’attendre, etc., que de phrases banales et creuses. Ces parents-là, l’un d’eux surtout, sont plutôt des arrivistes que des camarades[37] ».

Le terme apparaît ici explicitement, et la notion de solidarité ne laisse pas de doute quant aux personnes désignées : l’expérience de l’enfermement est aussi celle de la désillusion quant à la cohésion du groupe et à la sincérité de certains compagnons. Ces derniers, à qui Jacob transmet un salut fidèle à la fin de chacune de ses lettres, disparaissent finalement de la correspondance à partir de juin 1917. Il mentionne plusieurs fois Joseph Ferrand, l’un de ses anciens camarades lui aussi transporté, et évoque une « brouille [qui] était venu à propos d’une question de principe[38] » : c’est bien que Jacob en a encore, et regrette de trouver chez un camarade des comportements qui en sont indignes. En d’autres endroits, c’est l’utopie elle-même qui est visée :

« Quand, comme moi, on a roulé sur les trois quarts de la surface terrestre et passé treize ans au bagne, tu dois penser que tout ce qui touche à l’idéologie me fait plutôt sourire. La vie n’est pas idéaliste, elle. Elle n’est pas constituée par le verbe mais bien par des actes[39] ».

27Le monde du bagne a renforcé le pragmatisme qui caractérise Alexandre Jacob ; et si l’on constate un assagissement progressif en termes de contestation, on observe aussi la persistance d’autres traits de sa personnalité, où le politique est profondément ancré.

« Les bonnes graines, dit-on, ne moisissent jamais. C’est sans doute pourquoi, et malgré que je mijote depuis tant d’années dans la basse-fosse du bagne, je ne suis pourtant pas encore piqué de vers. Je me tiens droit de toutes les manières[40] ».

Dans un environnement tel que la prison et le bagne, le terme de « politique » ne peut trouver de réel écho ; mais toute conviction prend ses racines dans un terreau éthique, en deçà précisément de toute idéologie : en la matière, l’intégrité de Jacob, attestée par ses lettres autant que par des témoignages annexes[41], persiste durant tout le temps de sa transportation et au-delà. Les fondements de son action passée ont gardé toute leur véracité, et sont même confortés par cette expérience, vécue au sein d’un microcosme qui reflète avec exacerbation la société, dans ce qu’elle a de plus vil. Certes, lorsque Jacob est libéré du bagne en 1925 (et envoyé en prison métropolitaine jusqu’en 1928), il ne reprend pas ses activités de monte-en-l’air : il trouve à s’employer dans un atelier de couture, puis devient marchand-forain en lingerie et bonneterie. Mais il continue de fréquenter les milieux anarchistes, va à la rencontre des révolutionnaires espagnols en 1936, et commence surtout une longue lutte anti-carcérale qui ne s’arrêtera qu’en 1954, lorsqu’il met fin à ses jours (suicide heureux et réfléchi d’un homme qui a vécu). Les lettres ouvertes qu’il a adressées à quelques personnalités concernées par le monde de la prison, ainsi que la correspondance qu’il a entretenue avec des proches, nous renseignent sur la constance avec laquelle il a pensé le monde, l’homme et la société.

Lorsqu’il écrit en 1954 à l’écrivain Georges Arnaud, auteur d’un reportage sur les prisons françaises[42], Jacob, fort de son expérience, entend débattre d’un grand nombre des réalités carcérales. Lorsque Arnaud évoque le travail en prison, nécessaire pour réinsérer les condamnés, Jacob est cinglant :

« ce sont là des visions d’avenir pouvant s’adapter à une société propre, à peu près propre. Aussi ne présentent-elles dans notre monde pourri qu’un non-sens, une gageure de déraison […]. Ne vaudrait-il pas mieux, pour éviter les déceptions, inculquer aux « capturés » d’autres professions que celles que vous indiquez : au diable la truelle, le marteau, l’alêne, l’aiguille, la lime. Donnez des leçons d’agiotage sur l’art de déplacer les capitaux sans l’aide de pinces-monseigneur ; des leçons de politique sur l’art de mentir aux fadas avec profit de sinécures. Bref, des leçons de choses pratiques, légales, leur assurant une existence heureuse et républicaine[43]».

On voit bien que les convictions politiques de Jacob restent inchangées, et qu’elles ont suivi l’évolution sociale, économique et politique du xxe siècle. Le capitalisme a précisé son visage spéculateur, la démocratie républicaine (« le pire des régimes à l’exception de tous les autres », disait Churchill) a cultivé les injustices qu’elle prétendait anéantir, et le monde reste pour Jacob divisé en deux catégories : les honnêtes hommes et les criminels, autrement dit les vrais voleurs et leurs victimes. « La régénération du condamné pourrait être une chose durable et magnifique si ce dernier n’était inévitablement replongé dans une société corrompue qui fabrique constamment des criminels »[44] : pour Alexandre Jacob, la responsabilité du corps social en matière de criminalité ne fait aucun doute. Il en a une conception très nette, qu’il expose à Arnaud au travers d’une image aussi parlante que savoureuse :

« Avez-vous fait quelquefois, cher camarade, la pêche au mulet ? C’est très amusant ; toute l’astuce du poisson ressemble à celle que l’homme emploie dans la mêlée sociale. On amorce avec un pastis fait de mie de pain et de morue. On piège, puis on attend la touche. Mais la touche ne se manifeste que rarement. Impatient, on lève la ligne et on aperçoit alors que l’appât a disparu. Volatilisé. Mystère ? Que non. Le mulet, au lieu de foncer horizontalement sur l’hameçon, y va du dessous, et suçant menue bouchée par menue bouchée, dépiaute artistement l’hameçon et disparaît pour digérer. Ça c’est la manière de « l’honnête homme légal ». Parfois un mulet impatient, mal éduqué ou un peu fada, fonce sur l’appât horizontalement et se trouve pincé. Ça c’est la manière du délinquant. Ce qui, en termes plus clairs, revient à dire que le criminel, le délinquant, est un honnête homme qui n’a pas réussi. En inversant la proposition, on a la définition de l’honnête homme. Pas vu : pas pris. Pas vu : honnête. Pris : criminel[45] ».

En somme, les lois que Jacob connaît si bien sont fondées sur un postulat selon lui erroné, qui affirme que l’honnêteté est la règle dont la criminalité constitue l’exception.

L’art des répartitions[46]

« Vous dites, en parlant de votre passage dans les geôles des vaincus de la « dernière fraîche et glorieuse » : « J’y suis rentré sans haine, sans chauvinisme… » Vraiment, il n’y paraît pas. Ce que vous écrivez sur ces prisonniers – je dis bien : ces prisonniers, car ils ne sont plus rien d’autre -, c’est plus que de la haine, c’est une charge de mauvais goût. De reporter vous vous érigez en juge. Que celui-là ait forniqué le pape et celui-ci violé la Sainte-Vierge, il me semble que c’est en dehors de votre mission. Le juge a déjà prononcé et il est inutile de battre des mains quand la matraque judiciaire s’est abattue[47] ».

Alexandre Jacob nous offre ici, dans un langage dont la crudité signe sans doute sa colère, la résolution de notre questionnement : la distinction entre déportés politiques et transportés de droit commun ne tient pas, ni aucune des autres divisions opérées par le monde carcéral, dès lors que l’individu y est immergé. Le délit ou le crime qui l’y a conduit (même celui d’avoir collaboré avec l’ennemi) n’a pas d’importance face à la situation : l’homme n’est plus qu’un prisonnier lorsqu’il est mis en cage. Cinq ans plus tôt, Alexandre Jacob avait exposé son point de vue à Jean Maitron quant à l’action répressive qui touche le criminel de toute sorte :

« Vous faites une distinction entre le délinquant politique et le délinquant de droit commun. De fait, ce n’est là qu’une opinion d’école […]. Certes, subjectivement, il y a une nuance entre l’illégaliste idéologique et l’illégaliste tout court. Chez le premier, l’élément moteur est l’esprit de révolte contre un ordre social tyrannique, alors que chez le second, le motif déterminant semble ne s’inspirer que d’un désir de lucre. Mais objectivement, cette nuance s’estompe. Un moteur à essence et un moteur gazogène, bien que mus par des moyens différents, font tous deux parcourir le même nombre de kilomètres aux véhicules qu’ils actionnent[48] ».

Jacob rappelle ici par le biais d’une métaphore – procédé récurrent qui signe la volonté d’imager son discours, de le rendre concret aux yeux de son interlocuteur – que, du strict point de vue de la loi, le mobile de l’accusé n’a pas à entrer en considération : l’infraction a eu lieu, la frontière a été franchie, l’appareil répressif doit répliquer – et ce indistinctement.

Anarchiste révolutionnaire actif, Alexandre Jacob a vécu au bagne comme il a vécu dans la société libre : il a suivi les préceptes de son caractère et de ses convictions, a résisté par tous les moyens dont il disposait à la coercition et à l’ingérence du dispositif carcéral. Le ministère des Colonies et l’Administration pénitentiaire l’ont catégorisé, tout au long de sa transportation, comme un individu dangereux et incorrigible, signalé comme anarchiste et surveillé comme tel. Dans une lettre de septembre 1914, alors que Marie l’interroge sur l’éventuel envoi de la masse pénale au combat, son fils coupe court en affirmant : « prisonnier de guerre sociale, je suis au bagne et j’y reste[49] ». Jacob envisage bien la situation comme un rapport de force, une lutte qui se joue entre l’autorité et lui : la « guerre sociale » entamée quand il était homme libre a toujours cours au bagne. L’expression n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle de « délit social », instituée vingt ans plus tôt par le législateur : dans certains cas comme celui de Jacob, l’illégaliste peut effectivement, et doit même être considéré comme l’ennemi intérieur, que le pouvoir doit neutraliser pour conserver son assise. Le problème qui nous occupe pourrait du reste trouver un dénouement qui, s’il semble simpliste et peut-être aporétique, a toutefois l’intérêt d’envisager la question de la criminalité dans une perspective plus large : en admettant que l’ordre social et économique, par ses iniquités, engendre et façonne les criminels qu’il enferme, il ne manque qu’un pas pour considérer que toutes les infractions aux lois pénales sont d’ordre politique. La criminalité – fruit de névroses ô combien partagées mais plus ou moins bien contenues, ou chemin illégaliste assumé et délibérément choisi – exprimerait dans tous les cas une fracture qui touche au collectif, c’est-à-dire à la société : elle relève donc bien, non pas de la politique au sens politicien du terme, mais du politique intrinsèque à toute existence humaine. Revenons à notre propos : Alexandre Jacob se considérait-il comme un « transporté politique », terme certes impropre du point de vue juridique, mais qui traduit pourtant l’ambiguïté bien réelle de certains cas ? À l’évidence, il n’ignorait pas la spécificité de son statut et se distinguait sans aucun doute des autres détenus, mais probablement pas au nom d’une quelconque catégorie : « – Vous devez être anarchiste ? [lui demande un gendarme pendant son interrogatoire] – Je suis un révolté ; je ne m’embarrasse pas d’étiquette[50] ».

Bibliographie

Arnaud (Georges), Prisons 53, Paris, Julliard, 1953, 276 p.

Artières (Philippe), Laé (Jean-François), Les Archives personnelles. Histoire, anthropologie et sociologie, Paris, Armand Colin, 2011, 191 p.

Badinter (Robert), La Prison républicaine, Paris, Fayard, 1992, 430 p.

Delpech (Jean-Marc), Parcours et réseaux d’un anarchiste : Alexandre Marius Jacob (1879-1954), thèse de doctorat en histoire contemporaine, sous la direction de François Roth, Université de Nancy II, 2006, 1 vol., 502 p.

Dieudonné (Eugène), La Vie des forçats [1930] , Paris, Libertalia, 2007, 210 p.

Donet-Vincent (Danielle), De soleil et de silences. Histoire des bagnes de Guyane, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003, 551 p.

Foucault (Michel), Surveiller et punir. Naissance de la prison [1975], Paris, Gallimard, 1993, 362 p.

Jacob (Alexandre), Écrits, Montreuil, L’Insomniaque, 1995, nouvelle édition augmentée, 2004, 846 p.

Lévy-Bruhl (Henry), « Les Délits politiques. Recherche d’une définition », dans Revue française de sociologie, vol. 5, n°5-2, 1964, p. 131-139.

Liard-Courtois (Auguste), Souvenirs du bagne [1903], Toulouse, Les Passés simples, 2005, 399 p.

Machelon (Jean-Pierre), La République contre les libertés, Paris, Presses de la Fondation Nationale des sciences politiques, 1976, 462 p.

Commandant Michel, « Mes Bagnards », dans Confessions [1937], retranscrit dans Écrits, op. cit., p. 785-798.

Maitron (Jean), Le Mouvement anarchiste en France, Paris, Maspero, 1975 (2 vol.), vol. 1 : Des origines à 1914, 486 p.

Vimont (Jean-Claude), La Prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos-Economica, 1993, 503 p.

Ressources électroniques

« Révision des articles 13 et 14 des résolutions d’Oxford (extradition) », Institut de droit international [En ligne], Session du 8 septembre 1892, Genève, page consultée le 1er juillet 2012.

Delpech (Jean-Marc), Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur – Jacoblog [En ligne], blog créé le 7 avril 2008.

Auteur

Colombe de Dieuleveult

Colombe de Dieuleveult est doctorante au département de Lettres modernes de l’Université de Rouen. Sous la direction d’Yvan Leclerc, elle prépare une thèse (soutenance prévue fin 2014) sur les récits autobiographiques et les correspondances de l’anarchiste Alexandre Marius Jacob, transporté au bagne de Guyane entre 1905 et 1925.


[1] Artières (Philippe), Laé (Jean-François), Les Archives personnelles. Histoire, anthropologie et sociologie, Paris, Armand Colin, 2011, p. 147.

[2] Jacob (Alexandre), Écrits, Montreuil, L’Insomniaque, 1995, nouvelle édition augmentée, 2004, 846 p.

[3] Archives nationales d’outre-mer (ANOM), Fonds ministériels, Série Colonies H, dossiers individuels des condamnés, H1481.

[4] Les recherches présentées dans notre mémoire de master, Une correspondance insoumise, ont exclusivement porté sur les lettres de bagne d’Alexandre Jacob ; elles se poursuivent depuis 2011 en doctorat et englobent cette fois l’ensemble de ses écrits, aussi bien les récits autobiographiques que les correspondances. L’une des composantes de notre travail est de montrer que ce corpus, si « ordinaire » soit-il (Jacob n’est effectivement pas un écrivain mais plutôt un écrivant), partage avec le texte littéraire une multitude d’aspects.

[5] Badinter (Robert), La Prison républicaine, Paris, Fayard, 1992, p. 220.

[6] Machelon (Jean-Pierre), La République contre les libertés, Paris, Presses de la Fondation Nationale des sciences politiques, 1976, p. 409.

[7] Ces chiffres sont donnés à partir de la chronologie des événements marquants de la période, établie par Jean Maitron dans Le Mouvement anarchiste en France, Paris, Maspero, 1975 (2 vol.), vol. 1 : Des origines à 1914, p. 214.

[8] Lévy-Bruhl (Henry), « Les Délits politiques. Recherche d’une définition », Revue française de sociologie, vol. 5, n°5-2, 1964, p. 136.

[9] Garraud (René), L’anarchie et la répression, Paris, Larose, 1895, p. 15, cité par Jean-Pierre Machelon, op. cit., p. 410.

[10] « Révision des articles 13 et 14 des résolutions d’Oxford (extradition) », Institut de droit international [En ligne], Session du 8 septembre 1892, Genève.

[11] Machelon (Jean-Pierre), op. cit., p. 435.

[12] Machelon (Jean-Pierre), op. cit., p. 419

[13] Comparution de trente accusés, figures plus ou moins importantes de l’anarchisme français, sous l’inculpation d’association de malfaiteurs

[14] Le lecteur qui voudrait connaître en détails la biographie d’Alexandre Marius Jacob se réfèrera à la thèse de Jean-Marc Delpech, Parcours et réseaux d’un anarchiste : Alexandre Marius Jacob (1879-1954), thèse de doctorat en histoire contemporaine, sous la direction de François Roth, Université de Nancy II, 2006, 1 vol., 502 p. Il pourra également consulter, en ligne, le blog tenu par ce même auteur sur Alexandre Jacob et, plus généralement, sur le mouvement anarchiste et le monde du bagne (cf. bibliographie)

[15] Machelon (Jean-Pierre), op. cit., p. 417.

[16] Jacob (Alexandre), « Souvenirs rassis d’un demi-siècle » [1948], op. cit., p. 470.

[17] Idem.

[18] Ibid., p. 471.

[19] Plusieurs anecdotes indiquent l’intégrité de Jacob à cet égard, la plus connue et significative étant celle du cambriolage de Rochefort. Croyant cambrioler la luxueuse maison de l’officier de marine Julien Viaud, Alexandre Jacob s’aperçoit qu’il est en train de voler l’écrivain Pierre Loti : il remet en place son butin, refusant de léser un homme de plume, et laisse un billet pour dédommager la vitre cassée.

[20] Il contribue par exemple à la création d’un journal anarchiste amiénois, Germinal, par un versement de deux cent dix francs, quand les dons habituels s’élèvent à un ou deux francs ; cf. Germinal n° 1, du 19 novembre au 3 décembre 1904, rubrique « Reçu pour « Germinal » », p. 1, Bibliothèque nationale de France (BNF), Tolbiac-Rez-de-jardin, JO85053.

[21] Jacob (Alexandre), « Souvenirs rassis d’un demi-siècle » [1948], op. cit., p. 470.

[22] Jacob (Alexandre), « Souvenirs d’un révolté » [1905], op. cit., p. 92.

[23] Germinal n°11, du 19 au 23 mars 1905, p. 1.

[24] Jacob (Alexandre), « Pourquoi j’ai cambriolé », op. cit., p. 32.

[25] Lettre à Marie du 29 juillet 1905, op. cit., p. 121.

[26] Jacob (Alexandre), « Souvenirs rassis d’un demi-siècle », op. cit., p. 472.

[27] « Je pris plaisir à aider mes compagnons de chaîne à mieux se défendre contre la barbarie des règles auxquelles nous étions assujettis », Jacob (Alexandre), lettre au député Ernest Laffont du 11 janvier 1932, op. cit., p. 460.

[28] Dieudonné (Eugène), La Vie des forçats [1930], Paris, Libertalia, 2007, p. 144.

[29] Donet-Vincent (Danielle), De soleil et de silences. Histoire des bagnes de Guyane, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2003, p. 85-86.

[30] Ibid., p. 201.

[31] Vimont (Jean-Claude), La Prison politique en France. Genèse d’un mode d’incarcération spécifique, XVIIIe-XXe siècles, Paris, Anthropos-Economica, 1993, p. 442.

[32] Liard-Courtois (Auguste), Souvenirs du bagne [1903], Toulouse, Les Passés simples, 2005, p. 316. Ce récit est un des témoignages de transportés les plus complets : l’auteur aborde la majorité des aspects de la vie quotidienne du bagnard et cite de nombreux textes légaux et documents officiels ; anecdotes et personnages y sont légion, offrant un tableau saisissant du bagne guyanais, peint avec la verve certes partisane mais toujours savoureuse des anarchistes.

[33] Commandant Michel, « Mes Bagnards », dans Confessions [1937], retranscrit dans Écrits, op. cit., p. 785.

[34] Lettre du 24 septembre 1905, op. cit., p. 139.

[35] Lettre du 23 septembre 1914, op. cit., p. 299.

[36] Commandant Michel, art. cit., op. cit., p. 788.

[37] Lettre du 2 mars 1911, op. cit., p. 209.

[38] Lettre du 4 décembre 1911, op. cit., p. 230.

[39] Lettre du 29 mai 1919, op. cit., p. 386.

[40] Lettre du 15 novembre 1916, op. cit., p. 350.

[41] « D’autres, comme Barrabas […], passent vingt-cinq ans de leur vie au bagne, en restant propres, sans jamais s’amoindrir de la plus petite bassesse. », Dieudonné, op. cit., p. 137.

[42] Arnaud (Georges), Prisons 53, Paris, Julliard, 1953, 276 p.

[43] Lettre ouverte à Georges Arnaud [1954], op. cit., p. 483-484.

[44] Ibid., p. 485.

[45] Ibid., p. 483

[46] Le titre est emprunté à l’un des chapitres de l’ouvrage de Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison [1975], Paris, Gallimard, 1993, p. 166.

[47] Lettre ouverte à Georges Arnaud [1954], op. cit., p. 480-481.

[48] Lettre à Jean Maitron du 5 mai 1949, op. cit., p. 474.

[49] Lettre du 23 septembre 1914, op. cit., p. 299.

[50] Jacob (Alexandre), « Souvenirs d’un révolté », op. cit., p. 75.

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