Huit questions à … Florence Boespflug-Leblanc


Le mythe lupinien est plaisant. L’aventurier Jacob se consomme en effet plus facilement que l’infatigable épistolaire, que le fin politique, ou encore que le théoricien anarchiste de la reprise individuelle qu’il fut lors de ses divers procès et confrontations avec l’appareil judiciaire.

Telle est la lupinose pré-mâchant toute la complexité du personnage réel.

Il est alors plaisant de lire du côté lupinien des plumes abondant dans notre sens. Attribuer à l’honnête cambrioleur la paternité des exploits extraordinaires du gentleman pratiquant – certes en dilettante – la même profession édulcore, il est vrai, tout le génie littéraire de Maurice Leblanc qui deviendrait de la sorte une espèce de voleur à sa manière.

Madame Boespflug-Leblanc, petite-fille du romancier qui fut toute sa vie durant habité par sa création, entretient depuis toujours la mémoire de l’illustre aïeul dont elle a acheté la maison à Etretat il y a quelques années. Le clos Lupin est devenu depuis un musée. Et, à l’occasion des dix ans de celui-ci, elle donne, le 17 juillet 2009, dans les colonnes de Paris-Normandie une interview qui trouve ici toute sa place. Huit petites questions  sur l’écrivain, sur le personnage de fiction, sur le musée qui leur est consacré … et sur qui vous savez.

Notons alors que si ce papier avait été publié deux jours plus tard, il n’en aurait eu que plus de force. Madame Boespflug-Leblanc aurait ainsi affirmé que Jacob n’est pas Lupin, et réciproquement, le jour de la Saint Arsène !

Paris-Normandie

17 juillet 2009

Florence Boespflug-Leblanc :

« Mon grand-père, un dandy rêveur »

Maurice Leblanc a passé des heures à écrire dans le bureau et sous la pergola de sa maison rue Maupassant à Etretat entre 1918 et 1939. C’est là que sa petite-fille Florence Boespflug-Leblanc, ancienne décoratrice, a décidé de créer un musée interactif doté d’un parcours scénographique sur le couple Lupin/Leblanc. Elle vient d’ailleurs de fêter les dix ans du « Clos Lupin » au moment même où les amateurs célébraient le centenaire de l’Aiguille creuse, le roman le plus connu de son grand-père. La propriétaire qui a sauvé ce patrimoine de la ruine pour le plus grand plaisir des visiteurs et des inconditionnels du dandy cambrioleur comme le Pr Bergton du Code Lupin, veille sur cette maison de charme, dont son aïeul disait qu’elle a été son « meilleur Lupin »…

Racontez-nous le sauvetage de cette maison…
Mon père Claude Leblanc était comme moi un enfant unique et s’entendait très bien avec mon grand-père. Il s’est occupé de la partie administrative des éditions. Mais quand il a hérité du Clos Lupin, il était très dégradé, après la seconde guerre mondiale. Les Allemands l’avaient occupé, de même que des réfugiés polonais. J’ai campé là dans les années 46-47 avant que mon père ne vende quelques années plus tard. J’ai pu la racheter après le décès du propriétaire dans les années 90 avec vraiment l’intention de réaliser un lieu dédié à Lupin et à mon grand-père.

Maurice LeblancVous l’avez connu ?
Très peu, j’avais quatre ans lorsqu’il est mort à Perpignan, en 1941. Nous y étions réfugiés avec mes parents et malheureusement il a été victime d’une congestion pulmonaire. On m’a emmené le voir à l’hôpital. Mais ce que je connais de lui, c’est ce que mon père m’a raconté.

Comment vivait-il ici ?
La maison quand il l’a achetée s’appelait le Sphinx, il l’a naturellement rebaptisée du nom de son héros. Quand il a créé Lupin, il a voulu faire pièce au Herlock Sholmès de Conan Doyle. Le mythe du cambrioleur élégant était dans l’air du temps. Il ne s’est pas inspiré comme on le dit parfois de l’anarchiste Marius Jacob. Pour l’anecdote, j’ai bien essayé de planter les lupins ici mais ça n’a pas pris. Pour mon père, cette maison c’était sa chose, il y venait très souvent en vacances. C’est vrai qu’il adorait le pays de Caux et je garde aussi comme lui un attachement profond pour la Normandie.

Sa famille le voyait comme un original ?
Il a été considéré comme un canard boiteux au départ puisque la famille était dans le négoce mais comme ses livres ont marché et qu’il a été reconnu, on ne pouvait plus l’attaquer. Mon grand-père s’habillait comme un dandy avec un col dur et une lavallière mais c’était un homme doux, assez discret et rêveur. Lupin était peut-être ce qu’il aurait rêvé être, moi je ne vois pas de ressemblance entre les deux.

Arsène LupinAvez-vous conservé ses manuscrits ?
Et bien non, car il faisait tout taper par une secrétaire et il jetait les originaux. Beaucoup de choses ont disparu durant la guerre. J’ai conservé des lettres et un seul manuscrit.

Aimez-vous les Lupin de la télévision et du cinéma ?
Georges Descrières (qui est la voix du Clos Lupin) a été merveilleux dans une série télé qui est culte et dans les années 90 il y a eu un nouveau feuilleton avec François Dunoyer. J’aime bien au cinéma le Molinaro avec Brialy et Cassel, Arsène Lupin contre Arsène Lupin. Ensuite, le dernier en date, le Jean-Paul Salomé avec Romain Duris, m’a gêné à cause d’éléments dans le scénario qui me paraissent trop éloignés de l’esprit de Maurice Leblanc avec la série d’attentats. Moi je retiens le côté pétillant plutôt que la face sombre, c’est du champagne Lupin.

Mais votre grand-père a souffert de se voir occulté par sa créature ?
C’est vrai qu’il en a été heurté à la fin de sa vie. Lupin est aussi célèbre que Cyrano de Bergerac ou D’Artagnan. Mon père a eu un énorme succès populaire mais n’a pas été Flaubert ou Maupassant. Lupin a été célèbre partout dans le monde sans que l’on retienne spécialement le nom de son auteur. Alors je suis persuadée qu’il aurait été heureux de voir un lieu comme le Clos Lupin qui entretient sa mémoire et participe à la notoriété d’Etretat.

Sa carrière éditoriale se poursuit bien ?
Les ventes continuent toujours. Il y a pas mal de demandes du côté des éditeurs scolaires et de Jeunesse et pour les éditeurs étrangers également. Je crois que Lupin n’est pas démodé, au contraire de l’unique pièce de théâtre que mon père avait écrite.
Véronique Baud

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