Neuf questions à … Gilbert Roth


Il court, il court le Gilbert. Il roule plutôt. Et la vieille C15, rouillée, usée, aux vitres paralysées, n’en finit plus d’avaler les kilomètres. Un coffre rempli de livres et de bonnes bouteilles. Du Gaillac ou de la très grave et excellente cuvée Elisée Reclus des Acrates. Un coup à Paname à l’occasion du salon du livre libertaire. Un autre à Florence pour une autre réunion. Un coup encore à Saint Dié et à Nancy pour assister à notre soutenance de thèse et aux agapes qui s’en suivirent. Et puis, il a voulu voir Vierzon … et il s’est arrêté à Vesoul. Plus fort que Bernard Tapie avec ses piles Wonder fixées dans le dos, Gilbert, il carbure à l’anarchie et aux harengs marinés aux oignons et à l’huile d’olives. Une fameuse recette mes aïeux !

Mais ce n’est pas pour nous causer cuisine, graillou et tambouille que ce promeneur libertaire du champ de Mars et d’ailleurs, que ce commis-voyageur du drapeau noir, digne continuateur d’un Sébastien Faure et autres propagateurs joyeux de la cause, répond ici à quelques-unes de nos questions. Gilbert sait tout faire. Même l’acteur. Et cet animateur du Centre International de Recherches sur l’Anarchisme de Marseille non plus ne se prive pas de donner son point de vue sur le vol politique et sur l’honnête cambrioleur.

 

•1)      Peux-tu nous présenter rapidement le CIRA de Marseille, son histoire, son organisation, son actualité ?

Le Centre international de recherches sur l’anarchisme est une association dont le but principal est d’archiver et de mettre à disposition tout ce qui concerne le mouvement libertaire, de près ou de loin. Il comprend aussi une bibliothèque de prêt, une videothèque et un espace librairie pour la vente des ouvrages produits par les éditeurs libertaires.

La création du CIRA remonte à 1965, il a changé plusieurs fois de local et aujourd’hui, nous sommes à la recherche d’un local plus grand pour l’acheter. Des causeries sont organisées en principe le premier samedi de chaque mois et c’est une occasion de présenter au public un ouvrage récent avec l’auteur ou l’éditeur. Il est financé essentiellement par les cotisations de ses membres (au nombre de 231 en 2009) et par la ventes des livres ainsi que d’un calendrier illustré avec des documents plus ou moins rares.

•2)      Qu’est-ce que le FLAM ? Un homonyme du célèbre capitaine des dessins animés des années 1980 ?

La FLAM (foire aux livres anarchistes de Marseille) va se dérouler cette année le 13 novembre avec la participation d’éditeurs. Une première FLAM a eu lieu en 2003 et nous avons décidé de rééditer la chose. Il y aura évidemment des débats et un spectacle. Donc rien à voir avec des dessins, animés ou pas.

•3)      On te voit déclamer du Proudhon dans l’excellent court métrage de Till Roeskens, petit film tourné à Marseille au mois de juin 2008. La propriété est-elle le vol ?

Il convient de faire la différence, comme Proudhon, entre propriété et possession…

Ce happening m’a rappelé le théâtre de rue que l’on pratiquait après 68, c’était très agréable de rajeunir de 40 ans. Nous avions monté à l’époque un spectacle contre la propriété privée… mais est-ce que la propriété collective est vraiment différente ? tout est question de savoir qui la gère.

•4)      On te voit encore apparaître dans Ni Vieux Ni Traître, le documentaire de Pierre Carles, en tant qu’animateur du CIRA. Mais tu évoques aussi dans ce film ton passé d’artisan voleur et de militant libertaire. Qu’est-ce qui t’as motivé à user de la pince monseigneur ?

J’ai participé à ce film par solidarité, quelles que soient les différences d’appréciation sur Action directe, car Pierre Carles a voulu soutenir les demandes de mise en liberté des emprisonnés. Après 1968, il me semblait que nous allions entrer dans une période contre-révolutionnaire et qu’il fallait se former à des méthodes clandestines pour se défendre. Le cambriolage apparaissait au petit groupe que nous étions un bon moyen pour atteindre ce but, outre qu’il fournissait des moyens pour militer et pour la solidarité.

•5)      Cette pratique t’as « justement » amené à te faire enchrister. En 1954, Alexandre Marius Jacob concluait sa lettre ouverte à Georges Arnaud dans Défense de l’Homme par un tonitruant : A bas les prisons ! Toutes les prisons ! L’institution pénitentiaire constitue-t-elle pour paraphraser l’honnête cambrioleur dans cette même lettre ouverte une « abomination », reflet de son temps et surtout un palliatif à la question sociale ?

Effectivement, je suis passé par la case prison… expérience désagréable, mais supportable dans mon cas puisque assez courte. Le programme de Jacob est conforme à l’idéologie anarchiste mais les possédants sont loin de l’accepter et leur Justice continuera longtemps à envoyer les voleurs en taule. Que la prison soit un palliatif à la question sociale est une évidence, le tout sécuritaire prôné actuellement va dans ce sens avec assentiment de la majorité, toutes tendances gouvernementales confondues.

•6)      A l’occasion du quarantième anniversaire du CIRA Marseille, nous sommes tous les deux intervenus dans le cadre du mini colloque sur Jacob. Nos deux prestations portaient sur la question de l’illégalisme anarchiste. Le vol peut-il alors s’ériger en théorie politique ?

Je t’ai contredit à l’époque et je le maintiens, le vol est pratiqué par des anarchistes mais par beaucoup d’autres courants politiques jusqu’aux nationalistes. Même Staline dans sa jeunesse l’a pratiqué. C’est une technique, pas une théorie, nous en avons largement assez avec les trois principales (individualisme, communisme libertaire et anarcho-syndicalisme). Je suis résolument opposé à la dispersion des énergies et favorables aux luttes globales.

C15•7)      Il y a depuis peu, et l’année 2009 ne déroge pas à la règle, une floraison de publications sur la propagande par le fait et sur l’illégalisme. A quoi tient, selon toi, cet intérêt pour cette anarchie si singulière de la part du monde de l’édition ?

Parce qu’il y a une clientèle, on constate depuis quelques années  un regain d’intérêt pour l’anarchie, sans doute à cause de la faillite des autres idéologies révolutionnaires ou réformistes. On constate aussi un nombre croissant de recherches sur l’anarchisme, les étudiants ou chercheurs sont beaucoup plus nombreux à fréquenter le CIRA depuis une dizaine d’année

•8)      Le but de notre livre sur l’honnête cambrioleur Jacob est d’abord de replacer celui-ci dans son contexte. Cela nous a conduit à démonter quelques peu le propos développé dans les précédentes biographies (celles de Sergent, Thomas et Caruchet) sans pour autant nier les aspects extraordinaires et aventureux d’une telle vie. Jacob est-il Lupin ?

Tu nous as démontré que Maurice Leblanc a surfé sur le succès de l’époque pour ce type de publications, qu’il s’est peut-être inspiré de Jacob, mais que le personnage des romans et la personne réelle n’avaient rien de commun. Mais, lorsque cette thèse est apparue, les livres de Lupin étaient très connus, donc peut-être que le lien entre les deux personnages est une affaire de promotion ?

•9)      Retrouvons le monde de l’édition, tout au moins celui plus restreint des publications libertaires et militantes. Une polémique a récemment éclaté avec la sortie aux Editions Libertaires du livre de Hamid Zanaz sur L’Impasse islamique (coll. propos mécréants). En quoi le CIRA Marseille est-il partie prenante dans cette « brouille » ? En quoi y-a-t-il justement polémique ? Ne serait-ce pas finalement un petit coup de pub ?

Sans doute aussi une affaire de promotion, pour le reste…no comment !

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