A Biribi


Paroles et musique : Aristide Bruant ? C’est en tout cas la question que pose Robert Brécy dans son Florilège de la chanson révolutionnaire en 1990. Quoi qu’il en soit, ce texte demeure un des points de départ de l’ouvrage de Dominique Kalifa (Biribi, Perrin, 2009) sur les bagnes militaire d’Afrique. La chanson de Bruant est, à l’image du Chant de l’Oraput pour les camps de concentration guyanais, une sorte d’hymne popularisé aussi par les interprétations de Patachou en 1958, de Marc Ogeret en 1978 et surtout par celle  des Quatre Barbus neuf ans plus tôt.

Robert Brécy

Florilège de la chanson révolutionnaire

Edition ouvrière

1990

p.162-163 :

Aristide Bruant

Depuis que Jules Jouy et Marcel Legay l’ont introduit au Chat Noir, en 1883, il a délaissé le répertoire de caf’conc’ pour des œuvres plus originales : ses chansons sur les quartiers de Paris plaisent à un public très large. Son succès est tel qu’en 1885, il reprend le premier local du Chat Noir, qui devient le Mirliton. Empruntant à la langue verte, Bruant s’attache à chanter les marginaux, les filles et leurs souteneurs, toute la pègre des faubourgs ; certaines de ses chansons sont des réussites : A la glacière, A Mazas, A Saint-Lazare, A Batignolles, Belleville, Ménilmontant, A Montmertre, rose blanche ; elles ont été réunies en recueil à l’époque sous le titre d’une des chansons, Dans la rue, etb elles n’ont cessé d’être rééditées en petit format.

(…) Ce chansonnier montmartrois est loin d’être un révolutionnaire, mais il a du flair et sait ce qui plait à son public populaire et même aux bourgeois qui paient pour se faire engueuler par lui.

Lorsque Georges Darien publia Biribi en 1890, cette dénonciation des bagnes militaires fit scandale, mais eut de nombreux échos. Aussi n’est-il pas étonnant que Bruant ait chanté en 1891 : A biribi. A-t-il vraiment créé entièrement cette chanson ? Emmanuel Quesnel, compagnon de chaîne de Darien à Biribi, dit que ce dernier avait écrit le texte chanté par Bruant.

(…) Il est vrai que Bruant avait la réputation d’utiliser des « nègres » au moins pour certains de ses travaux : feuilletons, article du Mirliton, et même son dictionnaire d’argot « que la mort de Léon de Bercy interrompit brusquement » comme l’a fait remarquer Jules Dépaquit, premier maire de la Commune libre de Montmartre.

 

A Biribi

1891

 

Y »en a qui font la mauvaise tête au régiment
Les tires-au- cul ils font la bête inutilement
Quand ils veulent plus faire l’exercice et tout l’fourbi
On les envoie faire leur service à Biribi à Biribi

A Biribi c’est en Afrique où qu’l’plus fort
L’est obligé d’poser sa chique
Et de faire le mort
Où que l’plus malin désespére de faire chibi
Car on peut jamais s’faire la paire à Biribi à Biribi

A Biribi c’est là qu’on marche faut pas flancher
Quand l’chaouche crie « en avant marche » il faut marcher
Et quand on veut faires ses épates c’est peau d’zébi
On vous met les fers aux quat’ pattes à Biribi à Biribi

A Biribi c’est là qu’on créve de soif et d’faim
C’est là qu’il faut marner sans trêve jusqu’à la fin
Le soir on pense à la famille sous le gourbi
On pleure encore quand on roupille à Biribi à Biribi

A Biribi c’est là qu’on râle qu’on râle en rude
La nuit on entend hurler l’mâle qu’aurait pas cru
Qu’un jour y s’rait frocé d’connaitre Mamzelle Bibi
Car tôt ou tard il faut en être à Biribi à Biribi

On est sauvage lâche et féroce quand on r’vient
Si par hasard on fait un gosse on se souvient
On aimerait mieux quand on s’rappelle c’qu’on subit
Voir son enfant à la Nouvelle qu’à Biribi qu’à Biribi

 

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