Marius ou Arsène ?


Jacob par GilMireille Caroline commet des chroniques littéraires et autres articles  dans la Gazette de Jeanne-Lucienne sur le Net. Et Mireille Caroline ne peut s’empêcher, en décembre 2004, de verser dans la lupinose aiguë lorsqu’il s’agit, pour elle, de dire son admiration, son empathie, son frénétique enthousiasme vis-à-vis de l’honnête cambrioleur. Avec un peu de recul et d’esprit critique sur les sources utilisées, elle eût pu éviter tous les poncifs, tous les errements, toutes les inepties qu’elle nous livre ici sur le « beau Marius Jacob ». A moins que ce ne soit le bel Alexandre Lupin, ou encore le sublime Arsène Jacob. A consommer avec toute la modération qu’il se doit.

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Marius ou Arsène ?

Le dimanche 12 décembre 2004

Des mêmes auteurs…

Arsène Lupin, le célèbre cambrioleur de riches qui donne aux pauvres, immortalisé par le journaliste Maurice Leblanc, a été arrêté le 21 avril 1903 à Abbeville (80) et condamné au bagne à perpétuité. Qui se cachait derrière ce héros légendaire qui ne fit jamais couler de sang ? C’est toute l’histoire d’un homme à peine connu, dont les manuels d’histoires de France ont dédaigné l’œuvre et le courage. Le véritable Arsène Lupin est né à Marseille et s’appelait Alexandre Marius Jacob, plus connu sous le nom de Marius Jacob.

Né le 29 septembre 1879 dans une famille de prolétaires (autant dire pauvre) il commence à travailler dès l’âge de 12 ans en tant que mousse embarqué sur un navire marchand, pour échapper à la faim. Il va découvrir les dures réalités de la maltraitance parce qu’il refuse de céder aux avances libidineuses des marins vicieux. Il s’échappe de ce cloaque à Sydney d’où il embarque sur une baleinière, plus bateau négrier que bateau pêcheur. De nouveau, il fausse compagnie aux marins négriers pour rembarquer sur un navire de commerce. Il a seize ans quand on le débarque à Marseille terrassé par des fièvres. Il se remet sur pieds en famille et s’engage comme apprentis imprimeur. C’est là qu’il découvre le monde libertaire dont il gardera les idées jusqu’à sa mort.

Les socialistes de cette fin de siècle s’opposent aux anarchistes (libertaires) dans le monde ouvrier. D’un côté les uns se veulent légalistes et gagner le pouvoir par les élections, de l’autre les anarchistes pensent que la justice sociale ne se discute pas qu’elle se prend !

Quand l’histoire réelle crée la légende

En Europe les mouvements anarchistes révolutionnaires font tomber des rois, des politiciens, des magistrats sous leurs bombes qui éclatent un peu partout dans le monde ! Des dizaines de militants anarchistes sont emprisonnés et certains guillotinés, pendus, etc… Les libertaires sont traqués, des hommes comme Ravachol sont condamnés à avoir la tête tranchée, tandis que Marius est donné à la police par un indicateur qui lui tend un piège. Il fera six mois de prison ferme. A 17 ans quand il sort de prison, il trouve un employeur qui le met à la porte en apprenant ses antécédents. C’est alors qu’il décrète :

 « Puisque les bombes font peur au peuple, volons les bourgeois, et redistribuons aux pauvres ! »

Dès lors sa légende est inscrite dans l’histoire !

De casses spectaculaires en vols aux recettes prodigieuses, Marius Jacob devient l’ennemi N°1, c’est ainsi qu’en tant que journaliste, Maurice Leblanc entend parler de lui et en fera un héros national aux yeux du peuple français, et même au-delà de nos frontières et pour des décennies. « C’est le plus grand des voleurs, Oui, mais c’est un gentleman.. » sont les premières paroles de la chanson du générique du feuilleton. Et ma foi, c’est vrai qu’il était bel homme et bien mis Marius !

Le plus grand des voleurs et gentleman cambrioleur

Sa déontologie :
 Ne prendre qu’aux parasites sociaux : prêtres, militaires, banquiers, juges, etc..
 Ne jamais s’attaquer aux professions utiles : médecins, architectes, écrivains, etc.
 Toujours laisser la part « Part des pauvres » 10% des récupérations qui sont reversées dans les caisses de solidarités des anarchistes pour aider les prisonniers et leurs familles.

Son style
 Déguisements multiples
 Humour sarcastique à l’égard des parasites sociaux. Marius laisse parfois à certains des petits billets très drôles du genre : « Je ne prends pas ces bijoux : ils sont faux ! » ou « je reviendrai lorsque vos meubles seront authentiques ! »

Hé ! Oui, Marius Jacob c’est bien l’Arsène Lupin imaginé (si l’on veut !) par Maurice Leblanc.

Sa rocambolesque aventure s’achève à Abbeville dans la Somme en 1903, il n’a que 24 ans. Lors de son procès deux ans plus tard, on lui attribuera 106 cambriolages personnels sur les 156 plaintes. Nous pourrions lire de nos jours :

« Avec la participation prestigieuse de Marius Jacob »

Les autres actions étant réalisées par les hommes du réseau, réseau qu’il avait mis sur pied. Son organisation, une machine bien huilée composée d’éclaireurs, de prospecteurs, d’acrobates sachant se travestir à volonté.

Envoyé au bagne en Guyanne pendant l’année 1905, il y reste 23 ans. Il ne tente pas moins de 18 évasions. Libéré par anticipation, il revient au pays.

L’Internationale

En 1929 il se présente dans les locaux du journal le Libertaire dirigé par Louis Lecoin. Les deux hommes se ressemblent et se lient d’amitié. Marius ne reprend pas ses activités lucratives, il s’investit dans la propagande. Après les combats de soutiens pour les objecteurs de conscience et ceux pour Sacco et Vanzetti, les libertaires apportent leur soutient pour empêcher l’extradition de Durrti promis à l’exécution capitale en Espagne.

Eclate les événements de 1936, au cours de l’été de cette année là, Marius est à Barcelone. Partout dans la ville les drapeaux de la CNT (syndicat) pavoisent. La CNT est le grand syndicat détenu par les anarchistes.

Puis arrive la déclaration de guerre de 1939, le lendemain, il part avec sa mère dans l’Indre (36) et exerce le métier de marchand ambulant. En 1948 il rencontre Jean Maitron auteur du « dictionnaire biographique du mouvement ouvrier »

Abîmé par les années de bagne et par l’âge (il a 75 ans) il met fin à ses jours pour ne pas finir dans la déchéance, en 1954. Un seul journal lui rend hommage, en tant que figure singulière du mouvement social, c’est le Le Canard Enchaîné

Vous ne lirez ou ne regarderez plus Arsène Lupin de la même manière à présent. Celui qui inspira Leblanc était un libertaire, un anarchiste doux qui n’a jamais fait couler de sang, mais qui a voué sa vie à la réduction des inégalités sociales.

Qui parmi vous ne couvrirait pas la fuite d’Arsène Lupin ?

Bibliographie à lire absolument :
 Marius Jacob l’anarchiste cambrioleur de William Caruchet aux éditions Séguier
 Un anarchiste de la Belle Epoque, Alexandre Jacob de Alain Sergent – éditions Seuil
 Les Vies d’Alexandre Jacob 1879-1954 de Bernard Thomas chez Fayard
 Alexandre Marius Jacob, Ecrits vol. 1 et 2 « l’Insomniaque »
 la revue GRAVROCHE octobre 2004

A consulter également, les sites Internet consacrés à la vie de Marius Jacob
 Les paroles du feuilleton sur le site :

http://www.lexode.com/keskidi/paroles-8387.html

Sans oublier
 Tous les Arsène Lupin de Maurice Leblanc à lire en parallèle. Note les premiers Arsène Lupin sont parus en 1905…

Portrait du beau Marius Jacob

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