Petit Bab à Noël


Jacobil en avant les histoiresIl s’est levé bien plus tôt qu’à l’accoutumée. Excité comme une puce sur Michel, le felin animal de la maison nourri au Scheba. Déjà la veille au soir, il ne tenait plus en place. Et il a fallu des trésors d’imagination, des mines d’or, de rubis et de diamants d’inspiration pour parvenir à endormir … le petit trésor. La bataille avec Morphée n’avait que trop duré. Un coup ce fut celui de la rue Quincampoix. Un autre celui du Mont de Piété de Marseille. Un autre encore la rencontre avec l’agent Couillot à Orléans. Un autre enfin un truc avec un plat de lentilles empoisonné très loin dans un pays chaud où il y avait des méchants qui gardaient des vaincus de guerre sociale. L’a pas très bien compris les derniers mots le Bab. Mais il a pigé l’histoire de Barrabas avec la cervelle vengeresse. Il a frissonné et en a redemandé. Encore et encore. Comme dans une chanson de Francis Cabrel. Jusqu’à ce que la voix rauque dise : « that’s all folks ! ». Et il a fallu céder à l’injonction du père : « Bon maintenant tu files au pieu ! Et tu DORS ! ». Le repère avait parlé. Fracassant. Ne pas aller contre le vent. Surtout quand il est contraire. Sinon … Sinon quoi ? Sinon le père Marius y passera pas. Et voilà ! Et il restera à Reuilly avec le vilain colon ! Pire que Sarah Palin. Enco Pis que la bébête des Vosges. Le repère avait dit. Le repère avait parlé. Le ptit Bab  avait obéit. Le ptit Bab avait feint la mort dans l’âme de l’attente du Grand Soir. Mais elle pouvait toujours aller voir du côté obscur de la force la Grande Morphée. Aller se rhabiller elle pouvait la Gueuse. Ronchon il était. Vlà qu’il se mettait à parler comme Maître Yoda. Total véner il devenait. La peur de rater le D-Day des minots, le Jour J des pitchounes, der Tag T des moins de cinq ans. Conne nuit, douce nuit. Et puis les paupières se sont fermées sur les histoires de l’Alexandre et du Marius. Réouverture programmée. Sur la table de nuit, alors qu’il fait bientôt jour, la petite aiguille pointe vers la barre du Cinq. La grande feignasse, elle, avance mollement vers celle du douze. Un, deux Trois : ne voler que des sales bourgeois. Quatre cinq six : gaffe à la police. Sept huit neuf : gaffe aussi aux keufs. Dix onze douze : et pour nous le flouze ! Et c’est l’heure de se lever. Sa mauvaise foi lui avait affirmé que c’était l’heure de se lever. Que le droit de se lever ne se mendie pas. Que le droit de se lever se prend. Qu’après tout il était bien huit heures. Qu’à huit heures, on se lève. Qu’à huit heures, c’est l’heure de se lever et de prendre son chocolat chaud avec les tartines qui tombent par terre, sur le sol et sur la face confiturée. Debout les gars et sus à l’ennemi ! La France elle se lève tôt ! Nom d’une pince monseigneur ! Pour sûr qu’il était huit heures dans sa tête d’illégaliste du réveil matin. Pour sûr que c’était vrai. Pour sûr qu’il y croyait que l’honnête cambrioleur passe par la cheminée ou tout autre ouverture pour déposer ses paquets aux gosses dans son genre. Pour sûr aussi qu’il fallait faire doucement. Par précaution, il a sorti doucement ses deux pieds du lit et le reste. Il a baillé doucement en silence. Pour chasser le brouillard. Pour virer ce satané smog londonien. Bouche grande ouverte. Par précaution encore, il a enfilé ses charentaises avec la moche tête d’un super-héros dessus. Par précaution, il a enfilé sa robe de chambre avec un moche super héros dans le dos et s’est demandé pourquoi on mettait des robes dans la chambre, pourquoi lui un garçon avec un petit zizi et même pas écossais en plus. Le garçon pas le zizi bien sûr. Par précaution il a poussé la porte de sa chambre doucement. Tout doucement. Ne grince pas, s’il te plait ne grince pas. Tout doucement. Ne pas réveiller le repère et la remère dont la chambre fait face. Mais les ronflements de l’autre côté, dans l’antre, couvrent les grincements du parquet. Honnêtes ronflements, divins ronflements. La voie est libre. Descendre l’escalier de service. Encore plus doucement parce que les précautions d’avant auraient servi à que dalle et parce qu’elles couinnent ces bougresses de marches en bois d’arbre. Comme la souris d’hier dans la gueule du Michel qui aime pô le Schéba. Couic couic couic. La marche est lente, dangereuse, tendue. S’est souvenu d’une histoire avec le Gros Farin, Jean-Pierre de son prénom, et de sa route toute droite avec la pente toute raide. Mais au pied de l’escalier, l’Eden devient proche. Eve ma sœur Eve ne vois tu rien venir ? Le paradis avec des poules qui pondent des zeufs d’or. Ca sent la pomme à plein nez depuis qu’ils se sont mis au calva. Et ils voudraient lui faire croire ça à lui, le Bab ? Mais là, il y croit le Bab, dur comme barre de fer sur un rail de la Senecefeu. L’invisible Bab a le cœur qui bat la chamade. La goutte de sueur et le suspens des films de Clouzot que matent le repère et la remère. Encore quelques pas. Ce qu\'il faut mettre sous le sapinDeux ou trois marches et l’aura passé le champ de mines. C’est là qu’en général le gentil militaire dans le film il saute sur un truc explosif qui fait boum parce que concon la lune il a foutu le pied gauche où il fallait pas. Tout le monde devant la téloche devient rigolard devant la caporalesque tripaille. Et le Bab il aime bien rigolarder avec le repère et la remère. Mais là il aime pas du tout ce qui vient de se passer. Et la queue du Michel que son pied droit vient d’écrabouiller non plus d’ailleurs, elle aime pas ce qu’il vient de se passer. Et la queue du minou n’a pas goûté non plus la face du super héros sur les chaussons du 17. Putain le miaulement ! Comment qu’il a décarré le minou ! Plus vite que la MAM quand elle part à la chasse aux autonomes de l’Ultime Hyper Totale gauche. A gauch’ de la gauch’ de la gauch’. De l’extrême gauche de la gauche comme il l’a vu à la téloche. Aux zinfos du soir, sur Antenne 2. c’est David Patatras qui l’a annoncé, l’air grave, solennel. Ca fait peur. Le Bab lui, il s’est arrêté tout net. Zollverein invisible. Papier Bitte ! L’ouie au garde à vous. Silence total dans la maisonnée. Vide sidéral. Le ptit Bab a soufflé bien fort. L’a eu chaud Pancho. Le danger semble écarté. Et il fait froid en bas. En haut ça ronflait de plus belle. Comme la De Dion à Dieudo dans la rue Ordener. Le Bab il sait très bien qu’il y était pas dans la De Dion le Dieudo. Le repère lui a cent fois répété cette histoire. Même que Raymond la science il l’a dit au procès des survivants que la Popo la Police à Lépipi à Lépine a pas flingués. Mais la De Dion à Dieudo ça sonne vachement bien à ses esgourdes de sale môme. La De Dion à Dieudo. Teuf teuf teuf teuf teuf ! Et à chaque fois que le repère il parles du Jules et des autres, le Bab ne peut plus s’empêcher de brailler : « La De Dion à Dieudo ! ». Par contre, le Bab l’aime pas le commissaire Valentin dans les Brigades du Tigre. L’aime pas les tigres non plus. Trop gros pour un petit minou. Ca pourrait vous gober tout cru. La De Dion à Dieudo. Pendant cinq minutes. Ca fait rire tout le monde alors il en rajoute. Mais là il rigole plus du tout le Bab. L’instant est grave. L’instant se ralentit et, plus l’instant est grave, plus il se ralentit. Le Bab commence à avoir chaud. Ca sent le sapin. Un Beau et Grand Sapin en plastic bio pour sauver la Terre qu’a bobo. Même que c’est pour ça qu’on met des bonnets péruviens sur la tête. Sur le caillou. Et sur le Sapin un A lumineux qui clignote en rouge et noir. Au pied du sapin une crèche, avec le petit Marius sur lequel se penchent attendris Pierre Joseph Proudhon, Stirner et Bakounine. Les rois mages de l’anarchie lui a dit le repère la veille quand ils ont ouvert les cartons de la déco. Made in Tarnac la déco. Avec des bouts de rails qui scintillent de mille feux sur l’épineux. Le Bab a chaud et il fait froid. Normal c’est Noël et on devrait faire Noël à poil et en été Bordel. Le ptit Bab il aime bien répéter à qui mieux mieux les jurons du grand repère barbu. Zut ! Crotte ! Chié ! Con ! Ce qui l’amuse aussi c’est quand il arrive, le grand repère barbu, et qu’il dit : « Bonjour Monsieur Bab » en insistant sur le Monsieur. Le Bab a aperçu avec un seul p le sapin qui clignote. Tic tac. Tic tac. Tic tac. Tic tac. Plus que quelques mètres. Les plus tendus. Les plus difficiles. Il ne sait pas pourquoi, il s’en fout et il s’est mis à courir en criant. En fait il sait pourquoi. Il a vu les paquets. Et dans les paquets, il y en a un marqué Monsieur Bab ! Il a vu le paquet, lui œil de lynx qui voit tout. La divine boiboite. Là au pied du sapin. Avec du beau papier autour. C’est drôle, on dirait une affiche de Tardi pour le journal du repère. A lire entre le café et la sieste. Le Bab il a lu le nom dessus, sur l’affiche, et il a trouvé la dame qui lit très belle. Il s’est jeté sur la dame qui lit. Aussitôt pensé, aussitôt défait. Aussitôt déchirée, hachée, broyée l’affiche. Nettement moins belle la dame qui lit. Ressemble plus à une troupe de moblots partis en patrouille et tombés pour la patrie ou pour que dalle en Afghanistan. L’a rempli son devoir la dame qui lit. Plus que des miettes, des conconfettis. Et il a crié encore plus fort. En haut, c’est clair que ça ronfle plus du tout. Il a vaguement entendu le repère et la remère se lever à leur tour. Enfiler leurs charentaises. Bailler profondément pour chasser le smog londonien. Se mettre une robe de chambre. Même le repère, il en met ! Mais la joie qui vient du fonds de ses tripounettes qui puent qui pètent est plus forte que tout. Envie irrépressible de hurler sa joie. La boite du cambrioleur de chez Jacobil ! The boite. L’en Ce qu\'il faut encore mettre sous le sapinrêvait depuis qu’il est tout petit le Bab. Il est tout petit le Bab. L’en rêvait depuis toujours. « La faute à qui ? » qu’elle avait dit la remère en rigolant. Hein ? La faute à qui ? A la bande à Riquiqui peut-être ? Ca frisait le toc chez le Bab. Le Graal du Bab qui se gratte le bide en réclamant ses Jacobil ! Attention lacrymales en action ! Il a ouvert la boite avec précaution comme pour la  préserver. Boite chérie ! Y a deux figurines dedans avec tout le matos comme dans Laplume et Goudron qu’il a lu en cachette ! Nom d’une pipe. Des Jacobil ! L’a sauté encore une fois de joie. Et s’est mis à jouer avec. En avant les histoires ! Et le Bab a commencé par le début. Celle d’un gamin de Marseille qui voulait voir le monde sur les bateaux de la compagnie des Messageries Maritimes et qui s’est aperçu avec un p qu’il n’était pas beau le monde. Le monde avec un petit m.

Steve Golden

Merci à la Parisienne Libérée à qui nous avons emprunté quelques-unes des paroles de son excellent UHT sans rien lui demander

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