La rente selon Jacob


Les bons bourgeois par DaumierLa 1e déclaration de Jacob, le 9 mars 1905, a été très vite interrompue par le président Wehekind qui aimerait bien,  devant la charge de travail qui incombe au tribunal chargé d’examiner les vols des Travailleurs de la Nuit, faire en sorte que l’insolent anarchiste ne revendique et ne déclame pas trop souvent devant les jurés d’Amiens. Il sait au regard du grand nombre de reporters présent l’importance que peut prendre le discours du principal accusé et l’image qu’il peut en tirer. Ici, comme dans toutes les autres déclarations qu’il pourra faire, Jacob revendique hautement ses actes comme autant d’attaques lancées aux portefeuilles de ces parasites sociaux que sont les rentiers, les nobles, les militaires, etc.

Les bons bourgeois par DaumierDossier de presse : « La bande sinistre et ses exploits »

Procès d’Amiens

2e audience, 9 mars 1905

Vol à Poilhes

Une déclaration de Jacob

Jacob est maintenant au milieu de la salle d’audience.

LE PRÉSIDENT – Racontez comment vous avez accompli ce vol.

Jacob commence un discours aux jurés, longuement préparé, on le sent. En termes brefs, la voix précipitée, il déclare qu’il ne parle pas pour solliciter l’indulgence du jury.

« Je revendique bien haut, dit-il, la responsabilité de mes actions. Je ne suis pas un homme à me repentir. Du reste, on ne peut se repentir que des mauvaises actions. J’ai des convictions bien sincères et je crois en toute conscience avoir bien agi.

«Je suis déterministe. Je considère que l’homme est un atome dans l’infini. Il obéit aveuglément aux lois qui régissent le monde; il ne peut s’y soustraire. Il est le résultat du milieu dans lequel il vit, et ses vices sont le produit de la constitution sociale. Mais je ne suis pas de ces hommes qui viennent échouer sur ces bancs pour avoir volé. Ce que j’ai fait, je l’ai fait en toute bonne justice. Le prolétaire n’est plus corvéable ; mais il est imposable. Il ne suffit pas à la foule de manger, elle veut penser. Et pour qu’elle pense, il faut détruire les castes. J’ai choisi « le vol pour moyen »

« Dès que j’ai eu l’âge de raison, je me suis évertué à choisir comme ennemis les rentiers, les propriétaires, les industriels, les militaires et les prêtres.

«Je vous ai dit que je considérais les rentiers comme des ennemis. Il faut donc que je vous définisse la rente. La rente est la dîme que le fainéant prélève sur le travailleur. Un homme est arrivé à posséder 50000 francs par exemple. Il va dans une banque et y place cette somme. Dans un an, il revient et non seulement il retrouve ses 50000 francs, mais encore ceux-ci augmentés de 3000. Qu’a fait cet homme? Quelle dépense de forces a-t-il fourni ? Rien, aucune. Ce n’est que le travail qui produit. Je sais que des économistes bourgeois disent que le capital vient au secours du travail. Quel puffisme! »

MM. les jurés écoutent, souriants, les déclarations de Jacob. Celui-ci va se lancer dans d’autres considérations mais M. le Président l’arrête.

Sources : Archives de la Préfecture de Police de Paris, EA/89, dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

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