La contrebasse d’Attila


La contrebasse de Jacob d\'après Lacaff et Moriquand

On reconnaît le bon ouvrier à ses outils. L’axiome se vérifie pour n’importe quel artisan, pour n’importe quel travailleur. Alain Sergent suggère dans sa biographie d’Alexandre Jacob l’existence d’une quincaillerie à Montpellier où l’illégaliste pouvait à loisir étudier les coffres forts, dont certains venus des Etats-Unis, et imaginer toute sorte d’outils plus perfectionnés les uns que les autres. Nous n’avons pu établir l’existence de ce magasin on ne peut plus particulier, qui serait situé soit rue de la République, soit faubourg du Courreau, mais la lettre que le bagnard Jacob écrit à sa mère le 19 novembre 1905, alors qu’il attend à saint Martin de Ré son départ pour la Guyane, tendrait à confirmer la véracité du fait. Nous n’avons pas pu également vérifier l’achat de crapaud dans les animaleries locales. Sergent tient l’anecdote de Jacob lui-même. Le batracien est placé dans une conduite d’égout et, lorsqu’il cesse de coasser, les cambrioleurs doivent cesser toute activité car un individu s’approche de la maison visitée. En règle générale, un des Travailleurs fait le guet. L’instruction du procès d’Amiens, menée par le juge Hatté, révèle l’implication de Siméon Charles. Ce serrurier, déjà mis en cause en 1900 dans l’affaire Bernard à Nancy, fournirait nombre d’outils aux cambrioleurs anarchistes. La cour d’assises de la Somme le condamne à 5 ans de réclusion. Bien sûr, il arrive aux voleurs de se fournir sur place. C‘est donc bien à partir d’une logistique puissante et savamment étudiée qu’Alexandre Jacob et les Travailleurs de la Nuit cambriolent à un niveau quasiment industriel. Il leur arrive aussi de fabriquer leurs propres outils. Lorsqu’il est à la prison d’Orléans, Jacob écrit à sa mère avoir imaginé une espèce de chalumeau particulièrement efficace qu’il ne pourra, bien sûr, tester concrêtement. La contrebasse d’Attila, sa sacoche autrement dit, constitue donc un des pivots de l’entreprise illégaliste de démolition sociale.

  

un coffre fort éventréLe Petit Parisien, 30 avril 1903 :

(Les malfaiteurs) avaient également en leur possession un instrument perfectionné destiné à fracturer les coffres-forts. Cet article provient d’une des meilleures maisons de New York. 

 

Dossier de presse « la bande sinistre et ses exploits »

Procès d’Amiens

1e audience, 8 mars 1905

Les pièces à conviction

Les pièces à conviction sont installées sur trois tables dans le milieu de la salle d’audience. C’est un fouillis de limes, de fausses clefs, de rossignols et de pinces monseigneur, de leviers, de barres de fer, de tubes creux, le tout est étiqueté. Ce sont les outils qu’oubliaient parfois les malfaiteurs dans les maisons qu’ils cambriolaient, ceux saisis au domicile des accusés et ceux saisis à Pont Rémy. Sur une garniture en soie cramoisie est toute une collection de fausses clefs, très fines, des modèles les plus divers. Il y a là des lampes électriques, des piles de rechange, trois sacoches noires en toile cirée, la grille du soupirail de la cave de la maison de Mme Tilloloy sur un barreau duquel sont visibles les pesées faites dans la nuit du 214 au 22 avril 1903.

 

Gil Blas, 9 mars 1905 :

La table des pièces à conviction est des plus curieuses à observer ; elle contient tout l’attirail des cambrioleurs : les pinces monseigneur, placées par rang de taille, ne se comptent pas plus que les vilebrequins, les forets, les scies à métaux, les diamants de vitrier. A coté de lampes Edison, réunies entre elles par 5 m de fil, se trouvent une burette à huile, une boite à savon etc. etc. La trousse de Jacob, appelée par lui sa « contrebasse », en cuir noir de 70cm de long sur 35 cm de haut, est une merveille du genre. Elle contient une série de six pinces monseigneur, six rallonge à pas de vis interchangeable, une batterie de quatre piles sèche, une bobine, trois lampes Edison, des rondelles en caoutchouc destinées à amortir les chocs, trois tournevis, trois passe-partout, un vilebrequin, un foret, une scie à métaux, un diamant de vitrier, une burette à huile, une boite à savon à deux compartiments, d’un coté poudre à savon, de l’autre savon mou ; enfin des lames de rechange. Une échelle de corde complète cette rare collection d’instruments très très perfectionnés ».

 

Des outils de cambrioleurs (musée de la police, Paris)L’Illustration, 18 mars 1905 :

La bande possédait des outils de cambriolage d’une perfection inconnue jusqu’à ce jour. Telle trousse qui figure parmi les pièces à conviction, dont chaque instrument s’emboîte dans une unique poignée, fut estimée à 10000 francs ; un levier est d’une force de 2500 kilos.

 

Lettre d’Alexandre Jacob à sa mère, prison de Saint Martin de Ré, 19 novembre 1905 :

« Pour plus d’exactitude, écris donc à Rose. Dis-lui que c’est la rue où j’avais acheté le coffre-fort. D’ailleurs, elle connaît le magasin de Narcisse ; elle pourra te renseigner »

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