Le train des Travailleurs


la gare de Greville vers 1900La loi de janvier 1879 votée par les bouffes galette de l’Assemblée Nationale prévoit la construction de plus de 10000 km de lignes de chemin de fer. Le programme du ministre des travaux publics, futur président du Conseil, Charles de Freycinet, doit permettre au train de desservir toutes les sous-préfectures du pays. Il s’agit donc d’une décision politique visant à installer durablement la République en France. L’entreprise est en voie d’achèvement à la veille de la Première Guerre Mondiale. Mais le maillage ainsi créé justifie la pérennité et le succès, finalement, de l’œuvre illégaliste de démolition publique des Travailleurs de la Nuit. Alain Sergent a pu écrire que Jacob se servait chez lui d’une carte de France parcellés de petits drapeaux. L’état des lieux de l’appartement de la rue Leibniz, établi en 1905, indique en effet des murs constellés de trous. Chaque cambriolage est de la sorte soigneusement préparé à partir des bottins mondains et autres almanachs de Gotha mais également avec l’aide précieuses des annuaires des différentes compagnies françaises de chemins de fer. Etrangères aussi quand il faut aller cambrioler en Belgique notamment. Le voleur agit rarement seul. Les tournées se font par brigade de deux, trois ou quatre Travailleurs. Un éclaireur arrive dans une des localités ciblées pour repérer les demeures intéressantes à visiter. Une première promenade permet la pose de scellés et une seconde de vérifier s’ils ont été enlevés ou non. Dans un deuxième temps, l’éclaireur rédige un télégramme codé pour ses complices. La femme de Léon Ferré les écrit à l’avance pour son illettré de mari.  Si le billet est signé Henry, il ne faut surtout pas se déplacer. Lorsque le prénom Georges, fort probablement emprunté au grand-père paternel de Jacob, apparaît, l’opération devient faisable et les deux ou trois autres voleurs doivent se préparer à venir rejoindre leur éclaireur. Celui-ci les accueille à la gare et, après s’être quelque peu restauré, les deux, trois ou quatre malfaiteurs réalisent le troisième temps de l’opération lors d’une troisième et dernière ballade nocturne. Villas, hôtels particuliers et belles maisons sont visités avec la plus grande discrétion. Le dernier train est celui du retour ou du passage sur une autre ville. Parfois certains objets volés sont laissés en consigne. La carte ci-dessous signale par des points rouges les lieux de passage des Travailleurs de la Nuit. Que nous avons pu repérés grâces aux différents services d’archives. Certaines tournées apparaissent ainsi clairement. les compagnies françaises de chemins de fer en 1900C’est le cas de celle passant par Chartres, Le Mans, Nantes, La Roche sur Yon, La Rochelle, Rochefort. Le retour s’effectue par Niort, Angoulême, Poitiers, Tours et Orléans. Lors de la 5e audience du procès d’Amiens, le 13 mars 1905, le président Wehekind fait remarque au principal accusé la fréquence de ses déplacements en province. La réponse d’Alexandre Jacob fuse aussitôt et déclenche l’hilarité du public assistant aux débat : « C’est de la décentralisation » ! Et pour tenir un rythme élevé de cambriolage, le Travailleur Jacob n’hésite pas pratiquer le dopage. C’est ce qu’il confie à sa dernière compagne en 1953 : « Quand je m’occupais du déplacement de capitaux, j’étais le seul à tenir plus de 72 heures sans sommeil et en dépensant pas mal d’énergie musculaire et nerveuse. Il est vrai que, après 48 heures, je me piquais à la caféine pour mieux résister aux 24 heures suivantes ». Quelques années après « la bande sinistre », d’autres bandits, « tragiques » eux, vont également profiter des progrès remarquables dans le domaine des transports. Mais dans les deux cas, tous se réclament de l’anarchie.

le réseau ferré français en 1890

Sources :

Archives Départementales de France

Archives de la Préfecture de Police de Paris, EA/89, dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits« 

Fonds Jacob, CIRA Marseille

Tags: , , , , , , , , , , ,

1 étoile2 étoiles3 étoiles4 étoiles5 étoiles (2 votes, moyenne: 5,00 sur 5)
Loading...

Imprimer cet article Imprimer cet article

Envoyer par mail Envoyer par mail


Laisser un commentaire

  • Pour rester connecté

    Entrez votre adresse email

  • Étiquettes

  • Archives

  • Menus


  • Alexandre Jacob, l'honnête cambrioleur