Ça cheule à Cholet !


Un cambriolage local, une bande de voleurs anarchistes, des victimes du cru et des coupables innocentés. Le 21 octobre 1903, le juge Hatté, qui instruit l’affaire des bandits d’Abbeville, rend compte au garde des sceaux des conclusions qu’il peut tirer de l’interrogatoire de l’anarchiste Alexandre Jacob, effectué dix-huit jours plus tôt. Les minots Marcel Coutaud et Gustave Picard ne sont ainsi pas les auteurs de l’indélicatesse commise chez le lieutenant Xardel à Cholet. Cent treize ans plus tard, un journaliste du Courrier de l’Ouest rouvre un dossier d’autant plus facile à mettre en valeur qu’aux ingrédients classiques du fait divers vient s’ajouter un extraordinaire parallèle littéraire. Incroyable mais assurément vrai. Jeannot a dû abuser de la trousseminette, du muscadet et du rosé d’Anjou en cet hiver 2016. Normal, il faut bien se réchauffer un peu surtout lorsque l’on s’appuie sur un aussi imbuvable ouvrage à prétention historique pour édifier son lectorat presque vendéen sur une erreur judiciaire passée. La pisse-copie a ingurgité Le forçat intraitable de Jacques Colombat, source lupinienne inépuisable et épuisante. Il a aussi consulté la presse d’époque. Mais ce qui devait arriver arriva. Arsène Lupin a sévi au pays des tire-jus rouges en 1903 et, à sa place, deux gamins ont été condamnés malgré tout par une toute aussi intraitable Dame Thémis.  Ca cheule à Cholet, ça mouche et c’est à pleurer … de rire aussi.

Le Courrier de l’Ouest

6 février 2016

Un Arsène Lupin a sévi en 1903

Alexandre Jacob, le malfaiteur qui a inspiré le personnage d’Arsène Lupin à Maurice Leblanc, a commis un cambriolage à Cholet en 1903. Malgré ses aveux, il n’a jamais été condamné par la justice !

Jean MAILLARD

redac.cholet@courrler-ouest.com

Arsène Lupin. Qui ne connaît le gentleman-cambrioleur ? Pour beaucoup « c’est le plus grand des voleurs… » que le livre, le cinéma et la télévision ont magnifié. Mais le plus souvent, on ignore les * modèles » dont s’est inspiré Maurice Leblanc (1864-1941) en donnant naissance au « bandit honnête homme ». Parmi eux figure Alexandre (Marius) Jacob (1879-1954), « illégaliste », voleur et anarchiste dont le procès très médiatisé se tient en mars 1905 à Amiens (Somme), où II a été arrêté. À lui et à sa bande, les travailleurs de la nuit sont imputés plus de 150 cambriolages dans toute la France. A l’audience, le verbe haut, Jacob dit que « ceux qui produisent tout n’ont rien et ceux qui ne produisent rien ont tout », qu’il préfère « être voleur que volé » en s’attaquant aux « classes fainéantes » mais sans faire couler le sang.

Il s’introduit chez un gradé, rue des Bons-Enfants

Lors de l’instruction, Alexandre Jacob donne les détails d’un vol commis avec deux complices Ferré et Bour le 22 Janvier 1903 à Cholet au 25 de la rue des Bons-Enfants. La presse locale en avait rendu compte : « Ce Jeudi soir, un ou plusieurs malfaiteurs Informés sans doute de l’absence du propriétaire fracturent la serrure de la porte d’entrée. »

Dans la maison loge Paul-Louis Xardel, lieutenant au 77e régiment d’infanterie. S’en prendre à un militaire n’est pas un hasard car les travailleurs de la nuit ne s’attaquent qu’aux professions qu’ils jugent inutiles : curés, Juges, rentiers, militaires… Mais, vers neuf heures du soir, l’ordonnance de cet officier qui venait pour se coucher, trouve la porte crochetée mais pas la moindre trace des voleurs. Ces derniers, dérangés sans doute par le bruit de ses pas ou quelque passant, sont partis sans avoir le temps de rien emporter. » Quelques mois plus tard, Ferré sera arrêté à Angers « nu-pieds, ses chaussettes se trouvaient dans une sacoche contenant des outils de cambriolage. » Les arrestations des autres membres de la bande suivront rapidement.

Mais pour le cambriolage choletais, le tribunal de Cholet avait déjà condamné le 13 mars 1903 Marcel Couteau et Gustave Picard, habitant le quartier Bélébat à Cholet. Âgés de 13 et 15 ans ils avaient été « prévenus du délit de vols et tentatives de vols, commis les 22 Janvier, dans les derniers jours du mois de décembre et en février 1903 ». Le premier sera incarcéré dans une maison de correction jusqu’à sa 20e année, et le second « remis à ses parents ».

Avec la déclaration de Jacob qui les innocente, le juge d’instruction Hatté dit qu’il « y a donc lieu à révision de leur procès ». Lors du procès, Jacob évoque à nouveau ce vol commis à Cholet ; il s’en déclare l’auteur, en ajoutant que, pour ce cambriolage, deux innocents ont été condamnés. Mais les juges font remarquer que ces deux condamnés, prétendus innocents par Jacob, ont fait des aveux à l’audience lorsqu’ils ont été poursuivis. Et qu’ayant commis d’autres vols, il n’y aura pas de changement de peine pour les deux adolescents. Le vol de Cholet ne sera pas repris dans l’acte d’accusation de Jacob. Ainsi va la justice qui ne condamnera pas Jacob et ses complices pour un vol qu’ils ont commis et qui condamnera deux mineurs pour un vol qu’ils n’ont pas commis.

Sources : Journaux et Jacques Coiombat, « Alexandre Marius Jacob. Le forçat intraitable. » Riveneuve Editions, 2012

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