L’Or


L’Or. Poésie révolutionnaire

Auteur anonyme, Paris, Publication du groupe anarchiste

«La Vengeance » du Ve arrondissement, [1886 ?].

in Gaetano Manfredonia, Libres ! Toujours …, Atelier de Création Libertaire, 2011, p.72

Quand dans le monde entier je ne vois que misères,

Qu’hypocrisies, ruses, vices, terribles guerres,

Je m’interroge et dis : Faut-il convenir,

Sommes-nous des parias condamnés à souffrir,

Nous faudra-il sans cesse travailler pour les autres,

Subir tous leurs caprices et taire tous les nôtres.

Que faudrait-il pour éviter un tel sort,

Le pauvre me répond, il nous faudrait de l’or !

De l’or ! ah oui ! de l’or voilà le mot magique,

Qui bouleverse tout et rend l’homme magnifique.

Sans lui on a pas de talent, pas de bonheur,

Et pour en avoir on donne jusqu’à l’honneur.

Vous applaudissez quand autour de vous l’on crie

Que l’or seul suffit pour mener joyeuse vie,

Et pourtant je veux vous dire : vous avez tort.

Amis croyez moi : le seul mal pour tous c’est l’or.

Si vous êtes ouvrier et père de famille,

Que parmi vos enfants vous ayez une fille,

Vous êtes heureux en songeant qu’un beau jour,

D’un honnête homme elle partagera l’amour ;

Mais quand elle grandit, le riche est là qui guette,

Nargue sa misère et rit de sa toilette,

Et presque toujours elle succombe hélas ! sans effort.

Elle vend son amour, son bonheur pour un peu d’or !

Si elle résiste à l’offre du millionnaire,

Elle doit encore dire à son coeur de se taire,

Car des parents insensés ont d’avance fait leur choix,

Il faut bien malgré tout qu’elle écoute leur voix.

Pauvre victime, elle doit sacrifier sa jeunesse,

Adieu, ses beaux rêves d’expansion et d’ivresse

À l’être chéri, à l’être qu’elle adore,

Elle doit préférer un bon parti : de l’or !

Voyez-vous cet homme qui dans l’ombre se cache,

Il guette un passant, puis à ses pas s’attache,

Il le vole, il le tue, peu lui importe à lui,

Ce qu’il veut avant tout c’est de l’or aujourd’hui,

Quelques jours après on l’arrête, on le juge,

Eh bien ! écoutez-le répondre à son juge.

Qui vous a poussé à donner ainsi la mort,

Est-ce la haine ? la vengeance ? Non ! c’est l’or !

De l’or ! pour de l’or ! hélas ! combien de crimes !

Combien de forçats ! combien de victimes !

Combien d’adultères ! que de baisers vendus,

Que de combats ! oh ! que de sang répandu.

Pour de l’or, on fraude tout, même la nourriture,

On vend et son pays et sa progéniture.

Les rois par milliers mènent les hommes à la mort,

Et à ceux qui survivent ils demandent de l’or !

Le salaire : c’est l’insulte, c’est l’outrage,

Du reste on le jette à travers un grillage,

Le salaire c’est l’esclavage ancien,

On supprime le mot, mais conserve le moyen.

Allons travaille, ouvrier, allons, allons, plus vite,

Ton patron te surveille et ton repos l’irrite.

Allons travaille, fais un dernier effort,

À toi l’hôpital, mais à ton maître : l’or !

L’or règne en tyran, nous donne des maîtres,

Fait naître le vol, le meurtre et les traîtres,

L’or insulte tout, le travail, la misère,

Fait naître le chômage, nous amène la guerre,

Nous éloigne enfin de la fraternité,

Et rend stupide le mot : égalité !

Avec lui on peut tout, on recule même la mort.

Amis, vous voyez bien que le mal vient de l’or !

C’est vrai, me direz-vous, mais que faire ?

Nous n’y pouvons rien et n’avons qu’à nous taire.

Vous taire, allons donc ! Relevez haut les yeux ;

Rejetez loin de vous l’arbitraire et l’odieux :

Regardez-vous et dites-vous que les autres

Ont des bras et des jambes tout comme les vôtres,

Que le travail seul peut nous mettre d’accord,

Et que pour cela il nous faut supprimer l’or !

Supprimer l’or ! ah oui ! tout le monde à l’ouvrage,

Le salaire ou l’or c’est toujours l’esclavage,

Plus de privilèges, organisons le travail,

Travail obligatoire, voilà le gouvernail,

Des siècles futurs et du nôtre peut-être.

Plus un seul esclave, pour ce, plus de maîtres.

Le riche y viendra car malgré son cher trésor,

Il crèvera de faim si vous supprimez l’or !

Le bon sens nous guide, la raison nous éclaire.

Nous devons triompher, viens à nous prolétaire.

Étudions, discutons ensemble, et sachons voir

Lequel doit triompher : Anarchie ou Pouvoir.

D’un parti bourgeois, l’un veut le règne inique.

L’autre veut sa mort, à nous d’être énergiques.

Unissons-nous et dans un suprême effort,

Donnons l’assaut, l’assaut au Capital ! À L’OR !

Oh ! alors, plus de meurtres ni de traîtres.

les crimes diminueront au point de disparaître.

Les travailleurs dépourvus d’inquiétude

Ne seront plus nommés LA VILE MULTITUDE.

Forcés de travailler pour subvenir à tout,

Les hommes s’entendront et toujours et partout,

Heureux et contents ils béniront leur sort,

Et se glorifieront d’avoir ! – SUPPRIMÉ L’OR !

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2 commentaires pour “L’Or”

  1. geneghys dit :

    Je la relaierai un de ces jours sur les AZA/NI avec la référence de ce site, of course!

    Mais elle est bien belle et mérite d’être partagée 🙂

    Amicalement
    Gene

  2. JMD dit :

    Relaie, relaie, on en chantera bien quelque chose.
    Et si jamais l’envie te prends de relayer d’autres informations, ce serait bien que ce fût celle-ci :
    http://www.lapigne.org/
    Le bouquin de Maurice Rajsfus est vraiment un … monument et on ne pourra le sortir qu’avec moult souscriptions.

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