Dix huit ans de bagne de nouveau disponible !


1907. L’homme qui a fait feu sur la soldatesque chargeant la foule parisienne du 1er mai, cumule les aprioris d’une époque marquée du sceau de l’insécurité. Il est Juif. Il est Russe. Pire, il est anarchiste et, un peu plus de dix ans auparavant, les bombes de Ravachol, Vaillant, Henry terrorisaient l’hexagone. Il s’appelle Jacob Law. Il est né à Balta, en Bessarabie (aujourd’hui Moldavie) en 1885. C’est un étranger, maitrisant mal la langue de Voltaire et revendiquant hautement son acte de propagande par le fait. La cour d’assises de la Seine le condamne le 9 octobre à quinze ans de travaux forcés. L’espérance de vie du bagnard, à son arrivée en Guyane, ne dépasse guère cinq ans. Pendant dix-huit années Law survit à l’enfer pénitentiaire et colonial. Revenu en France en 1925, il a juste le temps d’écrire ses douloureux souvenirs avant de disparaitre. Il était sous le coup d’un arrêté d’expulsion faisant suite à une interdiction de séjour.

Son livre, sorti aux éditions de L’Insurgé, en 1926, décrit un système éliminatoire. C’est un cri de douleur, de souffrance et de refus des normes. C’est le témoignage fort et prenant sur ce passé que d’aucuns auraient aimé voir positif. Ce sont les lignes d’un écorché vif qui en veut à la terre entière… et même à ses compagnons d’armes et d’idée. Elles résonnent d’une étrange actualité. On meurt toujours dans les prisons de l’hexagone et d’ailleurs.

En 2005, Egrégores rééditait les Dix-huit ans de Bagne de Jacob Law, récit concis, précis, froid d’un « rebelle absolu » pour Libération, d’une « tête brûlée anarchiste-individualiste » pour Noël Godin dans Bakchich, d’un « étrange personnage » pour la revue A Contretemps. C’est peu dire que l’initiative des Editions de La Pigne est plus que la bienvenue. L’ouvrage, était de nouveau introuvable et il fallait se démener sur la toile ou en bibliothèque pour espérer trouver ce témoignage capital de l’enfer guyanais. La presse, en 2005, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner l’importance de ce texte désormais de nouveau disponible huit ans plus tard, préfacé par l’historienne Claire Auzias et accompagné, en postface, d’extraits des souvenirs inédits du Dr Léon Collin qui, de 1906 à 1910, officia sur les navires transportant les vaincus de guerre sociale.

Jacob Law, Dix-Huit ans de Bagne, Editions de La Pigne, 112p, formar 12×20 cm, 9€00 + 2€00 de frais de port

Editions de La Pigne

21 rue Yvan Goll

88100 Saint Dié

www.lapigne.org

Libération

Jacob Law. Dix-huit ans de bagne.

1 septembre 2005

Le 1er mai 1907, l’anarchiste Jacob Law tire sur un officier de la garde républicaine, afin de donner l’exemple à ses «frères ouvriers». Récit sans fioriture d’un rebelle absolu, qui poursuivit à Cayenne sa carrière d’insoumis, refusant le travail et la logique du bagne, et même la compagnie des autres anarchistes.

Jacob Law Dix-huit ans de bagne Egrégores éditions, 112 pp., 11 euros.

Un autre regard sur le polar

http://www.noircommepolar.com/f/theme.php?sous_theme_id=34

Dix-huit ans de bagne
Jacob Law
« Honte ! Honte à la France d’admettre un tel régime. »
Cri de gorge de Jacob Law, figure anarchiste méconnue, condamnée à quinze ans de travaux forcés au bagne de Guyane pour avoir ouvert le feu sur des forces de l’ordre lors du défilé du 1er mai 1907. « Dans un lieu où l’on fait agenouiller l’homme le plus fier, je suis resté dix-huit ans sans que l’administration ne puisse dire : « Nous avons fait plier l’anarchiste Law ». Non ! Bagne maudit, lieu de crime, de honte et de mort, je n’ai jamais plié ! … ». Révolté pour sa cause, l’homme ne veut pas plier, en lutte perpétuelle pour dénoncer et améliorer les conditions inhumaines de vie des détenus, l’insoumission comme seule arme. Law (patronyme prédestiné), dans un style à la fois brut et candide, tente de mettre des mots sur l’indicible, de faire vivre son combat malgré les ruines de sa vie. Un court texte saisissant, témoignage étonnant, loin de toute « mythologie de bagnards ». Un texte oublié et introuvable opportunément réédité par une toute jeune maison d’édition.

L’Humanité

le 21 Juillet 2005

Les illusions perdues

Témoignage. La lutte paie. Mais elle se paye. Une réflexion sur le bagne et l’engagement par Jacob Law, ancien forçat.

Dix-Huit Ans au bagne, de Jacob Law, Égrégores Éditions, 2005, 111 pages, 11 euros. Sauvé de l’oubli par une jeune maison d’édition, Dix-Huit Ans au bagne est plus qu’une histoire, un témoignage. Loin d’être poussiéreux, il a valeur de leçon. Donnée par l’auteur, mais aussi reçue par celui-ci. Avec, en filigrane, cette interrogation : « Est-ce que la lutte paie ? » Oui, mais elle se paye. Jacob Law est juif. Et, depuis l’âge de dix-huit ans, anarchiste. En rupture de ban avec sa famille et la société, pas assez riche pour retourner en Russie, il se paye un revolver : « J’allais donner ma vie, sans hésitation, au peuple qui a besoin d’hommes d’action pour le guider, écrit-il. Si personne ne lui donne l’exemple du sacrifice, le peuple ne se réveillera jamais. » Et il tire sur « celui qui, sans raison, empêche les hommes de se réunir et de combattre pour le droit à la vie et au bien-être ». En l’occurrence un officier de la garde républicaine, place de la République, le 1er mai 1907. Là, on pourrait s’attendre à un « pourquoi j’ai tiré dans le tas », opuscule d’Émile Henry, dont le geste inspira la superbe Java des bons enfants. Non. Échappant de peu à un lynchage en règle, Jacob Law est condamné au bagne en Guyane. Il y passera dix-huit ans. C’est cet univers qu’il nous fait découvrir. Car, selon lui, « pour connaître le bagne, il faut vraiment avoir été forçat, ensuite, il faut être anarchiste ». C’est ce qui aurait pu le perdre. Et pourtant c’est ce qui le sauvera. « Dès que je mis le pied sur cette terre de douleur humaine, je résolus de lutter contre ce monstre qu’on appelle l’administration, annonce-t-il. Quelques jours après, je passais déjà devant la commission disciplinaire pour avoir refusé de me soumettre au travail et avoir incité mes codétenus à ne pas travailler. » Jacob refusera tout : le travail, mais aussi les passe-droits qu’acceptent les autres bagnards. Dix-huit ans durant, Jacob Law fera son chemin de croix. Seul. « J’étais tellement attiré par l’amour de mon semblable que je ne pensais même pas à ma liberté. Il me semblait que, si je quittais le bagne, ce serait un acte de lâcheté de ma part », écrit-il. Pas étonnant que son seul véritable ami durant ces années d’infortune soit un chrétien taciturne, préférant la dureté du travail à celle des hommes. Malgré de superbes envolées contre le bagne et le système qui l’a engendré, Jacob Law en deviendrait presque exaspérant dans ses répétitions, ses jugements. Tant sur lui-même que sur les autres. « Mais c’est proportionnel à ce qu’il a vécu », explique Charlotte Dugrand, une des fondatrices d’Égrégores, jeune maison d’édition associative basée à Marseille, qui a souhaité « faire connaître ce texte introuvable, écrit par un auteur qui n’était pas un écrivain et dont on ne sait rien après que ce livre a été publié ». Un coup d’essai aux allures de coup de maître. Ce document est autant une réflexion sur le bagne que sur l’anarchie et au-delà sur l’engagement. Un ouvrage dont le paradoxe est résumé par le patronyme de son auteur. Law, ça veut dire la « loi », celle dont il est victime. Mais aussi « justice ». Celle qu’il ne cesse de clamer. Mail : egregores.editions@laposte.net. Sébastien Homer

A Contretemps

N°21, octobre 2005

Jacob LAW
Dix-huit ans de bagne
(Marseille, Egrégores Editions, 112 p., 2005).

Premier titre des éditions Egrégores, ces carnets de bagne de Jacob Law ont, indépendamment de leur incontestable valeur de témoignage, l’immense avantage de tirer son auteur du total oubli où il avait sombré.

Inconnu de tous les dictionnaires et éphémérides, Jacob Law (drôle de nom pour un hors-la-loi) purgea dix-huit ans du bagne de la pire espèce pour avoir tiré sur des policiers, place de la République, le 1er mai 1907, année restée célèbre par la vigueur de la répression anti-ouvrière. Ce 1er mai, pourtant, la maréchaussée de « Clemenceau briseur de grèves » visée par l’anarchiste individualiste Law ne déplora aucune victime.

Le voilà donc en Guyane, soudainement plongé dans le pire enfer et bien décidé à ne rien céder à « ce monstre qu’on appelle Administration » et qui s’entend si bien à octroyer « faveurs et places » à qui lui lèche la main et « corvées » à qui s’y refuse. Law est fait de ce bois qui ne plie pas. Le personnage tient de l’énergumène et du stoïque, du révolté définitif et du résistant. Contre les « porte-clefs », les « débrouillards », les « forts-à-bras », la « masse » – ces hommes, écrit-il, dont « le total égale un zéro » -, il oppose sa seule logique faite de refus multiples et d’insoumission revendiquée.

Etrange personnage, vraiment, que ce Law. Son témoignage ne s’encombre pas de sentiments. C’est une arme. Il fut publié, en 1926, aux éditions libertaires de l’Insurgé. Peu après, il sera expulsé du territoire français. Puis rien. Les seuls éléments qu’on ait donc sur sa biographie s’arrêtent là, à ceux qu’ils nous donnent dans ces Dix-huit ans de bagne. Juif, il naquit à Balta, en Transnistrie, fuit les pogroms lorsqu’il était enfant, vécut à Odessa, émigra à New York, Liverpool et Paris. Jeune, il lut le poète anarchiste yiddishophone David Edelstat – « celui qui m’a mis dans le droit chemin », écrit-il – et en retint une leçon de vie : s’opposer à l’oppression, d’où qu’elle vînt. C’est tout ce qu’on sait sur ce Jacob Law (plus probablement Léon, Lev, Liev, Lew ou Lévi, selon les transcriptions). C’est tout et c’est bien assez pour le lire.- Monica Gruszka

Bakchich

23 décembre 2007

Noël Godin

Rayon histoire de la répression vache

Dix-huit ans de bagne de Jacob Law (Egrégores éditions, 7 bd de la liberté, 13001 Marseille) : Introuvables depuis longtemps, les palpitants souvenirs de bagne en Guyane, au début du XXe siècle, d’une tête brûlée anarchiste-individualiste ayant fait feu sur un officier de la garde républicaine qui avait commandé à ses cavaliers de charger les manifestants ouvriers du 1er mai.

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