La mort volontaire de Marius 1


Nous terminons la diffusion des cd accompagnant les Écrits d’Alexandre Jacob. Dans le troisième, issu de la réédition de 2004, L’Insomniaque a caché deux morceaux, chacun de deux donne la parole à un ami de l’honnête cambrioleur lisant des extraits du texte qu’il a pu écrire dans Défense de l’Homme au mois de septembre 1954, soit quelques jours après le suicide l’homme aimé. Ces deux morceaux apparaissaient déjà en 1995. Ils étaient réunis dans le titre Le Marché, saynète de 12 mn environ, narrant entre autre la rencontre entre Robert Passas et le vieux Marius sur un des marchés du Berry. Ici, Pierre Valentin Berthier dit implicitement son admiration pour le justicier et prodigieux Jacob et donne son point de vue sur la reprise individuelle. Jacob devient de la sorte un docteur Schweitzer de l’anarchie dont l’œuvre a valeur de morale de la révolte. Se révolter plutôt que s’indigner et avoir honte d’avoir honte.

La mort volontaire de Marius

Défense de l’Homme

n°71, septembre 1954

Pierre Valentin Berthier

Celle du justicier et prodigieux Jacob

DANS sa maisonnette de Bois­ Saint – Denis (…) notre cama­rade Alexandre Jacob ­- Marius pour ses intimes – s’est donné la mort, le soir du 28 août 1954, en s’injectant par piqûre un produit de base de morphine, Il avait par surcroît allumé deux réchauds de charbon de bois dans sa chambre et pris soin de placer à cote de lui son vieux compagnon Négro, un chien cocker devenu aveugle et sourd et âgé de dix-neuf ans. Le chien, d’ailleurs, a été trouvé vivant. Mais Jacob, lui, ne s’était pas manqué.

Cette fin était prévue de tous ceux qui étaient en relations avec Jacob. Depuis l’hiver dernier, il leur confiait sa résolution. Beaucoup n ‘y croyaient pas, pensant que c’était hâblerie et fanfaronnade de. Marseillais. Tous, nous l’avons combattue. (…)

Sa décision était prise ; et pourtant, il restait, à soixante-quinze ans, en excel­lente condition physique, doué d’une force encore alerte et d’une parfaite lucidité. Son caractère, qui avait toujours été un peu difficile, l’était demeuré, et son coeur, prodigue d’affection envers les quelques amis qu’il s’était choisis, le devenait plus encore à mesure que les ans passaient. (…)

Dans le cimetière de Reuilly, près de la tombe d’un autre de nos camarades, Émile Martin, mort volontairement lui aussi, nous avons laissé pour toujours le dernier survivant d’une iliade : celle de la reprise individuelle et de la propa­gande par le fait ; combat dont les moyens, certes, ne sont pas ceux que nous préconisons, mais dont les princi­pes fondamentaux ont gardé leur valeur. (…)

Dans une autre société, Jacob aurait eu une autre vie, mais n’aurait pu qu’être plus complètement et plus ardem­ment encore le même nomme. Les individus de cette trempe ne pullulent pas sur la planète. Qu’ils deviennent des forçats ne plaide pas contre eux. Car si la société les condamne, c’est qu’ils ont d’abord condamné la société, qui a cru voir en eux ses tares à elle. Les Alexandre Jacob sont nos Docteurs Schweitzer à nous. Missionnaires de la révolte et de la justice.

Jacob n’a jamais obéi à personne. Il n’a obéi qu’à sa conscience. Il n’a pas même consenti à obéir à la mort : il a voulu au contraire lui commander.

Condamné jadis par les tribunaux, il avait accepté la grâce après plus d’un quart de siècle d’expiation ; mais il a refusé de laisser au destin le choix de sa dernière heure et, sa décision prise, elle était sans appel.

Telle fut cette personnalité unique. Tel fut cet homme formidable.

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