Jacob in The dico


Voilà un livre dont on pourra, sous le sapin, se passer aisément. On a vu, on a lu … on n’a rien retenu et Tomalu nous l’avait bien dit.  Que ne l’avons-nous point suivi dans la voie de la sagesse et du bon goût ? Que n’avons-nous pas entendu le propos même de l’éditeur qui, dans les colonnes du Monde Libertaire, en date du 02 au 08 juin 2011, déclare vomir « ce livre qui est une ode au JE, un mépris du NOUS, et surtout une bible de l’innéité pour ce qui concerne la liberté et l’égalité chez les humains » ? L’idée d’un dictionnaire de l’individualisme libertaire, à la première de couverture effectivement plaisante et attractive, était pourtant plus que séduisante.

Universitaire et essayiste, Michel Perraudeau a essayé de dresser l’éventail, large, très large, d’un mouvement dans le mouvement. Il a essayé et c’est là que le bât blesse. Ne retenons que l’illégalisme et le cas Jacob, que d’autre – marxiste – il y a fort longtemps, a pu qualifier de  témoin. Approximation, erreur de date, propos apocryphe … et même soupçon de lupinose lorsque le dit cas témoin de l’illégalisme est affublé des habits forcément réducteurs du « gentleman cambrioleur » ou encore lorsqu’il descendrait en droite et anachronique ligne du Mandrin du début du XVIIIe siècle.

La description rapide – mais il ne peut effectivement en être autrement dans le cadre d’un dico – aboutit au final à l’édification de toute une imagerie d’Epinal, soit autant de stéréotypes qui déforment  largement la complexe réalité de cette pratique politique du vol. Michel Perraudeau a néanmoins ouvert une voie. Espérons que ce ne soit pas celle de l’impasse reuilloise portant le nom de l’honnête cambrioleur. Articles choisis.

Dictionnaire de l’individualisme libertaire

Michel Perraudeau

Editions Libertaires

Mai 2011

Duval C.

Le Sarthois Clément Duval (1850-1935), appartenant au groupe libertaire La Panthère des Batignolles, créé en 1882, est l’un des premiers anarchistes illégalistes. Il a profonde haine du système tout entier, « cette société égoïste, marâtre, corrompue, où l’on voit d’un côté l’orgie, de l’autre la misère ! ». La reprise individuelle, qui consiste à prendre à ceux qui ont beaucoup pour donner à ceux qui manquent, devient son mode d’action, comme cela le sera, plus tard, pour Marius Jacob.

Duval est cependant arrêté chez un receleur, en 1886, et lors de l’interpellation, il blesse un gendarme. Condamné à mort puis gracié, sa peine est commuée en perpétuité au bagne de Guyane, à partir de 1887. Il s’échappe de Saint Laurent du Maroni, en 1901, et parvient à gagner New York, où il vivra le reste de sa vie, hébergé une période chez Max Sartin (1894-1987).

Plus anarchiste qu’individualiste, Duval est plus politique que d’autres individualistes. Il se fera, progressivement, ardent défenseur d’un bouleversement complet pour mener au communisme libertaire : « Il est temps que cette machination diabolique du vieux monde disparaisse, pour faire place à des institutions où nous trouverons un sort plus équitable, qui n’existe que dans le communisme anarchiste. » (extrait de sa biographie, que Marianne Enckell a réunie et rééditée)

Illégalisme

La reprise individuelle ou illégalisme fut pratique revendiquée de lutte individuelle contre les possédants, pour redistribuer aux plus nécessiteux, à la charnière des XIXe et XXe siècles. Clément Duval et Marius Jacob représentent ce courant.

Existe une autre tendance, la propagande par le fait ou insurrectionnalisme, qui a versé dans une lutte définitivement radicale en décidant de marquer les esprits par des actions de type insurrectionnel : explosions, revolvérisations.

Jacob A. M.

Alexandre Marius Jacob est né en 1879, à Marseille, et mort en 1954, à Reuilly.

Très jeune, l’injustice lui est révoltante. Il la combat, à sa façon, en pratiquant la reprise individuelle, autrement dit en volant les riches pour redonner, en partie, aux nécessiteux. Il tient, pendant quatre ans, les polices de la France entière en échec. Marius Jacob et sa bandes des « Travailleurs de la Nuit » dévalisent des centaines de demeures, celles de nobles, de militaires, de magistrats, de marchands, d’ecclésiastiques. Un jour, s’apercevant qu’il s’est introduit chez l’écrivain Pierre Loti (1850-1923), il laisse un carton : « Ayant pénétré chez vous par erreur, je ne saurais rien prendre à qui vit de sa plume ».

Un cambriolage à Abbeville tournant mal, Jacob est condamné au bagne et envoyé en Guyane. Un quart de siècle après, peine purgée et revenu en métropole, il s’installe comme marchand ambulant, parcourant les marchés du Centre de la France. En 1954, il décide de quitter la vie, laissant quelques mots : « Linge lessivé, rincé, séché, mais pas repassé. J’ai la cosse. Excusez. »

Jacob est – avec son prédécesseur Clément Duval – le représentant d’un courant anarchiste individualiste, dans un esprit rappelant celui de Louis Mandrin (1725-1755), consistant à prélever des biens appartenant aux puissants pour en faire profiter les pauvres car, disait-il : « tout homme a droit au banquet de la vie ».

Propagande par le fait

Courant de l’illégalisme qui a versé dans une lutte exclusivement radicale, exprimée par des actions armées, menées le plus souvent, individuellement. François Claudius Koënigstein (1859-1892), dit Ravachol, et Auguste Vaillant (1861-1894) illustrent ce courant du XIXe siècle moribond.

Terreur

La grande période de la reprise individuelle et des explosions anarchistes eut lieu entre 1886 et 1912. Début 1892, une bombe explose chez le substitut du procureur qui avait requis la mort contre trois anarchistes. Peu avant, un attentat identique visait le juge responsable du même jugement ; Koënigstein dit Ravachol (1859-1892) fut rapidement arrêté et guillotiné en juillet 1892. En avril 1894, explosion du restaurant Foyot, en face du Sénat. L’explosion toucha Laurent Tailhade, sympathisant anarchiste et qui le resta, bien qu’il perdît un œil. Puis vint Marius Jacob, gentleman cambrioleur. Arrêté en 1904, il est condamné à perpétuité et libéré en 1929. Jules Bonnot, à la tête d’un groupe inspiré d’idées égalitaires, commet une série de braquages et de meurtres. Mort en 1912, avec lui disparait une époque marquée de violences inutiles faisant le lit de la répression.

Le quart de siècle d’illégalisme anarchiste – encore et toujours brandi comme épouvantail sanglant, au XXIe siècle – a fait des millions de fois moins de morts que le terrorisme des états, des armées ou des religions. Comment faut-il le dire ? Combien de fois faudra-t-il le répéter ?

Au XXIe siècle, il convient de savoir qui a peur et qui terrorise l’autre. Un groupe de militants habitant un paisible village corrézien ou l’Etat français ? L’Etat et ses gardes à vue, nombreuses et humiliantes, condamnées par toutes les instances européennes. L’Etat et ses prisons tiersmondisées, insultes à la dignité humaine. L’Etat qui retient incarcérés, sans jugement, des dizaines de Basques. L’Etat et son incapacité à endiguer la vague économique qui mène les travailleurs vers la précarisation, le chômage, la rue. L’Etat, bouffi par sa cortisone sécuritaire, qui reflue annuellement vers leur pays d’origine, des dizaines de milliers de migrants. Où se niche la violence ? Qui crée l’effroi ?

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