JUGES (Encyclopédie Anarchiste, Paul Morel)


Les juges composant le Tribunal de Commerce sont les derniers magistrats élus.

Dans les villes où il n’existe pas un tribunal de commerce, le tribunal civil juge commercialement, c’est-à-dire applique au litige commercial les dispositions du code de commerce, et la justice n’en est pas moins rendue au justiciable, qu’il soit ou non commerçant. Sur appel, les jugements du tribunal de commerce sont déférés à la Cour d’appel, dont la compétence est générale et sans distinction. On peut trouver au premier degré de juridiction comme au second la même aptitude du juge pour le litige et la même adaptation du litige au juge.

Les juges du tribunal de commerce sont élus par tous les commerçants patentés ou associés en nom collectif, domiciliés depuis cinq ans dans le ressort du tribunal ; la loi ajoute à ces commerçants et associés, les directeurs de compagnies françaises, les agents de change, etc., etc. Nous ne saurions entrer dans la minutie de ces détails. La liste électorale est dressée pour chaque commune par le maire assisté de deux conseillers municipaux. Ne peuvent être électeurs les condamnés privés de leurs droits civils et civiques, les faillis non réhabilités.

Le tribunal, dont le sectionnement vient d’être remanié, se compose de juges élus pour deux ans et de juges élus pour un an. Tout électeur inscrit peut être élu juge s’il est âgé de 30 ans, et tout ancien juge pourra être nommé président s’il est âgé de 40 ans. Tout juge sortant est rééligible, mais ne peut être réélu deux fois qu’après un intervalle d’un an entre ces deux réélections.

Venons aux juges qui composent le tribunal de première instance. Les magistrats appelés à composer le tribunal sont des juges, les magistrats appelés à composer la cour d’appel ou la cour de cassation ont le titre de conseillers

Peut être nommé juge tout citoyen français jouissant de ses droits civils et politiques, s’il est âgé de 25 ans et s’il satisfait aux conditions suivantes : être licencié en droit, justifier d’un stage de deux ans au barreau d’un tribunal. A ces exigences a été ajoutée la garantie d’un examen réglementé par la Chancellerie.

Le président du tribunal et les vice-présidents sont nommés par décret du président de la République comme les juges.

Le nombre des juges que compte un tribunal est fixé par les pouvoirs publics. Le tribunal, si son importance le comporte, est divisé en chambres. Le président est de droit président de chaque chambre ; la chambre qu’il ne préside pas effectivement est présidée par un vice­ président. La nécessité s’étant fait sentir à Paris de diviser les chambres en sections, chaque section est pré­sidée par un président de section. On appelle juge doyen dans chaque section le juge le plus ancien, si l’on se réfère à la date de sa nomination.

Le président du tribunal doit être âgé de 27 ans au moins.

Le tribunal doit être composé de trois juges au minimum. C’est une grave question, très vivement agitée, que de savoir si, pour la plus prompte expédition des affaires et l’évacuation d’un rôle encombré, il ne serait pas utile et opportun de créer le juge unique, composant à lui seul une juridiction du premier degré. Cette suggestion s’est heurtée à une opposition très vive et qui nous semble injustifiée. On semble craindre chez le juge unique sinon la partialité sans contrepartie, du moins l’entraînement sans contrepoids. La pratique démontre que, dans les tribunaux composés de trois juges, l’autorité du président absorbe souvent la personnalité de ses assesseurs, à moins qu’ils ne se coalisent, cas plus rares, paradoxe hiérarchique, contre cette autorité majeure .

On pourrait concevoir la création d’un rapporteur qui, placé auprès du juge, recevrait, en temps utile, avant les débats, les explications des parties et leurs pièces, examinerait l’affaire et, sans conclure, l’exposerait dans un rapport. Nulle pièce ne pourrait être introduite au débat que communiquée au rapporteur avant le rapport et par les soins du rapporteur, sous sa surveillance, à la partie adverse. Ce procédé ou cette procédure se rapprocheraient du système suisse qui, à cet égard, est excellent.

Les tribunaux de première instance comptent parmi leurs membres des juges suppléants. Les juges suppléants peuvent siéger, mais ne prennent part aux délibérations que s’ils sont appelés régulièrement à compléter le tribunal. Quand, par l’empêchement d’un juge appelé à siéger, le tribunal n’est pas complet au nombre de trois juges, il peut se compléter soit en faisant appel à un juge d’une autre chambre ou à un juge suppléant devenu nécessaire, soit en faisant monter au siège vacant l’avocat ou l’avoué, le plus ancien d’entre ceux qui sont présents à l’audience.

Il n’y a pas des juges uniquement civils et des juges uniquement correctionnels. Cette division des juges en deux espèces différentes serait cependant logique.

Mais les deux compartiments ne sont séparés par aucune cloison, les juges sont interchangeables et soumis au roulement.

Les fonctions de juge sont incompatibles avec les fonctions ecclésiastiques, avec le négoce. La parenté jusqu’au degré d’oncle et de neveu constitue un autre genre d’incompatibilité pour l’admission de deux juges dans le même tribunal. Ils ne peuvent se charger de la défense des parties ; il leur est défendu de « devenir cessionnaires de procès ou de droits litigieux et de se rendre adjudicataires des biens dont la vente se poursuit devant leur tribunal »… Parmi les prérogatives des juges, citons : « l’inviolabilité dans l’exercice de leurs fonctions ; le droit de commander, au nom de la loi, à tous les citoyens ; la préséance sur les justiciables dans les actes et cérémonies publiques ; enfin le droit d’imprimer l’authenticité aux actes émanant d’eux ». Les juges sont inamovibles. Ce principe a été posé par la Charte de 1814. L’inamovibilité est une garantie qui a pour but de préserver ou protéger l’indépendance du juge. L’inamovibilité du juge peut être suspendue par une loi et l’histoire nous enseigne que, dans les heures de crise, la politique a incliné le pouvoir central vers ce triste expédient; mais ces coups d’éclat sont des moitiés de coups d’Etat.

[Une récente mesure a supprimé dans maints arrondissements un tribunal qui ressemblait trop à un avocat sans causes ; les juges de ce tribunal ont été transférés au tribunal départemental où, en attendant que la réforme s’égalise et se généralise avec le temps, ils tiennent chaque semaine une audience pour juger les affaires provenant de leur ancienne circonscription judiciaire].

Pour les attributions et les actes des juges, voir aussi : jugements, juridiction, jurisprudence, etc.

Si exceptionnel soit le juge, si vaste soit sa compétence et si ferme sa droiture, et quelque conscience et quelque haute conception qu’il ait de son rôle, et portât-il sa fonction au niveau d’une mission, son œuvre n’en sera pas moins relative, contingente et hasardeuse et entachée d’injustice. Le microscope ne permet pas d’apercevoir ce qu’on appelle l’âme des choses, cet équilibre mystérieux de molécules qui obéissent à des lois de gravitation encore inconnues de nous. Le juge, quand il décide, n’a jamais rassemblé toutes les raisons de décider. Quand il condamne il n’a jamais pénétré dans les arcanes de cette tête sur laquelle la condamnation va tomber. Il ignore, il ne peut savoir quelles lois psychiques, quelles influences ataviques ont mû les rouages de cet automate inconscient, de cet être suborné par la nature ou déformé par l’éducation.

La justice et le droit cherchent à s’unir. L’un et l’autre sont des compromis entre la violence et la récrimination avide elle aussi, aveugle parfois, égoïste presque toujours, qu’ils apaisent et, si sa soif mérite satisfaction, qu’ils abreuvent.

La force prime toujours le droit, mais le droit doit briser la force. « Un arrêt même médiocre est excellent », disait un conseiller sceptique, car il termine un procès. Puissent-ils, autant qu’ils existent, finir bien. Peut-être – si l’on peut dire – est-il heureux pour lui que l’accoutumance aplanisse chez le juge la terreur de se tromper. Quelle redoutable mission que celle de juger ! Pour un juge sincère et demeuré sensible, ou seulement conscient de ses redoutables interventions, quel tourment angoissant que d’oser juger !

Paul MOREL.

Sous l’ancien régime, on appelait juges royaux, par opposition aux juges des seigneurs, ceux qui rendaient la justice au nom du monarque. Dans quelques provinces méridionales, on appelait juge-mage – ou mage – et, dans certaines localités, grand-juge, le premier juge du tribunal. En Languedoc, juge-mage était le titre du lieutenant du sénéchal. Le juge d’armes était un officier royal connaissant des différends relatifs au blason et tenant registre des personnes ayant droit aux armoiries… Juge était aussi le titre des magistrats suprêmes qui, de Josué à Samuel, gouvernèrent le peuple juif. Le livre des Juges (ou les Juges) est le septième livre de l’Ancien Testament relatif à cette période… En mythologie, devant les Juges des Enfers – Minos, Eaque et Rhadamanthe – comparaissaient les hommes en quittant la vie…

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