Vol à Sète


L’examen du vol Torquebiau lors du procès d’Amiens, le 9 mars 1905, permet à Alexandre Jacob de provoquer une « hilarité prolongée » dans la salle d’audience du tribunal.

Mais ce cambriolage, commis deux ans plus tôt à Cette, révèle d’abord une opération fructueuse, minutieusement préparée.  Les voleurs ne se sont pas en effet contentés de dérober le diplôme de licencié en droit de l’homme de loi montpelliérain pour préparer leur défense en cas d’arrestation et de jugement. Ils repartent avec un butin évalué à 40000 francs.

Les sources d’archivent manquent sur cette affaire. Nous ne savons pas de fait qui fait partie du groupe formé dans cette même ville de Sète, chez Ernest Saurel. Deux rapports de police, en date du 21 août 1898 et du 15 décembre 1899, signalent à ce propos un anarchiste « des plus militant » et surtout « un individu des plus dangereux ».

Cet ami de Caserio accueille au mois d’avril 1900 un certain Jean Concorde. Alexandre Jacob, qui se cache sous cette fausse identité, s’est évadé de l’asile Montperrin d’Aix en Provence le 18 de ce mois. La Sûreté Générale croit en Amérique le voleur inscrit sur la liste des anarchistes portés disparus. Mais Jacob ne se dissimule pas à Sète par hasard. La ville bénéficie d’une solide tradition d’activisme militant. C’est là, nous dit Alain Sergent, que la première brigade des Travailleurs de la Nuit est imaginée par l’honnête cambrioleur.

L’article qui suit semble indiquer que les voleurs sont venus de Marseille Tout au plus pouvons-nous avancer quelques noms possibles, des noms que Jacob, lors de son procès se refuse bien évidemment à donner : Joseph Ferrand, Honoré Bonnefoy, Jules Clarenson, Emile Babault, Marius Royères, etc. Marius Baudy est en prison à cette époque avant de rejoindre la bande après que celle-ci se soit déplacée sur Paris. Arthur Roques, dont la femme est pourtant originaire de Sète, se trouve à Vichy puis réside dans la région bordelaise.

l\'oeil de la policeIl parait également douteux qu’Ernest Saurel se soit contenté d’un hébergement et d’un simple appui logistique. Il n’est pourtant jamais inquiété dans l’instruction en vue du procès des Travailleurs de la Nuit en 1905. La police ne fait pas alors le rapprochement avec les cambrioleurs anarchistes alors qu’elle est visiblement au courant de la visite que lui a faite les 25 et 26 février 1902 un certain Jacques Sautarel, bijoutier de son état et muni à l’occasion d’une sacoche bien remplie. Tout semble donc indiquer la résidence de Saurel comme l’épicentre des vols perpétrés par Jacob et consort.

Mais nous ne connaissons pas le nombre des rapines commises. Pendant huit mois environ, ce groupe, cette brigade, va œuvrer, ou plutôt travailler, dans tout le Midi de la France et très certainement au-delà. En retenant la moyenne minimale d’un vol par semaine, moyenne établie par le président Wehekind du tribunal d’Amiens en 1905, une trentaine de délictueuses visites peuvent ainsi être établies.

Quoi qu’il en soit, le vol de la résidence sétoise de l’avocat Emile Torquebiau révèle avant tout l’existence de réseaux et le développement d’une bande efficace d’illégalistes. Au début de l’année 1901, Alexandre Jacob et ses compagnons de la pince monseigneur montent à Paris et c’est à partir de la capitale que se pratiquent désormais les opérations de démolition. Ce que Jacob appelle à Amiens de la décentralisation !

 

palais de justice d\'AmiensDossier de presse La bande sinistre et ses exploits

Procès d’Amiens

2e audience

9 mars 1905

Vol à Cette

Voici une des opérations fructueuses de la bande. Jacob l’aurait menée à bien après son évasion de l’asile d’aliénés d’Aix. Elle fut découverte dans les circonstances suivantes.

Le 23 juillet 1900, vers 2h1/2 de l’après-midi, M. Torquebiau, avocat à Montpellier, en arrivant à la maison qu’il possède à Cette, quai de Bône 27, s’aperçut qu’un carreau avait été cassé à une porte vitrée. Avec l’aide de la police, il constata que des malfaiteurs s’étaient introduits chez lui par une lucarne d’une maison voisine, en passant par le toit.

Toutes les chambres de la maison avaient été fouillées ; un coffre – fort placé contre un mur avait été couché sur un matelas et éventré. De nombreux bijoux avaient été enlevés ainsi que 5 obligations Ville de Paris, 3 obligations Crédit Foncier, 5 bons Exposition 1900, 2 bons Panama, etc. Le total du vol s’élevait à 40000 francs.

Parmi les papiers dérobés à l’avocat se trouvait un diplôme de licencié en droit. « Qu’en avez-vous fait ? lui demande le président », et Jacob de répondre en souriant : « Quand je préparais ma défense, j’avais besoin d’un diplôme d’avocat » (hilarité prolongée).

Personne n’était venu dans la maison depuis 15 jours. Des journaux marseillais, abandonnés par les voleurs et portant la date des 16 et 17 juillet, permettent d’établir que le vol a été commis entre le 17 et le 23 juillet. Jacob a avoué en être un des auteurs.

Les titres dérobés ont été négociés chez M. Lestibondois, agent de change à Paris.

M. Torquebiau Emile raconte le vol dont il a été la victime. Il estime que les bijoux qui lui ont été pris valaient 40000 fr. et qu’il y avait 8 à 10000 fr. de valeurs.

Jacob conteste le préjudice causé à la victime.

– Vous n’étiez pas seul, demande le Président ?

– Oui, oui, en nombre suffisant ; nous étions en nombre suffisant ».

 

Sources :

  • – Archives de la Préfecture de Police de Paris, EA/89, dossier de presse La bande sinistre et ses exploits.
  • – Alain Sergent, Un anarchiste de la Belle Epoque.
  • – Archives départementales de l’Hérault, 4M1102, 4MP1331,
  • – Archives Contemporaines de Fontainebleau, 19940474/article 97/dossier 9401 : Jacques Sautarel 1893-1929.
  • –  Sagnes jean, Complot contre Sadi Carnot, dans L’Histoire, n°177, mai 1994, p.76-78.

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