L’Agitateur antiraciste


manchette de l\'AgitateurTous les articles de la troisième série de l’Agitateur, du 4 février au 2 mars 1897, sont écrits en français. Cela ne prouve en rien une hypothétique xénophobie. C’est ce qu’affirme pourtant Régine Goutalier dans son étude sur cette feuille libertaire marseillaise (CIRA Marseille, 1971). Certes la première série (du 1er mars au 15 mai 1892) contenait quelques papiers en italien. Mais il convient de noter que la répression lancée dans les années 1892 – 1894 a fortement mis à mal l’activisme des compagnons transalpins.  Le sentiment anti-italien existe en outre dans le Midi à l’image du racisme anti-belge ou anti-polonais dans le Nord. La main d’œuvre italienne sous payée occupe des emplois pénibles et jouit d’une image fortement négative du fait d’une baisse générale des salaires. La presse ne manque pas d’alimenter cette haine sur fond de rivalité économique et d’insécurité. Ainsi peut-on lire dans le Mémorial d’Aix en décembre 1893 : « Les Italiens commencent à pousser trop loin leurs prétentions. Ils nous traiteront bientôt en pays conquis (…). Ils font une concurrence à la main-d’oeuvre française et drainent notre argent au profit de leur pays  ». Pour un peu, on pourrait se croire à un meeting du Front Nazional. En 1881 les vêpres marseillaises provoquent la mort de trois babis (« crapaud » en provençal et… en langue piémontaise). Les émeutes d’Aigues Mortes du 17 août 1893  tuent neuf ouvriers italiens et en blesse une centaine. Pour mettre fin aux troubles, le préfet du Gard ne trouve rien de mieux que d’ordonner le renvoi de la ville des ressortissants de ce pays. Le racisme culmine avec l’assassinat du président Carnot par Santo Geronimo Caserio le 24 juin 1894. Les lois scélérates alourdissent encore plus le climat répressif mais un regain de dynamisme, après 1898, se produit toutefois dans la métropole des Bouches du Rhône. Un groupe italien se crée même en 1900. Il nous apparaît paradoxal d’envisager l’hypothèse raciste pour un mouvement, l’anarchie, ne reconnaissant pas le principe estimé destructeur de liberté qu’est la patrie, et ce dans une ville fortement marqué par le cosmopolitisme. Le groupe de la Jeunesse Internationale, auquel appartient Alexandre Jacob, participe à cette fraternisation entre prolétaires des deux pays. L’article « Sans travail » dans le n°2 de l’Agitateur finit de contredire l’idée d’une feuille libertaire et raciste.

 

 

Affiche Scalp No PasaranL’Agitateur

N°2, du 18 février au 2 mars 1897

Sans travail

Depuis quelques semaines se produit un mouvement parmi les Sans Travail. Quelles sont leurs revendications ? Ils demandent tout bonnement le renvoi des ouvriers étrangers employés dans les usines ou chantiers et leur remplacement par eux. Eux sont dans le moment actuel les affamés pacifiques et les ouvriers étrangers, lorsqu’ils ont commencé à travailler, étaient tout simplement des affamés ; ce n’est par conséquent pas eux qu’il faut rendre responsable de ce chômage mais bien les capitalistes qui, trouvant à sa portée des affamés (par conséquent être exploitables par excellence), en ont profité et continueront à en profiter malgré le remplacement (au cas où il arrive) par des ouvriers français. Les sans travail ne doivent pas perdre de vue leur but, qui est l’exploitation faite sur eux par les capitalistes et qu’ils ont à combattre, et non à s’attaquer aux ouvriers étrangers qui ne sont pas responsables, vu que c’est la faim qui les pousse. Ils devraient tout au contraire faire union avec ces ouvriers et créer un mouvement non nationaliste mais réellement internationaliste pour faire succomber le capitalisme qui nous oppresse tous.

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