PRISON (Encyclopédie anarchiste)


logo livre anarchiste n. f. Vient du bas latin prensio, de prehensio : saisir, prise. Lieu où l’on enferme les accusés et les condamnés. On dit aussi : maison d’arrêt et de correc­tion. Fig. : Demeure sombre et triste. Ce qui enveloppe fortement : la gangue est la prison du diamant. Loc. : Triste comme la porte d’une prison.

Dans le système pénitentiaire français, les prisons Sont divisées en deux grandes classes : les prisons civi­les et les prisons militaires. Les prisons civiles .sont, à leur tour, divisées en deux catégories : les prisons d’hommes et les prisons de femmes. Les prisons mili­taires sont aussi divisées en deux catégories, la pre­mière ne comprenant que les condamnés pour des délits strictement militaires ; la deuxième étant spécialement affectée aux condamnés de droit commun ou ayant été condamnés antérieurement pour un délit de droit commun.

Les prisons civiles sont classées en six catégories principales : 1° Maison de police ou Chambre municipale ; dans chaque canton, reçoit les individus condamnés par les tribunaux de simple police à quelques jours d’emprisonnement ; 2° Maison d’arrêt ; dans chaque chef-lieu d’arrondissement, reçoit les condamnés à moins d’un an et un jour d’emprisonnement ; 3° Mai­son de justice ; établie au chef-lieu judiciaire de chaque département. On y enferme les accusés, les jeunes détenus, les condamnés qui se pourvoient par appel devant les tribunaux du chef-Lieu ou devant les cours d’appel, ainsi que les condamnés jugés par la cour d’assises en attendant leur transfèrement ; 4° Maison de correction ou Prison départementale, reçoit les enfants détenus en vertu de l’a puissance paternelle et les enfants mi­neurs condamnés ; 5° Maison de détention ou de force, appelée communément Maison centrale, où sont enfer­més les condamnés à plus d’un an et un jour, lés con­damnés aux travaux forcés, mais ayant passé 60 ans. Les femmes, ne subissant pas la transportation, y sont, retenues à tout âge ; 6° Pénitencier agricole, sorte de maison centrale dont les détenus sont occupés à des travaux de plein air.

La peine des travaux forcés est subie par les hommes dans les colonies pénales. La peine spéciale de la déten­tion prévue dans le cas de crime intéressant la sûreté extérieure de l’Etat est subie dans un quartier distinct de la Maison centrale de Clairvaux (Aube).

Avant la Révolution de 1789, il y avait des prisons d’Etat où l’on enfermait les coupables de délits ou de crimes politiques et ceux qui déplaisaient aux tenants du pouvoir. Ces prisons ont été supprimées par la Révo­lution. A présent, toutes les prisons sont des Prisons d’Etat.

La justice militaire possède, en plus de ses prisons ordinaires, pour l’exercice de sa répression, les Péni­tenciers militaires et les Travaux publics. Des campa­gnes ardentes et répétées, notamment lors de la célèbre Affaire Dreyfus, ont été menées pour obtenir la suppres­sion de ces « Biribis » et pour l’abolition des tortures qui étaient infligées par les chaouchs aux malheureux soldats emprisonnés : poteau, fers, poucettes, crapaudine, etc… Mais il semble bien que le résultat atteint ne soit guère en rapport avec les efforts fournis.

Avant la guerre de 1914-1918, l’administration des pri­sons civiles relevait du Ministère de l’Intérieur ; on l’a, de nos jours, rattachée au Ministère de la Justice.

Le travail est obligatoire dans toutes les prisons fran­çaises, sauf pour les prévenus, les condamnés en appel ou en pourvoi de cassation. Le travail est rémunéré, mais le condamné ne touche qu’une faible partie de son maigre salaire, la plus grosse part allant à l’adminis­tration pénitentiaire. De la somme qui revient au con­damné, de 3 à 5 dixièmes, selon qu’il est primaire ou récidiviste, une partie est réservée au pécule qu’il tou­chera à sa sortie, une autre partie pouvant être affectée à l’achat d’aliments ou d’objets utiles et permis, à la cantine de la maison.

Le régime politique autorise le condamné à faire venir sa nourriture du dehors ; lui permet les visités d’amis qu’il voit librement et non à travers les grilles du parloir ordinaire des condamnés de droit com­mun ; lui laisse la faculté de correspondre chaque jour, de recevoir et de lire les journaux et ne le contraint ni au travail, ni au silence, ni au port du costume péni­tentiaire. Le régime politique n’est pas un droit, mais une tolérance, une faveur soumise aux caprices des juges, des gouvernants et même du directeur de la pri­son, qui peut élargir ou resserer le régime à sa conve­nance. Aussi n’y a-t-il rien de plus arbitraire que l’appli­cation du régime politique en France. On a vu souvent des condamnés, pour un même délit, accomplir leur peine : les uns au droit commun, les autres au régime politique.

La durée de la condamnation prononcée par les tri­bunaux peut subir certaines diminutions. Accomplie en cellule, le condamné bénéficie de la remise du quart. C’est, selon le législateur, la portion équivalente du temps à l’aggravation de la peine par l’encellulement. On aimerait connaître par suite de quels calculs et à l’aide de quel instrument de mesure les législateurs sont arrivés à chiffrer cette équivalence. Lorsqu’un condamné primaire a fait la moitié de sa peine, il peut demander sa libération conditionnelle. Celle-ci est accordée ou refusée, selon les cas : bonne conduite pendant l’incarcération, renseignements favorables d’après enquête, etc… Elle peut aussi lui être retirée si, dans le laps de temps qui lui reste à faire, il commet une infraction aux conditions de libération qui lui sont imposées et qui sont consignées dans un carnet qui lui est confié.

La « livrée du châtiment » — tant pour les hommes que pour les femmes — est de couleur morne et de coupe grotesque. Les condamnés ainsi vêtus forment une race à part, une race maudite. La société les a marqués d’infamie. Dans les prisons cellulaires, le cos­tume s’agrémente d’un accessoire nommé cagoule, que les prisonniers doivent mettre sur leur tête et rabattre sur leur visage, de façon à le masquer à tous les yeux. Fabriquée dans la plus grossière des toiles à sacs, la cagoule obstrue presque complètement la vue. Pour y voir suffisamment pour se diriger, il faut avoir soin d’étirer quelques fils à l’emplacement des yeux.

Le silence est de rigueur dans toutes les prisons. Sur le « Règlement » affiché dans les cellules où sont énumérées les multiples interdictions faites aux détenus, l’obligation du silence est plusieurs fois stipulée. Aussi, dès qu’on a franchi le seuil d’une prison, que sa lourde porte s’est refermée, tout bruit cesse, l’agitation de la vie s’arrête, l’idée de la mort paralyse le cœur et le conseil du Dante angoisse le cerveau : Lasciate ogni speranza, voi ch’entrate !

Tout le système pénitentiaire, établi sur les bases de la vieille et très sainte Inquisition, avec ses crasses, ses tortures et ses abjectes coutumes d’avilissement humain, est à jeter à bas. La prison n’est ni moralisatrice, ni réformatrice et il est assez prouvé que le système actuel de répression a fait faillite. « La prison telle qu’elle est organisée est un véritable cloaque épanchant dans la société un flot continu de purulences et de germes, de contagion physiologique et morale ; elle empoisonne, abrutit et corrompt. » (Emile Gautier, 1889.)

« Puisque, depuis des siècles et jusqu’à nos jours, la société n’a rien trouvé de mieux pour s’en défendre que d’enfermer les individus déclarés nuisibles, je pense qu’il serait humain de les faire vivre dans des locaux salubres ; je pense qu’il serait légal de leur donner un juste salaire pour leur labeur ; je pense qu’il serait juste de ne pas aggraver leurs condamnations par les humiliations, les vexations et les « passages à tabac » qui sont de règle, hélas, dans toutes les prisons.

» Ma voix grandit pour réclamer plus de justice dans notre humanité, pour demander une meilleure répar­tition des biens communs, c’est-à-dire le droit égal pour tous aux jouissances que procurent les richesses qui sont le fruit du travail de tous les hommes.

» Ma voix s’enfle pour exiger la sélection de la race humaine, telle au moins que l’on a jugé bon de l’adop­ter pour la race animale ; car il est certain que l’élimi­nation des tarés, des incurables et des dégénérés, établi­rait l’équilibre nécessaire au maintien de l’ordre social, faciliterait l’entente fraternelle et la solidarité et dimi­nuerait considérablement le nombre des malfaiteurs. Il est honteux, il est indécent, il est intolérable que notre société permette aux uns, qu’elle encense et sou­tient, tant de richesse insolente et laisse aux autres, qu’elle utilise et punit, tant de misère effroyable !

» Abolissez la pauvreté et vous pourrez démolir les prisons. » (Le Pourrissoir.)

La question des criminels-nés : dégénérés mentaux, anormaux ; des délinquants anti-sociaux par accidents :

traumatismes ou maladies ; des fous lucides, para­noïaques, obsédés et asthéniques de toute nature ; des incendiaires, des sadiques et des violeurs pourrait être parfaitement résolue par l’internement dans des asiles où ils seraient traités humainement et soignés en vue de leur relèvement, de leur guérison et de leur réintégration dans la vie en société. — Eugène et Jeanne Humbert.Eugène HumbertJeanne Humbert

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