Les bons mots de Jacob à Orléans


Le palais de justice d\'Orléans vers 1900Le procès d’Orléans s’ouvre le 24 juillet et se déroule en une seule journée. Il  ne revêt pas l’importance de la session des assises de la Somme. Pourtant il n’en constitue pas moins une sorte d’acte final où Jacob risque la peine de mort puisqu’il est jugé pour deux cambriolages (ceux de la rue de Chanzy et de Loigny) mais également pour tentative d’assassinat sur la personne de l’agent Couillot qui avait tenté en 1901 de l’interpeller. Marius Royère, complice et ami, n’échappe pas à la police. Arrêté et interné à la prison de Fontevraud, il y meurt le 6 février 1905. Jacob doit donc comparaître seul. Si la presse nationale semble avoir délaissée le procès d’Orléans ; pour celle du Loiret, en revanche, il y a là matière dans une affaire où elle attend les facéties et les impertinences du « célèbre bandit« . La popularité du « fameux Jacob » (Le Républicain Orléanais, 25 juillet) a précédé l’homme et, comme à Amiens, l’affluence est au rendez-vous dans la salle d’audience. Si Alexandre Jacob se montre déterminé pour le procès que va subir sa mère à Laon, telle n’est pas sa première réaction en ce qui concerne le sien à Orléans. Il ne semble pas vouloir assister à un débat qu’il a déjà tenu dans la capitale picarde. La venue de son avocat à la prison, le 22 juillet, oriente tout autrement sa décision : « Si je suis allé dernièrement à la cour d’assises, ce n’était que dans l’intention de protester contre la condamnation de Royères ; lorsque j’ai appris sa mort, je n’ai eu plus qu’une seule envie : me payer la tête de ceux qui voulaient s’offrir la mienne. (…) Ce n’était pas pour aller discuter avec la crème de la médiocrité bourgeoise composant le jury. On s’ennuie en cellule et ces petites comédies servent de distraction » (lettre du 3 août 1905 à Marie Jacob). Le lundi 24 juillet, Alexandre Jacob entre en scène pour le procès d’Orléans. Le personnage tient d’ailleurs les promesses de sa réputation.

 ° Lorsque vous venez me voir à la prison, je me découvre parce que vous vous découvrez ; mais je me découvrirai encore si vous ne vous découvriez pas. Car je suis poli pour moi avant de l’être pour les autres. Mais, ici ce n’est plus le même cas. C’est une question de dignité. Vous juges, vous magistrats, en me disant : « Accusé, levez-vous », « Accusé, découvrez-vous », tout en demeurant assis et couverts vous-même, vous prétendez être supérieur à moi : chose que je conteste. Vous avez beau vous draper dans une robe rouge, vous n’êtes ni plus ni moins qu’un homme en tout point semblable à moi. D’autre part, comme Darwin, je crois descendre du singe et non du chien. Or on n’a jamais vu un singe lécher la main qui le frappe ou qui va le frapper. Voilà, monsieur, les raisons pour lesquelles je demeure assis et couvert

NB : la presse traduit ce passage de Jacob par un cours de politesse fait au président des assises

 ° Président – votre profession ?

Jacob – Entrepreneur de démolition.

Président – Votre adresse ?

Jacob – Un peu partout sur la terre.

° D – Qu’avez-vous à dire à propos du témoin défaillant ?

R – Oh ! Dans ces sortes d’affaires, je n’ai aucune compétence, adressez-vous à mon défenseur !

M. le Président résume les faits reprochés à Jacob. (…) Il parle du rôle joué par Royères, ce qui amène Jacob à dire :

– Royères est mort, cela ne vous intéresse pas une victime de plus ou de moins. Mais Royères était innocent.

Le Président – S’il était innocent, pourquoi l’avez-vous laisser condamné ?

Jacob – Vous me prenez pour un naïf. C’était à vous de ne pas le condamner. Mais, les hommes, et les juges en particulier, ne veulent pas admettre qu’ils commettent des erreurs. Mais, je le répète, Royères a été victime de l’honneur de ses sentiments ; ce n’était pas un traîneur de sabre ; ce n’était pas une casserole ; ce n’était pas un mouchard et c’est pour cela qu’il ne m’a pas délatté Jacob.

° Jacob – Vous savez, il y a quatre ans de cela, c’est de l’histoire ancienne ; si on me demandait la première marque du biberon que j’ai tété, je serais bien en peine de le dire.

° Président – Après le vol chez M. Levacher, vous avez laissé trois verres de champagne.

Jacob – Pardon, quatre.

Président – Vous ne vous refusez rien.

Jacob – Oh ! Le bourgeois ne se refusait rien non plus ! Il avait même des bougies diaphanes !

° Président – Je ne sais si vous vous rendez compte de la gravité de la situation.

Jacob – Brave homme que vous êtes ! Vous saurez qu’il n’y a pas de gravité pour moi.

° Jacob – Les agents voulaient m’arrêter et je n’ai pas voulu qu’ils attentent à ma liberté.

Président – C’est un euphémisme.

Jacob – Non, c’est une thèse.

° Jacob – Je dois dire que nous ne tuons pas pour le plaisir de tuer ; d’ailleurs s’il m’avait fallu tuer tous les agents auxquels j’ai eu affaire, pensez donc Monsieur le Président !

° – Il me restait une vingtaine de sous, ajoute Jacob, j’ai passé quinze jours avec cette somme, alors je me suis mis figurant dans les théâtres. Voilà comment sénateur hier, on peut être ici aujourd’hui. J’étais sénateur à douze sous par jour dans Quo Vadis ; ceux d’aujourd’hui vous coûtent plus cher !

° Le témoin – Je persiste cependant à croire qu’il a fallu au moins deux hommes pour fracturer mon coffre-fort.

Jacob – Mais non, un simple soulèvement et ça y est. Rappelez-vous le levier d’Archimède !

° M. le Président félicite l’agent Couillot du courage dont il a fait preuve.

Jacob – Oh oui ! Il a bien mérité des capitalistes et de la propriété. Ce n’est pas de l’héroïsme, c’est de l’asinisme.

° M. le Président fait connaître les antécédents de Jacob que celui-ci appelle des détails superflus.

° – Mais, monsieur, un héros qui recule, ce n’est plus que la moitié d’un héros, lui fis-je observer.

Cette boutade ne fut pas du goût de la cour. Le président me répliqua vertement. Aussi, pour ne pas m’attirer leur courroux, ajoutai-je mes félicitations aux leurs en disant :

– D’accord Messieurs, il a bien mérité du capital et de la propriété.

° Il m’es permis de croire, dis-je en m’adressant aux jurés, que dans cette salle se trouvent des personnes exerçant des professions diverses. Par exemple, le boulanger fait du pain, le cordonnier confectionne des chaussures, le meunier mould du blé, le maçon construit des maisons. Lui, messieurs, lui l’honorable avaocat des riches, fait couper des têtes … Jolie besogne !

Sources :

–         Le Républicain Orléanais, 25 juillet 1905

–         Le journal du Loiret, 26 juillet 1905

–         Fonds Jacob, CIRA Marseille, lettre d’Alexandre Jacob à Marie Jacob, 24 juillet et 1905

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