COUR D’ASSISES (Encyclopédie anarchiste)


logo livre anarchisteOn appelle Cour d’Assises la juridiction chargée de juger, définitivement et sans appel, les infractions à la loi pénale qualifiées « crimes » et punies de peines « afflictives et infa­mantes », depuis la réclusion jusqu’à la peine de mort L’appréciation du fait, c’est-à-dire la culpabilité ou la non-culpabilité de l’accusé appartient au jury, l’appli­cation de la loi et de la peine à la Cour. La Cour d’Assises forme un tribunal composé à la fois de magistrats et de simples citoyens, siégeant non d’une manière permanente, mais par assises, à des époques périodiques appelées sessions (en général tous les trois mois, à Paris tous les quinze jours). Ses décisions, sans appel, ne peuvent être attaquées que par le pourvoi en cassation. Il y a une Cour d’Assises par département, et la session se tient d’ordinaire au chef-lieu. Par exception elle siège à Aix (Bouches-du-Rhône), Bastia (Corse), Carpentras (Vaucluse), Cha­lon-sur-Saône (Saône-et-Loire), Coutances (Manche), Douai (Nord), Montbrison (Loire), Reims (Marne), Riom (Puy-de-Dôme), Saintes (Charente-Inférieure), Saint-Flour (Cantal), Saint-Mihiel (Meuse), Saint-Omer (Pas-de-Calais).

Dans tous les départements, les assises sont tenues par un conseiller de la Cour d’Appel, délégué à cet effet pour les présider, et par deux juges faisant fonction d’assesseurs. Pour être juré, il faut avoir trente ans accomplis, « jouir » des droits politiques, civils, et de famille, et ne pas se trouver dans un des cas d’ « incapacité » ou d’ « incompatibilité » établis par la loi. La liste annuelle du jury comprend : pour le département de la Seine, trois mille jurés ; pour les autres départements, un juré par cinq cents habi­tants, sans toutefois que le nombre des jurés puisse être inférieur à quatre cents et supérieur à six cents. Cette liste est complétée par une liste de jurés sup­pléants : trois cents pour Paris, cinquante pour les autres départements. Dix jours au moins avant l’ouverture des assises, on tire au sort, en audience publique, au tribunal du chef-lieu d’assises, sur la liste annuelle, les noms des trente-six jurés qui for­ment la liste de la session. On tire, en outre, quatre jurés suppléants sur la liste spéciale. Le jour de l’audience, le jury se constitue tout d’abord en cham­bre du Conseil, en présence de l’accusé, de son conseil et du procureur général. Le juré qui, sans « excuses valables », ne se présente pas sur la citation qui lui a été notifiée, est condamné par la Cour à une amende de 200 à 500 fr. pour la première fois, de 1.000 fr. pour la seconde, de 1.500 fr. pour la troisième ; après quoi il est déclaré « incapable d’exercer dans l’avenir les fonctions de juré » ; l’arrêt est imprimé et affiché à ses frais. Les -mêmes peines sont applicables au juré qui se retire avant l’expiration de ses fonctions.

L’accusé ou son conseil, puis le procureur général, peuvent récuser, sans donner leurs motifs, tels jurés qu’ils jugent à propos, tant qu’il en reste encore douze. Le jury est formé dès qu’il est sorti de l’urne douze noms de jurés non récusés.

Lorsque les questions sont posées et remises aux jurés, ceux-ci se rendent dans leur chambre pour y délibérer. Ils ne peuvent sortir de la chambre de leurs délibérations, qu’après avoir formulé leur déclaration. Leur décision se prend à la majorité. Si l’accusé est déclaré coupable, soit du fait principal, soit d’une ou plusieurs circonstances aggravantes, par une majo­rité de sept voix au moins, le jury répond sur chaque question : oui, à la majorité. Si une majorité de sept voix ou plus admet l’existence des circonstances atté­nuantes, le jury l’énonce ainsi : « A la majorité, il y a des circonstances atténuantes en faveur de l’accusé. » L’égalité des voix emporte une déclaration de non-culpabilité. Le condamné et le ministère public ont trois jours francs pour se pourvoir en cassation et ce pourvoi suspend l’effet de la condamnation.

Nous avons tenu à exposer en détail le mécanisme de la Cour d’Assises, cette juridiction criminelle qui, chaque année, envoie des centaines de malheureux au bagne, à l’échafaud ou dans les cellules des prisons centrales. Ce simple exposé aura déjà suffi, nous en sommes certains, à montrer toute l’ignominieuse comédie de cette parodie de justice. Ainsi, un jury de douze citoyens — dont on a soin d’exclure, en les récusant. tous ceux que l’on soupçonne de professer des idées généreuses — peut briser la vie d’un homme ou l’envoyer à la mort ! Qui oserait prétendre que ces douze citoyens, affligés, comme n’importe qui, de toutes les petitesses de la nature humaine, sauront pendant quelques heures, se dépouiller de toutes leurs faiblesses ? De quel droit ces douze esprits influença­bles prétendront-ils condamner un de leurs semblables et mesurer l’esprit d’autrui à leur mesure ? Quelle valeur aura un pareil jugement ? On voit souvent deux Cours d’Assises juger simultanément deux meurtres identiques : l’une acquitte, 1’autre envoie l’accusé au bagne. Ou est la justice, même si l’on se place au point de vue bourgeois ? Quelle est cette étrange logique qui fait que la condamnation varie, non pas avec le caractère du délit, mais avec le tempérament du juge ? Une telle comédie porterait à rire si les effets n’en étaient aussi tragiques. L’homme n’a pas le droit de juger son semblable. Les anarchistes sont les premiers à réprouver certains actes, tels le meurtre, le viol, etc…, mais ils ne sont souvent que des conséquences de l’état social défectueux que nous subissons. L’homme qui tue pour voler accomplirait-il cet acte abominable, si la société ne l’y poussait pas en lui marchandant le pain quotidien ? Quant aux autres criminels, qui tuent sans raison, ne sont-ils pas plutôt des malades que des criminels ? Et l’asile — un asile réformé — ne leur serait-il pas plus profitable que la prison ? D’ailleurs, le système pénal a montré ce qu’il valait : ni l’échafaud. ni le bagne, ni la prison n’ont fait diminuer le moins du monde le nombre des « crimes ». La répression la plus féroce ne sert à rien. Les causes du mal sont trop profondes et sont trop intimement liées à la société actuelle. Les hommes n’en viendront à bout que le jour où régnera un nouvel état des choses — basé sur des principes sains et normaux. Les crimes et les juridictions criminelles disparaîtront avec les sociétés criminelles. — Georges vidal.

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