Vols en Bretagne


Rennes vers 1900Des vols Louis, Buissot et Drouin, commis à Rennes au début du mois de septembre 1901, la justice picarde ne retient à charge que les deux premiers. Ils sont abordés lors de la deuxième audience du procès d’Amiens (8-22 mars 1905). Les trois cambriolages sont pourtant caractéristiques du choix politique des victimes sociales des Travailleurs de la Nuit. S’il désigne, à Amiens, les militaires comme ennemis,c’est qu’Alexandre Jacob les considère comme intimement liés au concept de patrie, religion laïque à ses yeux et vecteur du grand capital par le biais de l’entreprise coloniale, elle-même « fille de la politique industrielle » pour reprendre les termes de Jules Ferry, surnommé le Tonkinois à l’occasion du discours qu’il prononce à l’aquarium (l’assemblée nationale) le 28 juillet 1885. Pour Léon Pélissard, compagnon de Jacob, l’armée c’est l’école du crime. Les rentiers, tels M. Drouin de Rennes, sont quant à eux des nuisibles sociaux se nourrissant de l’exploitation du modeste peuple et ne produisant rien. Ces trois larcins s’inscrivent dans une tournée de cambriolages effectués par Jacob et Ferrand. Largement décrits dans le quotidien local L’ouest Eclair en 1901 et dans le dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits » réalisé en 1905 pour le compte de la préfecture de police de Paris à l’occasion du procès d’Amiens, il révèlent aussi quelques aspects du mode opératoire de ces travailleurs, ici bien servis par une météo locale des plus favorables.

 

Rennes vers 1900L’Ouest Eclair, édition de Rennes

Jeudi 5 septembre 1901

Rennes, vol audacieux

Dans la nuit du 2 au 3 septembre, profitant du violent orage qui se déchaînait sur Rennes et les alentours, des malfaiteurs se sont introduit, boulevard de la duchesse Anne, aux domiciles de M.M. Louis, colonel en retraite et conseiller municipal, et Buissot, capitaine d’infanterie, tous deux voisins et absents à ce moment. Après avoir fracturés les portes des maisons et des meubles avec d’autant plus de facilité que le bruit du tonnerre couvrait le bruit des effractions, les voleurs se sont emparés de tout l’argent et des bijoux qu’ils ont pu découvrir. Les victimes des vols ont été prévenues par dépêche et M. Buisson, arrivé ce matin, évalue à 1800 et 2000 francs la valeur de ce qu’on lui a soustrait. Il parait certain que les voleurs appartiennent à une bande de professionnels parfaitement organisée et qui ne cherchait que l’argent et les valeurs. Les gredins n’ignoraient pas que M. le colonel Louis était en villégiature à saint Malo et que M. le capitaine Buissot était au camp de Coëlquidan avec son régiment, le 411e. Une information est ouverte.

 

Rennes vers 1900L’Ouest Eclair, édition de Rennes

mardi 10 septembre 1901.

Encore des cambrioleurs

Toujours au faubourg de Fougères

L’hôtel Drouin mis à sac

Une lumière dans la nuit – l’enquête

Dernièrement nous contions que les voillas de M. le colonel Louis et le capitaine Buisson avaient été dévalisées, boulevard de la duchesse Anne, par des cambrioleurs opérant en expert. La police, surveillant activement ce quartier, on espérait qu’ils seraient quelque temps sans donner de leurs nouvelles. Cet espoir a été déçu comme on va le voir. Monsieur Drouin, habitant l’hôtel qui fait le coin du boulevard de Sévigné et de l’avenue de Grignan et beau-frère de M. Brager de la ville Moysan, est depuis plusieurs semaines en villégiature dans une campagne des environs de Loches. Dans la nuit de samedi à dimanche, MMmes du Casquer, dont la maison fait face à l’hôtel Drouin, crurent voir au milieu de la nuit de la lumière dans une chambre de M. Drouin. Croyant se tromper, ces dames ne s’inquiétèrent pas et n’entendirent aucun bruit le reste de la nuit. Mais, le lendemain matin, en ouvrant les fenêtres, elle s’aperçurent qu’une des persiennes des fenêtres de M. Drouin avait été démontée. Comprenant ce qui avait du se passer, MMmes du Casquer allèrent prévenir immédiatement M. le commissaire de police du 2e arrondissement qui se rendit aussitôt avenue de Grignan. En arrivant dans la cour, il vit, avec la persienne démontée, un carreau brisé et la fenêtre ouverte. Il demanda au jardinier les clefs qui lui avaient été remise par M. Drouin et entra dans les appartements. C’était un pêle-mêle indescriptible. Tous les meubles avaient été ouverts et fouillés, et les contenus éparpillés sur les parquets. Au premier étage, même pillage qu’au rez-de-chaussée, tout avait été mis à sac. Les chambres de bonnes, seules, avaient été respectées, les portes n’ayant même pas été ouvertes. Or, au cours de sa perquisition, M. le commissaire de police n’a trouvé dans l’hôtel ni argent, ni bijoux, ni objets d’art. M. Drouin les avait-il mis en sécurité ou le tout a-t-il été emporté par les voleurs ? C’est ce qu’on ne peut savoir avant le retour de M. Drouin prévenu par dépêche et attendu aujourd’hui. D’après un bruit qui court, le vol aurait été commis la même nuit qu’au boulevard de la duchesse Anne et ce serait en voyant que leur cambriolage de l’hôtel Drouin n’avait pas été découvert qu’ils y sont retournés la nuit où Mmes du Casquer ont aperçu de la lumière. Nous tiendrons nos lecteurs au courant de l’enquête très active que poursuit M. le commissaire de police.

 

Outils de cambrioleursDossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

Audience du 9 mars 1905

Vols à rennes

Dans la nuit du 2 au 3 septembre 1901, deux vols furent commis à Rennes par Jacob et Ferrand, qui l’ont reconnu, l’un chez M. le colonel Louis, et l’autre chez M. le capitaine Buissot. Chez ce dernier, ils prirent un billet de 100 francs, de l’argenterie, des bijoux, au total 2450 francs. Un revolver pris chez m. le colonel Louis fut retrouvé chez M. Bourdin bijoutier à Paris, victime d’un cambriolage dont Jacob est l’un des auteurs. M. le colonel Louis dépose. Jacob l’interrompt : « Mais c’est un commissaire de police !» dit-il.

Le président – Laissez déposer le témoin.

M. le colonel Louis poursuit en expliquant qu’on a dû cambrioler sa maison après s’y être introduit de la maison de M. le capitaine Buissot. Tous les meubles ont été fouillés. Le témoin reconnut pour être le sien, le revolver retrouvé chez M. Bourdin. Il explique que ce fut par suite d’une modification qu’il avait fait subir à cette arme.

Le président – Jacob, vous reconnaissez ces faits ?

Jacob – M. le président voudrait-il demander au témoin si ce revolver était fait pour tuer ou guérir les hommes ?

Le président – reconnaissez-vous le vol ?

Jacob – Oui

Le président – Vous avez abandonné le revolver chez M. Bourdin

Jacob – Oui

Le président – Le vol s’élevait à 1000 francs

Jacob – Une bagatelle !

Le capitaine Buissot est ensuite entendu. Le préjudice qui lui fut causé s’élève à 2000 francs. Jacob voudrait placer sa déclaration sur les militaires.

– Vous avez les temps. Cette audience est très chargée. Vous ferez plus tard votre déclaration.

 

Sources :

  Archives de la Préfecture de Police de Paris, EA/89 : dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

–  Ouest Eclair, édition de Rennes, 5 et 10 septembre 1901

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