Reuilly ou les saveurs de la Terre


Reuilly ou les saveurs de la terreDans cet ouvrage (La Bouinotte éditions, 270p., novembre 1999), Rolland Hénault livre « le témoignage d’un buveur de Reuilly, aux antécédents maternels Reuillois ». Cet ancien prof de lettres en déploie une multitude pour présenter SON coin de Berry, SES gens, SES ploucs, SON pinard qui tâche, qui rend joyeux et loquace. Des portraits à la pelle ou plutôt au ballon … de Reuilly rouge ou blanc bien sûr. Et, parmi ceux-là, ce n’est pas le visage d’un aventurier que l’on entrevoit, ce n’est pas non plus la face burinée d’un vieil ermite, usé, reclus et enfermé sur lui-même que l’on peut lire, ce n’est pas enfin le faciès d’un « phantasme » anarchiste ou littéraire ( tel qu’il est présenté dans le numéro de printemps 2008 de Berry Magazine)  que l’on peut subodorer dans « La chronique reuilloise de Marius » (p.137 à 149) et encore moins la tête apeurée d’un ex bagnard qui faisait le détour par l’autre coté de la rue pour éviter de passer par la gendarmerie locale. Une image d’homme. Extraits :

Rollanad Henault         Il a passé vingt ans en enfer, il s’est donné lui-même la mort qu’il s’était choisie, et à la veille de l’an 2000, Marius Alexandre Jacob est plus vivant que jamais. Mais si chacun sait qu’il arriva à Reuilly dans les années trente, qu’il y mourut en août 1954 (…), peu de gens savent, en dehors de ses mais personnels qu’il fut aussi un militant, un moraliste, un amoureux tardif et un authentique écrivain. P.137

         Au Bois saint Denis, sa profession de « voleur en retraite », « en résidence libre », pour reprendre ses propres formules, passait très bien. Le vigneron est frondeur, honnête comme l’était Jacob, et franc du collier, comme Marius. p.139

         On devine le commerçant consciencieux, honnête. Débrouillard, pas du tout roublard. Hélène Malbète,la mère de Guy, me rappelle plaisamment qu’au cours de l’hiver 43, il avait touché un lot de magnifique chaussettes mauves, qui réchauffèrent les mollets des laboureurs de Reuilly, malgré leur teintes insolites. La mode sur les coteaux reuillois fut donc aux couleurs voyantes. L’avant-garde involontaire des zazous de Saint Germain des Près. p.142

         Il s’est arrangé pour que le notaire n’ait pas à intervenir dans la succession. On se débrouillera entre gens honnêtes. Ce voleur est en règle ! Et il connaît les lois, les voleurs et les hommes de loi. p.144

         Il eut un ami sincère, avec qui il entretenait des relations de sympathie qui allaient au-delà de la simple cordialité, c’était « le père Malbète ». (…) Et les autres Reuillois ? Pas d’hostilité. Il les traite gentiment d’ « indigènes », constate que le travail n’est pas rapidement exécuté par un artisan mais conclut, à peine ironique, par une circonstance atténuante : « J’ai fait appel au couvreur du bled. Il y a cinq jours de cela. Je l’attends encore. C’est un Berrychon. C’est normal ».  p.145-146

         Je veux croire aujourd’hui qu’il y a dans l’esprit du Reuilly, ces scrupules d’honnêteté, ce gout du juste prix cette réflexion, cet esprit critique et cette indépendance qui atteignait des sommets chez Marius. p.147

         Et je me dis qu’ici, sur ces coteaux autrefois rouges, Marius était tout de même parmi ses frères de race, puisqu’ils l’avaient accepté et, la plupart du temps, tenu en haute estime. Quelle leçon d’humanisme ! Il a bien mérité sa concession à perpétuité, Marius. p.149

Bien à toi Marius, Merci Rolland pour ces pages et une verre de Reuilly pour ta prose.

A votre santé !

Saint Dié, le 18-04-08

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