Les beaux voyages : Libérez Roussenq ! 1924-1929


Le 7 janvier 1930, le gouverneur Siadous[1] boucle son rapport sur la demande de remise de résidence du forçat libéré m°16.185. L’exposé propose l’ajournement de la requête de Paul Roussenq dans l’attente d’une confirmation du réel changement de son comportement :

« Conduite mauvaise à la transportation. Cependant Roussenq a fait durant les derniers temps un très gros effort qui allait lui valoir la première classe lorsqu’il a été libéré. Tenue correcte dans la vie libre mais temps d’épreuve insuffisant. »[2]

Roussenq s’est assagi. Cela ne signifie pas qu’il accepte, depuis le 28 septembre 1929, sa situation de libéré, contraint de végéter à vie à Saint-Laurent-du-Maroni. La première classe dont le rapport du 7 janvier 1930 fait allusion est celle des forçats de quatrième catégorie astreints au doublage de leur peine en vertu de l’article 6 de la loi de 1854 avant de pouvoir, éventuellement, revenir en France à leurs frais. Ils sont alors dans la deuxième classe des forçats de quatrième catégorie, si et seulement si la condamnation est inférieure à huit années.

La LDH, le SRI ainsi que d’autres organisations politiques et syndicales ont réussi à faire sortir L’Inco du bagne. Il est même devenu une icône de la lutte des classes, un symbole de l’oppression capitaliste pour le parti communiste (PC-SFIC[3]).

Mais il doit rester loin de France même si l’Elysée ne suit pas pour autant les prescriptions de l’AP. Le 17 mai 1930, Gaston Doumergue,  Président de la République depuis le 13 juin 1924 et très au fait du cas Roussenq, signe le décret ordonnant la commutation en quatre années de « l’obligation de résidence perpétuelle consécutive à la peine de vingt ans de travaux forcés. »[4] Le combat entamé depuis plus de cinq ans continue…

Libérez Roussenq !

1924 – 1929

Le reportage d’Albert Londres en Guyane soulève l’opinion publique en la faveur de Roussenq. Le 13 octobre 1924, Madeleine, la mère chérie de 70 ans[5], profite du premier voyage présidentiel de Gaston Doumergue à Aigues-Vives d’où il est originaire pour aller à sa rencontre. Contre toute attente et après avoir marché pendant vingt-huit kilomètres depuis Saint-Gilles-du-Gard, elle parvient à approcher l’homme qui, le 13 juin, s’est fait élire aux plus hautes fonctions de l’État et qui s’engage à faire avancer le dossier de son fils. L’anecdote est relatée dans la brochure Un crime des conseils de guerre – Paul Roussenq bagnard que le SRI publie en 1931 et qui reprend à son compte un article paru dans Le Cri de Saint-Gilles le 4 juillet 1925 :

« Et elle vous vit, Monsieur le Président. Il faut être une mère pour arriver ainsi à franchir cette barrière humaine qui se pressait autour de vous, il faut être une mère pour ne pas être étouffée étant si fragile.

« L’ai vis, l’ai vis, me cria-t-elle dès qu’elle m’aperçut.

  • Et que vous a-t-il dit ?
  • M’a dit que s’en occuparié é qué viendrié… me l’a proumès. Oh ! lou bravé homé ! »

Elle riait la bonne vieille, de toutes ses rides, croyant déjà tenir son enfant dans ses bras. Et, sur le chemin du retour, dans la camionnette qui nous ramenait, tandis que les jeunes gens devisaient joyeusement des incidents de la journée, la pauvre vieille, dans son coin, pleurait silencieusement des larmes de joie, pensant que, grâce à vous, elle reverrait bientôt son fils. »

Doumergue a-t-il tenu les promesses données à Madeleine Roussenq ? Le 18 avril 1929, la police parisienne rend compte d’un meeting organisé la veille par le SRI au 33 rue de la Grange aux Belles. Auguste Béchard, conseiller général communiste du Gard[6], s’y serait exprimé en ces termes pour évoquer l’entrevue avec le premier homme de France :

« Lors du voyage du chef de l’état dans le Gard, la mère de Roussenq a rendu visite à ce dernier. M. Doumergue lui a fait un large sourire et beaucoup de promesses. Mais pour la maman Roussenq ce sourire est une odieuse grimace »[7].

Nuançons le propos du conseiller général Béchard. La rencontre entre Madeleine Roussenq et Gaston Doumergue produit son effet et la proposition de grâce qui s’ensuit est même appuyée avec force en Guyane par le gouverneur Chanel le 4 mai 1925 :

« Quand je suis arrivé en Guyane, j’ai trouvé ce transporté en état de complète abjection. Roussenq avait décidé de ne plus quitter le cachot et commettait tous actes obligeant l’Administration à l’y maintenir. Roussenq, est cependant intelligent ; de plus, il correspond avec une mère qu’il aime et qui vit avec le désir de revoir son enfant. Je me suis attaché à retirer ce misérable de l’ornière dans laquelle il s’enlisait de plus en plus ; je l’ai fait retirer du cachot, et depuis plus d’une année Roussenq n’a pas encouru une seule punition. Il y a donc là une œuvre à faire et c’est pourquoi Monsieur le Ministre, et bien que ce transporté ne soit pas dans les conditions régulières, j’ai l’honneur de le proposer pour une réduction de peine et encouragé je crois que Roussenq se relèvera. Il me parait de mon devoir étroit de l’y aider. »[8]

Le 10 octobre 1925, un décret présidentiel offre une remise de cinq ans sur la peine initiale de vingt années de travaux forcés prononcée par le conseil de guerre de Tunis en 1908. Insidieuse largesse qui prend bien sûr en considération les condamnations données par le TMS. L’hypocrite calcul est alors vite fait : la libération de Roussenq, prévue pour le 20 février 1936, devient donc envisageable le 20 février 1931[9] mais la mesure gracieuse ne change en revanche rien à la période de doublage.

Il n’en demeure pas moins qu’à partir de 1925 une porte vient de s’entrouvrir autorisant un espoir, même ténu, de faire revenir L’Inco. Il n’en demeure pas moins non plus que ce premier résultat s’inscrit dans le contexte d’un mouvement social, à Saint-Gilles-du-Gard, comme partout dans le Midi viticole, dont on a vu la prégnance dans le chapitre Graine de bagne. La pression militante peut alors se muer localement pour Paul Roussenq en comité de soutien.

L’anarchie n’a pas disparu, loin de là, après la Première guerre mondiale mais elle est largement concurrencée par la montée en puissance du parti communiste. Ce dernier obtient vingt-six sièges aux élections législatives des 11 et 25 mars 1924 qui voient la victoire du cartel des gauches. Si 9,82% des citoyens français se sont exprimés pour lui, il dépasse largement les 10% dans le Gard[10].

À Aimargues, les libertaires du Groupe d’études sociales, relancé en 1921 par les frères Joujou[11], s’affrontent régulièrement aux catholiques et aux royalistes dont est sympathisant le maire Augustin Pourreau[12], et mènent une réelle activité de propagande[13]. Au début de l’année 1924, ils accueillent même Germaine Berton dans la tournée de conférence qu’elle entreprend après avoir été acquittée le 23 décembre précédent de l’assassinat de Marius Plateau, le secrétaire de la Ligue d’Action Française[14]. En 1926, le groupe affilié à l’Union Anarchiste (UA), et sa structure régionale l’Alliance Libre des Anarchistes de la Région Midi (ALARM), peut revendiquer une cinquantaine de membres, pour la plupart des ouvriers agricoles, dont une vingtaine seraient à surveiller tout particulièrement[15]. Parmi eux, les compagnons Crosti[16] et Lasgoute[17] ou encore le secrétaire du groupe anarchiste, Charles Lamazère[18], et Paul Jourdan[19] qui à la fin de l’année 1926 organise une fanfare jouant L’Internationale et le Drapeau Rouge devant le conseil de révision de Vauvert[20] ! Les compagnons se réunissent le plus souvent dans la Salle du Peuple de l’hôtel de ville ou bien dans le café en face, pour y discuter grève et syndicalisme révolutionnaire dans cette terre de monoculture viticole accaparée par quelques propriétaires fonciers, pour évoquer les évènements locaux ou nationaux, ou encore pour y affirmer son antimilitarisme et son pacifisme[21].

Si la commune d’Aimargues demeure activement noire, le Gard se teinte de plus en plus de rouge. Le 6 février 1928 la fédération Communiste organise un meeting de « propagande bolchévique »[22] à la Halle d’Aimargues où André Colomer, passé de l’individualisme anarchiste à l’anarchosyndicalisme et de plus en plus regardant vers le communisme[23], vient narrer son récent voyage en URSS. Le public est venu nombreux. Deux cents personnes environ sont issues d’Aimargues ; trois cents autres arrivent des communes environnantes et même de plus loin encore. La tension est palpable entre anarchistes et communistes, les premiers reprochant aux seconds la répression brutale du mouvement libertaire dans la Russie soviétique :

« Ainsi qu’il fallait s’y attendre, l’orateur a été conspué par les militants libertaires d’Aimargues, Jourdan Paul, Dumas Robert[24], etc… et aussi par le propagandiste anarchiste indépendant Ghislin[25], venu tout exprès de Montpellier. »[26]

Pour autant, et nonobstant d’irréversibles fractures nationales et internationales, les deux actifs mouvements parviennent localement et régionalement à s’entendre sur le même mot d’ordre lorsqu’il s’agit de mettre en pratique l’idéologie de lutte des classes et d’organiser, par exemple, d’actives et âpres grèves chez les ouvriers agricoles, comme celles de janvier et mai 1926 à Aimargues ou de Saint-Laurent-d’Aigouze deux ans plus tard[27].

Saint-Gilles-du-Gard se trouve à une vingtaine de kilomètres à l’Est ; le mouvement social y est tout aussi prégnant. L’agitation est menée notamment par Joanin Malbos adhérent au Comité de la IIIe Internationale depuis 1919[28]. Il milite au sein de la cellule communiste de la commune. Son secrétaire, Alexandre Renon[29], peut compter sur une vingtaine de membres actifs en 1926. Joanin Malbos est un ami d’enfance de Paul Roussenq. Il est, avec le menuisier Louis Perruchon[30], un des artisans du comité de soutien qui vient de se former dans la cité d’environ 5.900 habitants et dont le très droitier quotidien Paris-Soir dresse un portrait pour le moins ambigu en 1937 :

« Mais son cas était très connu, trop connu. Un comité s’était formé à Saint-Gilles, en 1926, qui avait bientôt dépassé le cadre de la petite localité. Sa cause était trop belle, trop défendable pour ne pas émouvoir les masses. Un comité politique s’infiltra dans ce qui n’était, au début, qu’un magnifique élan de générosité et fit de Roussenq un objet de propagande. Sa misère passée n’eut plus qu’un intérêt lointain. »[31]

L’allusion dépréciative aux manœuvres du Secours Rouge International s’inscrit bien évidemment dans le contexte de l’opposition au Front Populaire. Pour autant, l’article de Georges Salonic, qui évite de mentionner l’implication des anarchistes et de la Ligue des Droits de l’Homme, suggère par « le magnifique élan de générosité » l’actif travail du groupe saint-gillois apportant aide et conseils à Madeleine Roussenq peu de temps après son entrevue avec le président de la République. Nous ne savons avec précision ni les membres ni les conditions de formation de ce comité qui apparait pour la première fois dans les lettres du bagnard à sa mère le 5 février 1928[32]. À cette date, les amis saint-gillois paraissent avoir déjà activé aux moins deux leviers hexagonaux, l’action de la vieille Ligue des Droits de l’Homme précédant de peu celle du tout jeune Secours Rouge International.

Créée à la suite de l’affaire Dreyfus le 4 juin 1898 par le sénateur girondin Ludovic Trarieux, la LDH entend défendre les droits individuels, politiques, économiques et sociaux.  Bien que ralliée à l’Union Sacrée en 1914, cela ne l’empêche pas de mener d’actives campagnes pour la réhabilitation des fusillés pour l’exemple dès 1916 et de prendre la défense des victimes d’un militarisme estimé excessif après le conflit mondial. S’investissant aussi dans la question coloniale et disposant d’un imposant service juridique, la Ligue connait son apogée sous la présidence du socialiste Victor Basch (1926-1944) avec environ 180.000 adhérents en 1933[33].

C’est le 5 mai 1923 que L’Humanité annonce la mise en place à l’initiative de la CGTU. et du Parti communiste d’un Comité de Secours Rouge un peu plus de quatre mois après la création à Moscou sous l’égide du Komintern[34] d’une Société Internationale d’aide aux travailleurs (ou MOPR). Le Secours Rouge International, conçu comme une version communiste de la Croix Rouge d’Henri Dunan, entend alors apporter son « aide à tous les camarades emprisonnés, frappés pour leur action révolutionnaire et laissant des familles dans l’embarras par suite de la perte de leur liberté et de leurs moyens d’existence. »[35]  Rassemblant d’abord des organisations et des associations affiliées au parti communiste, le SRI s’ouvre aux adhésions individuelles lors de son congrès constitutif en mai 1925 et se dote d’un journal de propagande La Défense [36]dont le premier numéro sort le 3 décembre 1927. À cette date, le SRI peut revendiquer environ 40.000 membres et d’actives sections dans le Gard dont celles de Beaucaire … et de Saint-Gilles[37].

Pour autant, c’est à la LDH que Madeleine Roussenq sollicite l’appui en juillet 1927 avant qu’une pétition lancée par Joanin Malbos ne réunisse environ 520 signatures dans le bourg où réside la mère du bagnard[38]. La protestation adressée à Paul Painlevé, Ministre de la guerre et accessoirement membre de la LDH, a-t-elle suscitée une réaction de l’Elysée ? Gaston Doumergue promet d’examiner le dossier de L’Inco le 21 novembre et, les semaines passant, Jacques Duclos, député communiste de la Seine[39], interpelle en vain le ministre socialiste indépendant à l’assemblée nationale[40] le 14 décembre.

Si l’attente d’une réponse de la LDH a suscité l’ouverture du comité saint-gillois vers le SRI, il apparait désormais que le cas Roussenq déborde largement de son cadre local et que son instrumentalisation par les communistes, le transformant en une espèce d’icône de l’oppression capitaliste, s’accompagne de tensions avec tous ceux qui de près ou de loin participent à l’élan de solidarité :

« Mais sous l’impulsion du S.R.I., la protestation ouvrière montait, des listes de pétition que nous lancions se couvraient de plusieurs centaines de milliers de signatures. Des manifestations se déroulaient à Saint-Gilles et dans diverses villes de France. La bourgeoisie allait devoir reculer. Hélas ! notre action, si elle trouva de la part des organisateurs révolutionnaires, du parti communiste en particulier, et même de membres et de sections de la Ligue des Droits de l’Homme, devait se heurter aux manœuvres combinées du gouvernement et des chefs ligueurs tels que le fameux Basch qui l’entravèrent par tous les plus honteux moyens. »[41]

La campagne du SRI débute au mois d’octobre 1928. Elle est préparée dès le mois de juillet depuis Beaucaire par Gabriel Cartier, trésorier de la cellule communiste de son village[42], et depuis Saint-Gilles par Joanin Malbos. Le dossier, monté d’abord avec les témoignages des camarades saint-gilois, puis avec les lettres que Madeleine Roussenq reçoit de son fils, est soutenu par Emmanuel Layre[43], actif militant communiste cégétiste d’Alès. À la fin du mois d’août, Me Eyral, avocat du SRI à Nîmes, signale au comité national à Paris « tout l’intérêt que le S.R.I. a à s’occuper de l’affaire Paul Roussenq. »[44] C’est alors Robert Foissin, avocat du parti communiste et du SRI depuis 1923[45] qui, nationalement, prend en charge le cas du matricule 37664 traité avec toute la rigueur du centralisme bureaucratique et l’aplomb de la dialectique marxiste-léniniste.

La campagne doit s’organiser autour de trois thèmes : la misère de Madeleine Roussenq[46] ; la « grandeur d’âme » et la force épistolaire du bagnard injustement frappé par les conseils de guerre[47] ; les mensonges d’Albert Londres, qui a popularisé L’Inco en donnant l’image d’un demi fou se mutilant ou simulant la tuberculose pour sortir des cachots[48], et la vilénie de cette « garce » de Ligue des Droits de l’Homme dont il convient de relever le parti-pris, la lenteur et l’inefficacité des démarches[49]. Le SRI peut d’ailleurs s’appuyer sur les lettres que reçoit Madeleine Roussenq de son fils et en particulier sur celle du 19 août 1928, toute empreinte de jalousie, dans laquelle le matricule 37664 loue l’action de Joanin Malbos tout en se plaignant de démarches qui traînent en longueur là où d’autres de ses compagnons d’infortune, comme Jacob et Dieudonné, estimés plus connus et disposant de solide réseaux, sont libres de leurs mouvements en métropole depuis belle lurette :

« Je ne saurais trop remercier mon ami Johanin Malbos de son dévouement indéfectible à notre cause. Par la plume et par la parole, il a travaillé les pouvoirs publics et l’opinion, et s’il n’en résulte rien, c’est qu’alors nous nous trouverons en présence d’un véritable parti-pris. Quoi qu’il en soit, je n’en resterai pas moins reconnaissant à mes amis de leurs louables efforts, qui ont été jusqu’à la dernière limite des possibilités. Quant à moi, ces longs délais ne me disent rien qui vaille.

Si j’avais fait partie de la bande à Bonnot, ou bien si j’avais été l’auteur bien connu de cambriolages retentissants, on n’aurait pas tant de difficultés[50]. Seulement, je n’ai eu à mon actif qu’une petite flambée de hardes militaires, et alors ce n’est pas intéressant. Enfin, on verra bien. »[51]

L’Humanité a pris le relais du Travailleur du Languedoc qui parait dans le Gard depuis 1925 et offre de régulières tribunes aux sections locales du SRI. Si sept articles mentionnant Roussenq paraissent à partir de septembre 1928, l’augmentation du nombre de papiers en sa faveur les années qui suivent révèle que la sensibilisation de l’opinion publique sur un cas devenu emblématique fonctionne. Le 28 septembre l’article « À bas les conseils de guerre – Pour quarante francs, un soldat souffre au bagne depuis 20 ans ! » fait donc connaître aux lecteurs communistes l’existence de Paul Roussenq. Son jeune auteur, Raoul Courtois[52], entré à L’Humanité en 1924 et chargé des rubriques militaires l’année suivante à la place de Jacques Doriot[53], tire à boulet rouge sur Doumergue, Painlevé … et la LDH :

« Dans le pays natal de Roussenq, un comité s’est formé pour sa libération. Une pétition couverte par 600 signatures fut adressée à Painlevé, ministre de l’armée, membre de la Ligue des Droits de l’Homme. L’homme n’a pas répondu. Gastounet, celui qui sourit toujours, a promis par une lettre datée du 21 novembre 1927 d’examiner personnellement le dossier. Ce dernier doit être des plus volumineux, car on n’entend plus parler de cette affirmation. Le 14 décembre de la même année Painlevé a promis à notre camarade Jacques Duclos, député de la Seine, d’examiner sans retard le cas Roussenq. Depuis, plus de nouvelles. La Ligue des Droits de l’Homme est même intervenue. Elle se fit envoyer tous les renseignements utiles par la mère de Roussenq. Celle-ci, au bout de quelques mois, écrivit pour savoir ce que devenait l’affaire de son fils. Elle reçut alors cette lettre, signée par le secrétaire général de la Ligue :

Madame Roussenq peut-elle nous dire à quelle date approximative le dossier de son fils nous a été transmis ? Nous ne retrouvons rien à ce nom dans nos archives.

Qu’en pensez-vous camarades ? (…) La bourgeoisie n’ouvre jamais de bon gré les portes de ses geôles. Et si, d’aventure, elle lâche un malheureux, c’est pour en saisir dix nouveaux. La libération de Roussenq, et de toutes les autres victimes des conseils de guerre, dépend seulement de la classe ouvrière. »[54]

Raoul Courtois souligne une lenteur d’autant plus volontaire des démarches de la LDH que celle-ci aurait égaré le dossier envoyé par Madeleine Roussenq. Le Secours Rouge s’institue ainsi comme la seule et légitime organisation pouvant s’occuper du bagnard. La Ligue n’a pourtant de cesse de fournir – au moins jusqu’en 1933 – une chronologie des actions entreprises pour infirmer le propos communiste accusateur. La lettre de Madeleine Roussenq aurait donc été reçue le 29 juillet 1927. Après examen de Goudchaux Brunschvicg[55], avocat à la cour d’appel de Paris et membre du service juridique de la LDH, des renseignements complémentaires sont demandés à la mère du bagnard le 16 août. Une démarche, préparée en février 1928, est effectuée le 10 mars ; la Ligue reçoit une réponse le 22 mars ainsi qu’une lettre de Madeleine Roussenq demandant des nouvelles deux jours plus tard alors que le dossier de son fils avait été sorti des archives pour pouvoir l’aviser de la réponse reçue. La lettre de la LDH du 29 mars sollicitant à Madeleine Roussenq la date d’envoi du dossier résulte donc d’une confusion chronologique des services de la Ligue. « L’incident du dossier perdu »[56] semble clos pour elle.

Le 8 août 1928 la demande de recours en grâce porte ses fruits, Gaston Doumergue accordant une remise d’un an sur la peine de vingt ans de travaux forcés[57]. La libération de Roussenq, initialement prévue le 24 juin 1931, passe donc au 24 juin 1930. Madeleine Roussenq est avisée de la mesure gracieuse le 19 septembre 1928[58]. Le SRI ne manque pas, bien sûr, de remarquer l’écart entre la date du décret présidentiel et l’annonce faite à la mère du bagnard, et de souligner qu’une remise d’un an ne change rien au problème puisque, comme le titre L’humanité le 9 octobre 1928 : « Le soldat Roussenq malgré les promesses faites à sa famille finira ses jours au bagne »[59] en vertu de l’article 6 de la loi de 1854 instituant le doublage de la peine et la résidence perpétuelle quand celle-ci dépasse huit années de travaux forcés.

La campagne du SRI peut ainsi commencer dans le Gard. Appuyée par la presse communiste, elle constitue un premier palier permettant de passer à l’échelon hexagonal si elle est couronnée de succès. Les conférences succèdent au meetings et aux soirées familiales. À Saint-Gilles, elles se tiennent le plus souvent au café des Alliés ou au cinéma Femina[60]. D’autres sont organisées à Nîmes, à Beaucaire, à Alès… Les élections cantonales ont lieu le dimanche 14 octobre 1928 et , à Saint-Gilles, le conseiller régional sortant François Griffeuille, socialiste indépendant et maire de la commune depuis 1919, est élu dès le premier tour devant Léon Sylvestre de la SFIO et Paul Roussenq qui recueille 101 voix des 1055 suffrages exprimés. La candidature dite d’amnistie du parti communiste, à laquelle les socialistes locaux ont refusé de participer, est donc avec 9,57% des voix un succès appelé à se répéter[61].

Le 4 novembre, à l’initiative des élus communistes Valat[62], Béchard et Chapon[63], le conseil général du Gard réclame le retour de Roussenq à sa grande majorité estimant « que la peine infligée (…) par la juridiction du conseil de guerre est odieuse pour une pareille peccadille » et émettant « le vœu que Roussenq soit immédiatement remis en liberté et remis à sa vieille mère à Saint-Gilles. »[64] Le 20 novembre, L’Humanité affirme encore que « Le bagnard Paul Roussencq doit rentrer en France »[65] ; l’article de Raoul Courtois s’appuyant paradoxalement sur le témoignage si décrié d’Albert Londres pour décrire l’état cadavérique du forçat qui avalerait des crachats de tuberculeux pour pouvoir être hospitalisé et sortir des cachots de la réclusion. La lettre de soutien que Madeleine Roussenq reçoit de l’ancien gouverneur Chanel le 22 octobre 1926[66] finit alors d’appuyer le papier du journal communiste.

La protestation du conseil général du Gard est-elle remontée jusqu’à l’Élysée ? Toujours est-il que L’Humanité ne manque pas, au début du mois de décembre, de relever avec effroi « l’infame comédie »[67] de Gaston Doumergue dont le secrétariat a envoyé à Madeleine Roussenq une fin de non-recevoir sur une nouvelle demande de recours en grâce, la dernière mesure gracieuse datant de moins de six mois. Le prétexte est alors tout trouvé pour organiser un évènement qui doit marquer les esprits le 23 décembre 1928 :

« À Saint-Gilles-du-Gard 1.500 travailleurs protestent contre la répression

… Et réclament la libération de Paul Roussencq

Sur appel des organisations révolutionnaires, plus de 1.500 travailleurs assistaient, dimanche 23 décembre, à la grande démonstration organisée par le S.R.I. pour protester contre la répression capitaliste, contre le maintien au bagne de Paul Roussenq (…). Le meeting eut lieu au Femina Théâtre, devant une salle comble, sous la présidence d’honneur de tous les emprisonnés et la présidence effective du trésorier départemental du S.R.I., qu’assistait la mère du malheureux bagnard, la vieille maman Roussenq. La foule vibrant d’enthousiasme a longuement acclamé nos orateurs : le camarade Bernard, ancien député, pour le S.R.I., et Victor Arrighi pour le parti communiste. Après le meeting, un imposant cortège, à la tête duquel flottaient une quinzaine de drapeaux rouges, défila dans les rues de Saint-Gilles, au chant de L’Internationale, dont le refrain était repris en chœur par des centaines d’ouvriers agricoles qui étaient venus de tous les villages environnants. »[68]

La manifestation s’arrête symboliquement devant la maison de Madeleine Roussenq et se conclut par une collecte rapportant quelques 823 francs dont on ne sait si l’entièreté lui fut remise. Mais dès le mois de janvier 1929, le SRI lui alloue une somme de 100 francs par mois. Nous pouvons ainsi considérer qu’un tournant a été franchi et que le cas Roussenq devient national pour le parti communiste. Le SRI participe même, le 21 novembre 1928 à la salle la Bellevilloise dans le XXe arrondissement de Paris, à un « grand débat sur le bagne sous la présidence d’Émile Rousset[69] » en compagnie des anarchistes Besnard[70] de la CGT-SR et Loréal du journal l’anarchie[71]. Antoine Mesclon[72], auteur de Comment j’ai subi quinze ans de bagne, vient raconter sa douloureuse expérience tandis que « Me Foissin du Secours Rouge exposera l’affaire Roussenq »[73]. Nous ne savons pas s’il y eut affluence mais l’évènement montre que la participation conjointe des anarchistes et des communistes du SRI pourrait devenir front commun. Elle n’est qu’éphémère, les premiers monopolisant à des fins de propagande l’action en faveur du matricule 37664.

Le 3 mars 1929, le Comité Départemental du Gard du SRI pose le principe d’une délégation menée par Layre, Vallat et Borgo auprès de Gaston Doumergue. La démarche est annoncée dans L’Humanité le 17 avril mais la rencontre ne peut se faire, le président étant retenu pour un conseil des ministres à Rambouillet. Les trois délégués sont néanmoins reçus par Mouthon, directeur des grâces peu au fait du dossier Roussenq qu’il promet d’étudier ! Le soir même, « plusieurs centaines de travailleurs affirment leur volonté d’arracher Roussenq au bagne »[74] après avoir écouté le camarade Layre faire son compte-rendu lors du meeting tenu à la salle de la Grange aux Belles dans le Xe arrondissement parisien. L’Humanité minimise un demi-échec. Ils ne sont que trois cents selon un rapport de police à avoir entendu aussi Daniel Renoult, membre fondateur du parti communiste au congrès de Tours en 1920 et « qui exprime son regret de ne pas voir la salle comble »[75], Robert Blache[76] secrétaire du SRI et le conseiller général communiste du Gard Auguste Béchard[77]. La propagande en faveur de Roussenq ne baisse pas les bras pour autant et s’intensifie même en multipliant les réunions, les meetings et les conférences dans tout l’hexagone.

Parallèlement, la Ligue des Droits de L’Homme a entrepris à la fin de l’année 1928 ou au début de 1929 une nouvelle démarche tandis que les anarchistes semblent s’intéresser de plus en plus à « L’affaire Roussenq ». C’est le titre de l’article qu’écrit l’ancien cambrioleur et ancien bagnard Alexandre Jacob pour le numéro 4 du journal Le Réfractaire[78] le 4 avril. La feuille est l’organe de la Ligue internationale des Réfractaires à toutes les guerres dans lequel nous pouvons trouver les signatures de Sébastien Faure, de Victor Méric[79], de Georges Pioch[80] ou encore de Julien Le Pen[81]. Nanti d’un savoir presque universitaire dans le domaine de la justice criminelle, Jacob n’a de cesse depuis sa libération le 30 décembre 1927 de révéler le monstre bagne et d’apporter son soutien à ses anciens camarades d’infortune[82]. C’est lui qui s’occupe de faire publier le Médecin au bagne de son ami Louis Rousseau en 1930[83]. C’est encore lui qui participe à des conférences en 1929 à Paris sur ce qu’il a pu subir en Guyane[84]. C’est enfin lui qui réclame le retour en métropole d’un « homme-cloporte », « injustement, iniquement condamné », « auprès de sa vieille mère qui ne vit que de cet espoir. »[85]

L’affaire Roussenq, pour militante qu’elle soit, déborde vite dans le contexte de critique généralisée du bagne à la suite des articles d’Albert Londres, sur l’ensemble des médias hexagonaux. Elle réunit, il est vrai, tous les ingrédients d’une facile et populaire dramaturgie que l’on lit ordinairement dans les romans feuilletons  : un homme frappé du sceau de l’infamie et expiant son crime si léger dans le bas-fond des bas-fonds à plus de sept mille kilomètres de chez lui ; une femme – sa mère-courage de plus de soixante-dix ans – qui l’attend ; de la souffrance, de l’exotisme, de l’aventure, de la révolte mais aussi de la droiture. 

Mais l’histoire de Roussenq est vraie et le tout nouveau magazine Détective[86] ne manque pas de s’y intéresser à son tour. La revue organise, depuis son numéro 7 en date du 13 décembre 1928, un « Grand Référendum – Concours ». Le grand hebdomadaire des faits divers soumet à son lectorat une liste de dix forçats dont la triste destinée et le dossier sont révélés dans les numéros suivants. Aux lecteurs ensuite de répondre à la question : « Si vous aviez le droit de grâce, auquel entre ces dix forçats l’octroyeriez-vous ? » [87]. Roussenq fait partie des heureux élus, prétendant au couronnement du bon bagnard. L’ancien gouverneur de la Guyane, Jean Charles Chanel, prend même fait et cause pour L’Inco dans les colonnes du numéro 12 de Détective. Il souhaite son retour en France :

« Roussenq peut être gracié. Lourdement, il a payé une erreur de jeunesse, et son treillis brûlé, et sa violence et ses fautes contre les règlements du bagne. Sa vieille mère espère toujours : elle l’attend. Roussenq à nouveau sera un homme. Il me l’a promis et, malgré mes trois ans de Guyane, je crois encore à la parole des misérables qui savaient et qui pouvaient encore me regarder en face lorsque je leur parlais d’honneur. » [88]

Le 4 avril et seize numéros plus tard, l’hebdomadaire annonce Paul Roussenq vainqueur devant Paul Vial[89] et Guillaume Seznec[90]. La manœuvre journalistique, bien que largement décrié par les moscoutaires du SRI, touche :

« Tel est l’homme que la majorité de nos lecteurs a jugé digne d’obtenir la grâce, de rentrer en France, d’être rendu à sa vieille mère, d’être fidèle au serment qu’il a fait : redevenir un homme. Tel est l’homme dont nos lecteurs nous ont donné l’impérieuse mission de réclamer la liberté. »[91].

La manœuvre journalistique amplifie aussi l’action politique de l’association communiste en sa faveur. La manœuvre journalistique impacte enfin la demande de grâce faite par la Ligue des Droits de l’Homme. Le 9 janvier 1929, le ministre de la guerre demande son avis à son collègue des colonies sur l’opportunité d’une clémence pour Roussenq qui fait l’objet d’un recours en grâce[92]. Le 12 janvier, le gouverneur Siadous reçoit une demande de renseignement du ministère des colonies et répond le 19 mars que Roussenq :

« n’est encore que 3e classe, il ne se trouve donc pas dans les conditions réglementaires fixées à l’article 4 du décret du 18 septembre 1925 pour être l’objet d’une proposition de mesure gracieuse de la part de l’administration pénitentiaire »[93].

L’avis du gouverneur n’est pas pris en compte. Le décret présidentiel du 6 août 1929 confirme l’hypothèse que la campagne menée par le SRI est, bien malgré elle, venue appuyer la requête de la LDH : Roussenq est libre. Le 27 août le ministre des colonies accuse réception de la lettre du ministre de la guerre lui annonçant la grâce de Roussenq et signale la notifier pas voie aéropostale au gouverneur de la Guyane[94] qui la reçoit le 24 septembre. La missive est transmise au directeur de l’AP qui, de Saint-Laurent-du-Maroni, expédie aux îles du Salut l’ordre de libération par télégramme. Le 30 septembre à seize heures, le surveillant militaire de 3e classe Nicolaï établit le procès-verbal de notification de la mesure de clémence. Le papier est contresigné par Paul Roussenq, désormais forçat de 4e catégorie , 1e section, matricule 16185[95].


[1] Bernard Jacques Victorin Siadous (1879-1967) est gouverneur de la Guyane de 1929 à 1931.

[2] AN, Fonds Moscou, 19940472/ article 291/ dossier 26154 : Roussenq Paul 1933-1940.

[3] Le Parti communiste est issu de la scission opérée au congrès de Tours (25-30 décembre 1920) à la suite de l’épineuse question de l’affiliation ou non à la IIIe internationale. La Section Française de l’Internationale Communiste ainsi créée devient Parti Communiste l’année suivante, abrégé en PC-SFIC jusqu’en 1943.

[4] ANOM, H1523.

[5] Magdelaine Pélouzet, Veuve Roussenq, est née en 1854. Le prénom apparait aussi sous la forme de « Madeleine » dans les divers articles et pièces administratives que nous avons pu consulter.

[6] Ouvrier agricole, né à Anduze en 1883, il adhère à la SFIO en 1905 puis au parti communiste en 1924. Elu maire de Lédignan en 1925, il est conseiller général du Gard depuis 1913. DMA, notice Béchard Auguste.

[7] AN, Fonds Moscou, 19940472/ article 291/ dossier 26154 : Roussenq Paul 1933-1940.

[8] ANOM, H1523. Rapport du gouverneur de la Guyane au ministre des Colonies, 4 mai 1925.

[9] ANOM, H1523. Rapport du gouverneur de la Guyane au ministre des Colonies, 26 janvier 1926.

[10] Il faut attendre 1936 pour que le PCF obtienne deux sièges dans le département ; Auguste Béchard et Fernand Valat deviennent alors députés.

[11] Jean et Étienne Joujou ont été surtout actifs avant la première guerre mondiale. Ils sont condamnés avec Émile Jourdan le 6 novembre 1900, à vingt jours de prison après avoir défenestré les urnes lors des élections municipales d’Aimargues, le 6 mai de cette année. Élu maire d’Aimargues en 1908, Jean Joujou est suspendu par arrêté préfectoral deux ans plus tard pour avoir refusé de loger un escadron de gendarmerie venu sécuriser les lieux pendant une grève des ouvriers viticoles. Si Étienne Joujou est qualifié d’anarchiste « à surveiller » par la police en 1923, son frère Jean quitte le groupe local trois ans plus tard. Il est même rayé en 1922 du carnet B du Gard le signalant depuis 1914 comme « antimilitariste dangereux ». DMA, notices Joujou Jean et Étienne.

[12] Maire de 1919 à 1926 et de 1933 à 1944.

[13] « En 1929, la famille Makhno descendit à Aimargues (Gard), où le groupe anarchiste l’avait invité. Sa femme et sa fille restèrent un an dans la ville, où Lucie fut scolarisée. Puis Galina, excédée par les contrôles quotidiens de la gendarmerie, préféra regagner la capitale. » DMA, notice MAKHNO Nestor ; le révolutionnaire anarchiste ukrainien dont l’armée, la fameuse Makhnovtchina, mit en pièce l’envahisseur allemand en 1917 avant d’être décimée par l’Armée Rouge de Trotsky, est en France depuis 1925.

[14] 22 janvier 1923 dans les locaux de l’Action Française à Paris. Sur le sujet voir, Frédéric Lavignette, Germaine Berton, une anarchiste passe à l’action, L’Échappée, 2019.

[15] Pauline Cazalis, L’anarchisme entre lutte sociale et prise de pouvoir : Aimargues 1900-1951, mémoire de maîtrise en histoire contemporaine, Université Paul Valéry – Montpellier III, septembre 2001, p.36.

[16] Né le 11 juin 1877 à Aimargues, Urban Ravel, dit Crosti, est responsable de la fanfare libertaire L’idéal qui compte une cinquantaine de membres et qui anime bals et fêtes de la région. DMA, notice Ravel Urban.

[17] Laurent Lasgoute, 1893-1960, accueille chez lui Germaine Berton et l’orateur anarchiste Jules Chazoff en 1924. Il est secrétaire du groupe local deux ans plus tard. DMA, notice Lasgoute Laurent.

[18] Né en 1877, Charles Lamazères, ouvrier agricole, est aussi aide-comptable de la coopérative locale de consommation La Fourmi mais il quitte le groupe anarchiste vers 1927. DMA, notice Lamazères Charles.

[19] Paul Jourdan, 1901-1979, est le frère de Jean Jourdan qui participe à l’accueil de Paul Roussenq en 1934 (voir chapitres « A working class hero is something to be » et « L’indésirable Chemineau »). S’il cesse de militer avant la 2e guerre mondiale, Il fut néanmoins secrétaire du Comité de libération d’Aimargues en 1944, aux côtés de son frère . DMA, notice Jourdan Paul.

[20] AD Gard, 1M734, lettre du commissaire spécial au préfet du Gard, 11 janvier 1927. Cité dans Pauline Cazalis, op. cit., p.41.

[21] Pauline Cazalis, op. cit., p.43.

[22] Pauline Cazalis, op. cit., p.44.

[23] André Colomer, 1886-1931, après avoir été rédacteur à l’anarchie puis, après-guerre au Libertaire et à la Revue anarchiste, animateur de l’Union Anarchiste, donne son adhésion au Parti communiste en 1927. Il est alors rédacteur à L’Appel des soviets et secrétaire de l’association Les Amis de l’U.R.S.S. où il part vivre après 1928. DMA, notice Colomer André.

[24] Robert Dumas, 1898-1985, et le beau-frère de Laurent Lasgoute. DMA, notice Dumas Robert.

[25] De son vrai nom Jean Jisla, René Ghislain, 1891-1934, adhère en 1919 au mouvement anarchiste ; il est un des principaux militants de l’Hérault et est, en 1926, l’un des organisateur à Nîmes, du meeting de soutien à Sacco et Vanzetti. Influencé par André Colomer, qu’il conspue pourtant en 1928, il adhère au parti communiste en 1932. DMA, notice Ghislain René.

[26] AD Gard, rapport du commissaire spécial de Nîmes au préfet du Gard, le 6 février 1928, cité dans Pauline Cazalis, op. cit., p.44.

[27] Pauline Cazalis, op. cit., p.59.

[28] Ouvrier agricole, Joanin Malbos, 1887-1959, quitte le PCF en octobre 1936 ; il tente l’année suivante de monter à Saint-Gilles-du-Gard un groupe anarcho-communiste. Son frère, César Malbos (1893-1968), est en 1923 secrétaire de la Fédération Communiste du Gard. (DMA, notices Malbos Joanin et Malbos César)

[29] DMA, notice RENON Alexandre.

[30] Inscrit comme menuisier dans l’annuaire de Saint-Gilles-du-Gard de 1925, Louis Perruchon ne semble pas avoir été inscrit comme militant communiste. Il fait partie des amis d’enfance de Paul Roussenq qui le qualifie de « camarade » dans ses courriers en date du 10 octobre et du 14 novembre 1927 et du 23 juin 1928. Le 5 mars 1928, Roussenq signale que Malbos et Perruchon « s’occupent infatigablement en notre faveur. » (AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1)

[31] Georges Salonic, article « Roussenq l’Inco » dans Paris-Soir, 28 mars 1937.

[32] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1.

[33] Dans cette lettre et dans les sept autres que contient le dossier 309J1 du fonds Boiteau des AD de la Seine-Saint-Denis et qu’il envoie à sa mère entre le 10 octobre 1927 et le 19 août 1928, Paul Roussenq cite encore Louis Almayrac ainsi que les nommés Drivoux, Siboul, Clauzel, Durand-Richard,  Chaumette et ses « camarades d’enfance qu’il serait trop long d’énumérer. » (lettre du 5 février 1928) Il dresse pourtant de mémoire le 19 août 1928 une liste d’une centaine de saint-gillois potentiellement susceptibles de rallier sa cause et qu’il conclut en écrivant : « Vive la liberté ! »

[34] Soit la IIIe Internationale, structure institutionnelle du mouvement communiste créée à Moscou le 2 mars 1919.

[35] Article « Le Secours rouge » dans L’Humanité, 5 mars 1923, p.5.

[36] D’abord bimensuelle, la feuille devient hebdomadaire à partir de 1931.

[37] Lors du congrès d’Alès du 3 mars 1929, le SRI pouvait s’enorgueillir de 25 sections dans le Gard regroupant près de 500 adhérents.

[38] Lettre de Gabriel Cartier du SRI Beaucaire, 31 août 1928. Il est caustique de remarquer que le nombre de signatures passe à 600 dans les colonnes de L’Humanité quand le quotidien communiste s’empare de l’affaire Roussenq. AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1.

[39] Militant à l’Association Républicaine des Anciens Combattants (ARAC) et syndiqué à la CGT, Jacques Duclos (1896-1975), adhère au parti communiste dès sa fondation en décembre 1920. Il est membre du Comité Central du parti depuis 1926 et député de la Seine depuis le 28 mars de cette année.

[40] L’Humanité, 28 septembre 1928.

[41] Article « Notre action contre un crime des conseils de guerre » dans La Défense, p.1, vendredi 6 janvier 1933.

[42] DBMO, notice Cartier Gabriel.

[43] Né en 1889, Emmanuel Layre, mineur, est en 1922 à l’origine de la fondation du syndicat des mineurs unitaires de Saint-Jean-de-Valériscle et du syndicat des métallurgistes unitaires d’Alès. Militant communiste, il est également actif au sein du S.R.I. du Gard. DBMO, notice Emmanuel Layre.

[44] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1, lettre du Service Juridique du SRI, 22 août 1928.

[45] Robert Foissin (1896-1955) est même depuis 1928 membre de la commission exécutive de la section française du SRI et du Comité national des Amis de l’Union soviétique. Conseiller juridique de ce pays de 1930 à 1941, il tente aussi de négocier auprès des Allemands entrés dans Paris la parution légale de L’Humanité à l’été 1940, ce qui lui vaut son exclusion du Parti communiste. DBMO, notice Foissin Robert.

[46] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1, lettre de Gabriel Cartier, 31 août 1928.

[47] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1, lettre de Gabriel Cartier à Robert Foissin, 26 novembre 1928.

[48] Ibid.

[49] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1, lettre de Gabriel Cartier, 26 septembre 1928.

[50] Roussenq exagère en se laissant aller à une évidente jalousie. Anarchistes comme lui, Dieudonné et Jacob sont en revanche des vedettes à leur arrivée aux îles du Salut après avoir défrayé la chronique judiciaire en métropole. De là, l’allusion à la « petite flambée de hardes militaires ». Mais Alexandre Jacob est en France depuis 1925, il sort libre de la centrale de Fresnes le 31 décembre 1927 après avoir passé plus de vingt-quatre années de prison et de bagne d’où il tente de s’évader plus d’une dizaine de fois. C’est par l’entremise de sa mère Marie Jacob que se crée un puissant réseau de soutien allant d’Albert Londres au sénateur-maire de Cahors Anatole de Monzie en passant par le docteur Louis Rousseau et l’avocat André Aron ou encore le journaliste Louis Roubaud. Rappelons encore que c’est au Brésil qu’Albert Londres est allé chercher l’évadé Eugène Dieudonné après avoir obtenu sa grâce en 1927.

[51] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1.

[52] Raoul Courtois est né en 1901. DBMO, notice Courtois Raoul.

[53] Jacques Doriot, 1898-1945, est un des membres imminent du parti communiste français avant son exclusion en 1934 et son évolution vers le fascisme (le Parti Populaire Français est créé en 1936) et la collaboration. C’est lui qui organise les Jeunesses Communistes en 1923 et fait de Saint-Denis un bastion rouge en 1931.

[54] Raoul Courtois, article « À bas les conseils de guerre – Pour quarante francs, un soldat souffre au bagne depuis 20 ans ! » dans L’Humanité, 28 septembre 1928.

[55] Né en 1874, il forme avec sa femme Betty Brunschvicg, de vingt ans sa cadette, un couple d’avocats renommés du barreau de Paris. Militant socialiste et à la LDH, Goudchaux Brunschvicg est aussi le frère du philosophe Léon Brunschvicg (1869-1944).

[56] La Contemporaine, F Delta Res 798-507, note sans date, écrite très certainement en 1929 puisqu’on trouve une allusion à la lettre de Madeleine Roussenq dans Les Cahiers des Droits de L’Homme en date du 30 novembre 1929 (p.700).

[57] ANOM, H1523.

[58] Article « Le soldat Roussenq malgré les promesses faites à sa famille finira ses jours au bagne » dans L’Humanité, 9 octobre 1928.

[59] Ibid.

[60] Daniel Vidal, op. cit., p.20.

[61] Le Petit Provençal, 15 octobre 1928.

[62] Fernand Valat, 1886-1944, maire communiste d’Ales depuis 1925, il est élu conseiller général du Gard en 1928. Élu député en 1936, il vote les pleins pouvoirs à Pétain quatre ans plus tard après avoir quitté le Parti communiste à la suite de l’accord germano-soviétique. Trésorier du Parti Ouvrier et Paysan Français il est fusillé en 1944 pour collaboration. DBMO, notice Fernand Valat.

[63] Louis Chapon, 1879-1943, est communiste depuis la création du parti au congrès de Tours. Conseiller général du Gard depuis 1925 et conseiller municipal d’Ales depuis 1929, il est maire de cette commune en 1936. DBMO, notice Chapon Louis.

[64] Article «Sur proposition communiste le conseil général du Gard vote plusieurs vœux en faveur de l’amnistie » dans L’Humanité, 5 novembre 1928, p.4.

[65] Article de Raoul Courtois dans L’Humanité, 20 novembre 1928.

[66] « Madame, Je viens de trouver, à mon retour à Paris, votre lettre du 9 octobre : je m’excuse donc d’avoir autant tardé à vous répondre. Je vous remercie tout d’abord des sentiments que vous voulez bien m’exprimer ; je n’ai fait que mon devoir en m’adressant à votre malheureux enfant ; et je continuerai à m’en occuper car je crois qu’il peut reprendre sa place auprès de sa vieille maman. Je vous écrirai dès que je saurai où en est son affaire. Veuillez agréer Madame mes hommages respectueux. » AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1, lettre de l’ancien gouverneur Chanel, 22 octobre 1926.

[67] Raoul Courtois, article « Doumergue écrit à la mère du bagnard Paul Roussenq que son fils restera en Guyane » dans L’Humanité, 2 décembre 1928, p.2.

[68] Article « À Saint-Gilles-du-Gard 1500 travailleurs protestent contre la répression » dans L’Humanité, 26 décembre 1928, p.3.

[69] Émile Rousset, 1883-1961, se rapproche de la mouvance anarchiste à son retour des Bataillons d’Afrique en 1912 après l’affaire Aernoult-Rousset (voir chapitre « Graine de bagne »).

[70] Pierre Besnard, 1886-1947, fondateur en 1926 de la CGT-SR (syndicaliste révolutionnaire) à la suite d’une scission avec la CGT-U contrôlée par le parti communiste. DMA, notice Besnard Pierre.

[71] Louis Raffin, dit Loréal, 1894-1956, typographe, correcteur et chansonnier, animateur après-guerre du journal créé par Libertad en 1905 et repris en avril 1926 par Louis Louvet et Simonne Larchet, il écrit aussi dans Le Libertaire où il défend l’idée d’un pacifisme intégral. DMA, notice Raffin Louis.

[72] Le 24 juillet 1904, Antoine Mesclon est condamné à 6 ans de travaux forcés par la cour d’assises de la Drôme pour vol qualifié et tentative de meurtre ; embarqué le 30 juin 1905, le matricule 34399 est libéré le 12 mars 1910 ; il peut alors rentrer en France en 1920 après avoir purgé ses six années de doublage (ANOM H1555 H4090/b). Son livre publié à compte d’auteur une 1e fois en 1924 connait deux rééditions augmentées en 1926 et 1931. Il semble vivre de la vente de ses souvenirs et participe à des causeries sur le bagne comme celle organisée en 1929 salle Wagram à Paris par Alexandre Jacob.

[73] AD Seine-Saint-Denis, Fonds Boiteau, 309J1.

[74] L’Humanité, 19 avril 1929, p.2.

[75] AN, fonds Moscou, 19940472, article 291, dossier 26154, Roussenq, compte-rendu de la réunion du 17 avril 1929 à La Grange aux Belles.

[76] Robert Blache, 1898-1944, adhère au parti communiste en 1923. DBMO, notice Blache Robert.

[77] AN, fonds Moscou, 19940472, article 291, dossier 26154, Roussenq, compte-rendu de la réunion du 17 avril 1929 à La Grange aux Belles.

[78] Le bulletin de la Ligue des réfractaires à toutes les guerres connait treize numéros d’octobre 1927 à décembre 1932. Le titre est repris en 1974 par May Picqueray. D’après René Bianco, Répertoire des périodiques anarchistes de langue française : un siècle de presse anarchiste d’expression française, 1880-1983, Aix-Marseille, 1987

[79] Victor Méric, 1873-1933, militant communiste de 1920 à 1923 après avoir été proche des anarchistes individualistes avant-guerre, le journaliste et écrivain, pacifiste et antimilitariste, n’en garde pas moins des amitiés libertaires solides.  DMA, notice Méric Victor.

[80] Georges Pioch, 1873-1953, journaliste et homme de lettres, il fréquente les anarchistes avant-guerre et collabore aussi bien au Libertaire qu’à Gil Blas ; rallié à l’Union Sacrée pendant la guerre, il retrouve assez vite ses opinions antimilitaristes et adhère au parti communiste dès sa création avant d’en être exclu en 1923. Pioch se consacre alors au journalisme et à la propagande pacifiste. DBMO, notice Pioch Georges.

[81] Julien Le Pen, 1878-1945, participe en 1920 à la fondation des Comités Syndicalistes Révolutionnaires qui sont exclus de la CGT l’année suivante. Après avoir représenté la tendance anarcho-syndicaliste de la CGTU, il participe à la fondation de la CGT-SR en 1926. Sur Pierre Besnard, voir Sylvain Boulouque,  Julien Le Pen, un lutteur syndicaliste et libertaire, Atelier de Création Libertaire, 2020.

[82] Alexandre Jacob, L’homme libre, Éditions de La Pigne, 2022, préface Jean-Marc Delpech.

[83] Docteur Louis Rousseau, op.cit., réédition Nada 2020, préface Jean-Marc Delpech et Philippe Collin.

[84] Alexandre Jacob, op.cit., Éditions de La Pigne, 2022, préface Jean-Marc Delpech.

[85] Alexandre Jacob, article « Affaire Roussenq » dans Le Réfractaire, n°4, avril 1929.

[86] 582 numéros du magazine, de 1928 à 1940, sont consultables sur la bibliothèque du site internet de Criminocorpus : https://criminocorpus.org/fr/bibliotheque/collections/detective/

[87] Détective, n°7, 13 décembre 1928 : « Voici les résultats de notre référendum – concours : 1er Roussenq, 2e Vial, 3e Seznec, 4e Le Guellec, 5e Blengino, 6e Ullmo, 7e Bougrat, 8e Amour Lakdar, 9e Duez, 10e Gruault ».

[88] Détective, n° 12, 17 janvier 1929

[89] Voir chapitre « L’archipel panoptique ».

[90] Les travaux forcés à perpétuité le 4 novembre 1924 pour l’assassin présumé du conseiller général Quémeneur. Guillaume Seznec, qui a toujours clamé son innocence, est au bagne jusqu’en 1947.

[91] Détective, n°23, 4 avril 1929.

[92] ANOM, H5259.

[93] ANOM, H1523.

[94] Ibid, accusé de réception d’avis de grâce, 27 août 1929.

[95] ANOM, H5259.

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