Les Black Blocs
II - LES BLACK BLOCS EN DEBAT
SACCAGER OU CONSTRUIRE UN MOUVEMENT
Les Black Blocs et leurs alliés se sont attirés des attaques souvent virulentes de toutes les parties du spectre politique. Plusieurs condamnent les Black Blocs sans pitié, jugeant leurs actions criminelles, amorales ou totalement inefficaces. Le texte repris ici, signé par Michael Albert, critique les Black Blocs de façon nuancée. Il encourage les militants à réfléchir aux leçons de l’histoire du mouvement de contestation de la fin des années 1960. Michael Albert est lui-même un militant influent de la gauche américaine depuis les années 1960, alors qu’il luttait contre la guerre du Vietnam. Il anime notamment l’important site Internet Zmag (www.zmag.org). Il a développé une proposition d’économie d’inspiration libertaire, connue sous le nom d’économie participative (Écopar) [1].
Albert considère les Black Blocs avec sympathie, mais il ne peut s’empêcher d’être critique de leurs actions. Son texte, écrit après Seattle, reste encore aujourd’hui l’une des prises de position critique la plus sérieuse à l’égard du Black Bloc. Sans nier que la violence des Black Blocs soit infiniment moins destructrice que celle du capitalisme, et sans nier qu’il puisse parfois être nécessaire d’avoir recours à la force pour contester l’ordre établi, Albert n’en critique pas moins les Black Blocs pour avoir manqué de jugement à Seattle : leur saccage a sali l’image du mouvement et en a détourné certains citoyens qui étaient peut être prets à s’y joindre. Comme Susan George d’ATTAC, Michael Albert reproche aussi aux Black Blocs d’agir en marge du mouvement et de détourner le message des manifestations par leurs actions violentes. Du coup, les Black Blocs seraient antidémocrates car insensibles aux voeux de la majorité des manifestants [2].
Ce texte - qui doit être lu en parallèle au Communiqué du collectif-ACMÉ - est emblématique des critiques adressées du côté de la gauche modérée aux radicaux des Black Blocs et permet de se faire une bonne idée des débats entourant ce phénomène. Il est intéressant de noter que certains reproches lancés par Albert, concernant, par exemple, le manque de solidarité des Black Blocs avec les autres manifestants, ne pourraient s’appliquer aux manifestations de Washington D.C. ou de Québec, là où précisément les Black Blocs se portèrent à la défense des autres manifestants.
(FDD)
SACCAGER OU CONSTRUIRE UN MOUVEMENT [3]
Voici une contribution au débat post-Seattle qui laisse plusieurs personnes perplexes au sujet des tactiques d’un mouvement social ou politique. En guise d’entrée en matière, il va de soit, je l’espère, qu’en ce qui a trait à la violence, tout le monde s’entend pour dire que la faction violente à Seattle était composée d’abord et avant tout par le Président des États-Unis, son entourage, les autres chefs d’État, les dirigeants de l’OMC, etc. La violence déclenchée par un trait de plume qui provoque la pauvreté surpasse toujours largement celle de la brique lancée dans une vitrine - sans compter que la première entraîne et maintient l’injustice alors que la seconde la combat. De fait, dans un vaste débat public, en ce qui concerne la morale et les faits statistiques, il ressort que la seule violence physique dans les rues de Seattle, mis à part la couverture des médias de masse, était celle perpétrée par la police et la garde nationale et ordonnée par l’État. Sur une échelle de mesure de la violence, le niveau de violence des saccages de vitrines sera toujours largement dépassé par le niveau de violence du poivre de Cayenne, des balles de caoutchouc et des matraques ciblant les citoyens qui voulaient se dissocier des infâmes ordres du jour économiques. Mais l’écart est beaucoup moins marqué sur une échelle de mesure des motivations. Le débat public au sujet des tactiques du mouvement prendra une ampleur démesurée en raison de la désinformation des médias de masse manipulateurs. La question des tactiques à adopter telle qu’elle se pose au sein des mouvements sociaux et politiques retient cependant l’attention en raison de ses implications éventuelles sur les attitudes des militants envers le vandalisme, l’attaque contre la propriété, la désobéissance civile et d’autres tactiques possibles lors de manifestations aussi bien que la participation même à des manifestations. Cela étant dit...
Toute discussion valable au sujet des tactiques à adopter par un mouvement doit porter sur leur efficacité en termes d’élargissement du mouvement et sur leur capacité à permettre de remporter des gains à court terme tout en posant des jalons pour atteindre des objectifs à plus long terme. Évaluer des tactiques consiste à juger de leur capacité à faire prendre de l’ampleur au mouvement ou à le faire décliner et à augmenter ou à diminuer la possibilité d’atteindre immédiatement certains buts.
J’ai déjà participé à des manifestations dans lesquelles le recours au vandalisme découlait naturellement de la logique et des buts de la manifestation elle-même - par exemple, les attaques préparées à l’avance contre les bureaux de recrutement ou les bâtiments du ROTC [4]. J’ai aussi participé à des manifestations où le vandalisme était contre-productif et irresponsable - par exemple, parce qu’il mettait en danger des innocents et parce qu’il atténuait le message et l’esprit de solidarité que voulait véhiculer la manifestation. Qu’en était-il à Seattle ?
Seattle fut la scène d’une très grande manifestation et ceux qui avaient travaillé sans relâche à l’organiser étaient partisans de défilés et de rassemblements légaux ainsi que d’actes de désobéissance civile illégaux mais non-violents. Plus de 70000 personnes prirent part à cette manifestation. Le succès des premiers jours fut extraordinaire et des liens de respect mutuel se tissèrent dans un ensemble de groupes généralement fragmentés (les Tortues et les Teamsters, les Lesbian Avengers et les Travailleurs de l’acier). L’idée que la désobéissance civile irait en grandissant réjouissait les esprits et l’optimisme était contagieux. Il y avait de plus en plus de participants à la manifestation et à la surprise générale, la réunion officielle de l’OMC était déjà sérieusement compromise. La police commença à utiliser des gaz lacrymogènes, des matraques et des balles de caoutchouc. C’est à ce moment que les vandales très bien organisés commencèrent à saccager des vitrines. Après coup, ils se vantèrent qu’aucun d’entre eux n’avait été arrêté ou blessé grâce à leur mobilité et à leur organisation.
Je ne me souviens que trop bien de certaines manifestations des années 1960 au cours desquelles des dissidents surexcités injurièrent et provoquèrent la police puis s’éclipsèrent, laissant les autres manifestants, souvent des familles nullement préparées, faire les frais de la répression policière. J’ai toujours été beaucoup plus impressionné par le courage de ceux qui pouvaient facilement prévoir ce qui allait se passer et qui, au lieu de se défiler, utilisèrent leurs talents pour protéger les manifestants moins bien préparés, que par l’instinct de préservation de ceux qui entraînaient la répression puis quittaient la scène. Au cours des années 1960, cette dernière attitude de la part des vandales était le résultat d’un ensemble d’attentes et d’espoirs erronés. Je suppose qu’il en est de même aujourd’hui.
Imaginons qu’à Seattle, les différents groupes qui apportèrent leur énergie, leurs chants, leur créativité et leur militantisme lors des rassemblements, tout spécialement en participant à la désobéissance civile, ne saccagèrent pas des vitrines pour couronner le tout, mais qu’ils restèrent avec les autres pour les protéger, portant secours aux blessés et à ceux qui souffraient d’émanations de gaz [5]. Ceci aurait couronné leur participation à la manifestation, sinon plutôt positive, par un comportement exemplaire en faveur de leurs camarades, au lieu de ces attaques de vitrines contre-productives. L’anarchisme associé à cette action aurait alors évoqué un militantisme créatif teinté d’humanisme et de solidarité, au diapason avec l’ensemble de l’implication anarchiste dans les manifestations de Seattle.
Est-ce que ceci veut cependant dire qu’il n’y a jamais place pour la confrontation et la destruction de la propriété ? Bien sûr que non, du moins pas de mon point de vue. Ce genre de comportement est approprié en temps et lieux, c’est-à-dire quand il est approuvé par la majorité et qu’il augmente la puissance de la protestation plutôt que de servir de prétexte pour s’en désolidariser ou pour devenir hostile à la manifestation. Jusqu’au moment où le vandalisme débuta, les anarchistes à Seattle apportèrent de l’énergie, de la créativité, de l’art, de la musique et un militantisme souvent nécessaire, du courage et de la détermination à plusieurs lieux de rassemblement. Ils relevèrent le moral des manifestants et jouèrent un rôle très positif en accord avec la ligne de conduite définie par les organisateurs de la manifestation. Le problème ne survint qu’au moment où quelques-uns d’entre eux commencèrent à saccager des vitrines, transgressant ainsi les normes de la manifestation. Et il y a lieu de noter que ce n’est pas seulement le vandalisme qui peut être ou non justifié. Il en va de même de la désobéissance civile, parfois tout aussi malvenue. Elle aussi peut ne pas respecter l’esprit de ceux qui ont organisé une manifestation, de telle sorte que s’engager spontanément dans la désobéissance civile viole la logique de l’événement et contredit ce qui avait été annoncé, ce qui a pour effet de miner la solidarité plutôt que de l’encourager et d’effaroucher les gens qui développaient une attitude de dissident. En d’autres occasions, cependant, la désobéissance civile est nécessaire et elle est même un gage de succès, comme à Seattle, par exemple. Dans le même ordre d’idées, une simple marche de protestation peut parfois être risquée, alors qu’il s’agit de la tactique idéale à adopter dans d’autres cas.
En d’autres termes, c’est rarement une question de principes stricts que de savoir quelles tactiques sont justifiées ou non au cours d’une manifestation et vont aider ou non un mouvement à grandir et à se renforcer plutôt que de nuire au mouvement ainsi qu’à sa cause. Tout cela dépend presque toujours de la façon dont la manifestation en question a été organisée et annoncée, qui y participe, quels sont les espoirs et les craintes qui y sont associés, quelles sont les possibilités d’avoir une influence sur les changements sociaux et comment la manifestation et les tactiques employées peuvent être perçues et exercer un effet sur les citoyens qui ne sont pas impliqués. Malheureusement, à partir du moment où des militants adoptent une attitude de vandales, ils ne tiennent pas compte de tous ces facteurs. Vandaliser est bien, pensent-ils tout à leur exubérance, puisque les cibles sont après tout des corporations criminelles.
Leur causer des dommages serait donc un pas vers leur démystification et leur destruction. N’importe qui s’opposant à de telles actions ne peut être qu’un allié des corporations, clament-ils. L’esprit militant ne doit plus chercher à départager la conséquence de diverses tactiques, mais seulement identifier les cibles à attaquer. Or l’acmé [6] de la sagesse ne consiste pas à déduire que McDonald’s et Nike constituent de meilleures cibles que les passants ou une épicerie familiale. En ce qui concerne Seattle, et en dépit d’autres contributions infiniment valables à la manifestation, le nombre relativement minuscule de participants qui sont parvenus à imposer leurs tactiques à une démonstration de masse ont agit de façon antidémocratique. Cela ne devrait pas se reproduire.
Avant même que le saccage ne se produise, les actions de Seattle avaient déjà complètement coupé l’élan de l’OMC. Elles avaient déjà mis en évidence l’esprit créatif des militants, leur sens de l’organisation et leur connaissance. Elles avaient déjà permis de créer des liens et de nouvelles alliances entre différents groupes. Elles avaient déjà réussi à combiner plusieurs types de tactiques créatrices et militantes en un mélange de support mutuel. Les discours aux rassemblements avaient déjà, à plusieurs reprises, démontré les liens évidents entre l’opposition au libre-échange et l’opposition aux libres marchés ainsi qu’entre l’opposition au profit à l’opposition au capitalisme en soi. La table était mise pour que chacun se mette à la tache que nous devons accomplir. Le vandalisme qui vint s’ajouter à tout cela n’a eu aucun effet positif. Il n’a pas permis d’obtenir plus de visibilité utile. Il n’a pas élargi le nombre de personnes participant à la manifestation ni des sympathisants à sa cause. Il n’a pas permis de diffuser plus d’information substentielle ni au centre ni à gauche. Il n’a pas respecté la vaste démocratie. Ce qu’il a fait, par contre, c’est de (a) détourner l’attention des problèmes fondamentaux ; de (b) servir de prétexte à la répression qui autrement aurait été perçue comme frappant une opposition légitime ; et (c) peut-être plus important encore, provoqué le sentiment que la dissidence n’est pas constituée d’acteurs se respectant mutuellement, mais plutôt d’acteurs - ou à tout le moins quelques uns - peu sympathiques et s’arrogeant le droit de violer antidémocratiquement les intentions et les choix de la majorité.
Comprenons-nous bien au risque de nous répéter encore une fois : il ne s’agit pas de décider si le saccage en soit est bon ou mauvais. Supposons que les saccageurs, au lieu de briser des vitrines, aient provoqué un esprit de corps et protégé des individus en aidant les manifestants victimes des assauts de la police. Supposons que des centaines et des milliers d’étudiants et de travailleurs de plus aient rejoint les rangs de la désobéissance civile. Supposons que l’État ait utilisé des gaz lacrymogènes et des charges de policiers à répétition pour annihiler ces efforts. Et supposons, dans ce contexte, qu’une bonne partie des habitants de Seattle et de l’« auditoire » du pays se soient sentis solidaires des manifestants qui enfreignent la loi. Maintenant imaginons, toujours dans ce contexte, que la police charge et que les manifestants, au lieu de fuir, décident de défendre leurs positions. Encore mieux, supposons qu’ils décident qu’il était temps de repousser les policiers. Imaginons que cela ait entraîné des batailles, que des voitures soient renversées, que des barrières soient dressées, etc. Les dommages à la propriété, dans ce genre de mêlées, dépasseraient largement ceux commis à Seattle et les manifestants se seraient sans doute attaqué à d’autres cibles que les entreprises, causant même des dommages à la propriété d’innocents. On peut dire que tout cela n’apporterait rien de bon, mais je dirai que cela produirait une réaction complètement différente et procéderait d’une autre logique que le saccage commis à Seattle. Au lieu de le diminuer, cela augmenterait le nombre de mouvements et de groupes qui s’impliqueraient dans la contestation. Par conséquent il y a un jugement de valeur à faire lorsqu’on décide d’adopter une tactique en particulier.
Une tactique est parfois sage, d’autres fois la même tactique est inappropriée. Ce qui était mauvais en ce qui concerne les militants qui ont eu délibérément recours au vandalisme à Seattle était que (1) en dépit de leurs contributions valables et constructives à la manifestation, leur recours au vandalisme constituait une grave erreur de jugement. De plus, (2) ils ont cru de façon égocentrique que leur seul jugement suffisait à justifier leur transgression scpectaculaire des normes acceptées par les dizaines de milliers d’autres manifestants.
Saccager des vitrines ne suffit pas pour changer la société. Il s’agit plutôt de s’engager dans un processus qui consiste à éveiller les consciences et à former des mouvements pour ensuite obtenir, au profit des différents groupes, des gains qui permettront à leur tour de créer des conditions favorables pour d’autres victoires qui mèneront à des changements permanents des institutions en place. Cultiver la confiance et la solidarité d’un mouvement d’ensemble - et pas uniquement d’un petit groupe d’affinité, mais bien d’un vaste mouvement d’ensemble - est une partie importante de ce programme. La cohérence, la confiance et la solidarité ne sont pas renforcées quand de petits groupes vont à l’encontre du programme d’immense manifestation de façon antidémocratique pour suivre leurs inclinaisons personnelles, même quand ils invoquent des raisons qui semblent valables pour agir de la sorte, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne Seattle.
Le fait que les entreprises soient si méprisables que les attaquer soit justifié si cela a des effets positifs ne veut pas dire que les attaquer soit justifié si cela a des effets néfastes. Quand j’étais étudiant au collège et que je militais contre la guerre du Vietnam, je prononçais de longues conférences devant de vastes auditoires très animés puis je répondais aux questions. C’était une époque agitée et l’on me demandait souvent, par exemple : « Est-ce que vous brûleriez la bibliothèque de l’école si cela pouvait mettre fin à la guerre ? » Ma réponse était toujours à peu près la même : « Bien sûr, sans hésitation. Quel être, même totalement amoral, ne brûlerait pas une bibliothèque si cela pouvait sauver la vie d’un million d’êtres humains ? Mais il n’y a absolument aucun rapport entre l’action de brûler une bibliothèque et celle d’aider les victimes de l’impérialisme américain en Indochine, de même qu’il n’y a aucun rapport entre brûler une bibliothèque et modifier la trame sociale de façon à ce que les États-Unis ne s’engagent plus dans de telles actions. Pire encore, une telle action produirait exactement l’effet contraire et serait bénéfique à ceux qui se livrent à ces odieux bombardements. Pouvons-nous maintenant laisser les faux-semblants de côté et revenir à des questions plus sérieuses et nous demander, par exemple, comme faire comprendre à de nouveaux électeurs les méfaits de la guerre et comment constituer un mouvement de résistance sérieuse et soutenue ? ».
En ce temps-là, c’était souvent des esprits très brillants et très structurés qui se laissaient entraîner dans des groupes du genre de Weatherman [7]. Ce qui était remarquable, c’est que ces mêmes personnes prenaient beaucoup de précautions et agissaient avec prudence dans plusieurs domaines mais invoquaient des professions de foi étranges et alambiquées pour justifier leur choix de mode de vie et de « militantisme ». J’espère sincèrement que nous n’aurons pas à être témoin et à subir une répétition de telles scènes. Les événements de Seattle eurent un retentissement considérable en montrant clairement à des dizaines de millions de personnes qu’il existait une vaste opposition et en faisant prendre conscience aux gens aux États-Unis et dans le monde du rôle joué par l’OMC et en conséquence qu’il était important qu’on s’y arrête et qu’on y réfléchisse. Ils ont permis également de poser les bases pour de futures actions militantes efficaces menées par de nombreux et puissants groupes ayant la volonté de se respecter mutuellement, de former des alliances et de poursuivre ensemble de multiples objectifs et d’adopter des approches tactiques diversifiées. Tout cela fut réalisé non pas grâce au vandalisme, mais en dépit de lui.
Quelques-uns des arguments avancés par les défenseurs du vandalisme me font penser à l’un de mes amis, très brillant et très convaincant, qui vint se faufiler chez moi une nuit de 1969, vers deux heures du matin, avec trois ou quatre autres camarades. Il me dit : « Nous sommes le Viêt-cong, nous avons besoin d’une place pour la nuit... la révolution est imminente, nous sommes l’armée clandestine. Ne t’en fait pas, retourne te coucher. Réveille-toi dans un monde nouveau. » Ils avaient pour excuse à leur délire qu’ils n’avaient pas à leur actif seulement une manifestation : ils étaient au contraire plongés dans le militantisme à plein temps depuis des années. Leur entourage était presque exclusivement formé de leurs amis engagés dans le mouvement Weatherman et ils s’étaient bâti un monde artificiel reposant sur des espoirs, de la rage, du désir, de la paranoïa, des souhaits et des rationalisations abstraites tellement détachées de la réalité qu’ils en devenaient complètement incapables d’être des agents de changement positif de la société tant qu’ils étaient dans cet état d’esprit. C’était dans bien des cas les esprits les plus brillants et les meilleurs cœurs de ma génération.
Ceux qui lisent cet essai ou d’autres à propos de Seattle ou encore qui y étaient et qui resentent de la colère à l’égard des militants qui se sont livrés au vandalisme doivent donc faire bien attention : ne soyez pas impitoyables et ne commettez pas l’erreur simpliste de croire que les vandales étaient par essence des individus apolitiques, sans idéaux, insensibles, indifférents ou, pire encore, des agents de police. La vie n’est pas si simple. Ceux avec qui vous n’êtes pas d’accord ne sont pas toujours des êtres répugnants. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de gens qui participent au mouvement et même des meilleurs parmi ceux qui y participent. Pour tous ceux qui encouragèrent le vandalisme ou y prirent part, il ne sert absolument à rien de discréditer ceux qui n’y participèrent pas, et vice versa. Il existe un malentendu des deux côtés, mais la distance à franchir pour atteindre l’unité et pour progresser est moindre que l’écart qui séparait les « tortues » et les Teamsters avant Seattle. Nous devrions tous êtres capables de combler ce fossé et de nous mettre d’accord sur les raisons et les motifs qui nous poussent à choisir une tactique - sans pour cela être toujours d’accord, bien sûr, sur le choix et les jugements portés sur chacune des tactiques en particulier - et spécialement de respecter les choix collectifs au cours des manifestations. Cela étant fait, nous pouvons aller à Philadelphie, New York, San Francisco, Chicago, Denver, Miami, Los Angeles, Boston, Cleveland, Atlanta, Minneapolis, Détroit,... en étant unis et sans avoir peur les uns des autres.
J’espère que ceux qui ont pris part au vandalisme ne verront pas dans cet essai une façon de dénigrer leurs aspirations et leurs potentialités. Je souhaite plutôt que vous considériez sérieusement qu’avec les meilleures intentions du monde, vous ne faîtes peut être que répéter par erreur un acte de l’histoire du mouvement des années 1960 - l’acte le plus triste et le moins utile - et qu’en réagissant, vous évitiez les tentations et la confusion qui ont ensorcelé plusieurs des meilleurs éléments de ma génération.
COMMUNIQUE DU BLACK BLOC DU 30 NOVEMBRE
PAR LE COLLECTIF ACME
Pour plusieurs, la « Bataille de Seattle » marque à la fois la naissance du mouvement « antimondialisation » et des « Black Blocs ». Le 30 novembre 1999, des dizaines de milliers de citoyens vont manifester et parvenir à perturber le protocole officiel d’une importante rencontre de l’Organisation mondiale du commerce. Les policiers interviennent de façon particulièrement brutale alors que des citoyens forment des Black Blocs et s’en prennent à des commerces et à des banques. Les images de policiers en tenue antiémeute, lourdement armés, ainsi que celles de citoyens masqués, vêtus de noir et brandissant des drapeaux noirs, vont faire le tour du monde et susciter de vifs débats.
Le Collectif ACMÉ, un groupe d’affinité ayant participé aux Black Blocs de Seattle, a rédigé et diffusé via Internet un communiqué par lequel il explique les motivations du groupe. Le Collectif ACMÉ répond à plusieurs critiques, contre-vérités et mensonges émis par les détracteurs des Black Blocs suite à la Bataille de Seattle. Ce texte est en quelque sorte le premier écrit majeur rédigé par et pour les Black Blocs.
Le Collectif ACMÉ critique les manifestants « non-violents » pour leur hypocrisie. Il rappelle que la plupart des membres du Black Bloc connaissaient non seulement les enjeux économiques, politiques et culturels liés à la mondialisation capitaliste mais qu’ils ont aussi participé à l’organisation des manifestations. Il réplique également à l’accusation régulièrement adressée à des Black Blocs selon laquelle leurs membres viendraient d’« ailleurs ». À Seattle, on leur reprochait d’être des résidants d’Eugène, une petite ville de l’Orégon... À Gênes, on dira qu’il y avait finalement bien peu d’Italiens parmi les Black Blocs... Curieux argument, qui fonde la légitimité d’une manifestation sur l’enracinement des participants à un territoire précis. Le Collectif ACMÉ précise que ses membres venaient d’un peu partout, dont Seattle.
Le groupe justifie enfin la destruction de la propriété privée : « Nous prétendons que la destruction de la propriété n’est pas une action violente à moins qu’elle détruise des vies ou provoque des souffrances. D’après cette définition, la propriété privée - particulièrement celle des entreprises multinationales privées - est en elle-même infiniment plus violente que n’importe quelle action menée contre elle. » Le Collectif ACMÉ saura s’attirer la sympathie de certains anarchistes, dont ceux de la Fédération des communistes libertaires du Nord-est Américain (NEFAC) qui diffusera une « Déclaration de solidarité avec le “Black bloc anarchiste” de Seattle », dans lequel sont cités de longs extraits de la critique violence qu’exerce la propriété privée et le capitalisme [8].
(FDD)
COMMUNIQUE DU BLACK BLOC DU 30 NOVEMBRE
PAR LE COLLECTIF ACME [9]
Un communiqué en provenance d’une des sections du Black Bloc du 30 novembre à Seattle
Le 30 novembre 1999, des groupes d’individus formés en Black Blocs ont attaqué plusieurs grandes compagnies qu’ils avaient pris pour cibles dans le centre-ville de Seattle. On retrouvait parmi celles-ci (pour n’en nommer que quelques unes) : Fidelity Investment (actionnaire majoritaire d’Occidental Petroleum, le fléau de la tribu U’wa en Colombie) ; Bank of America, US Bankcorp, Key Bank et Washington Mutual Bank (institutions financières qui jouent un rôle clé dans l’accroissement de la répression organisée par les grandes compagnies) : Old Navy, Banana Republic et GAP (entreprises de la famille Fisher, qui ont saccagé les forêts du Nord-Ouest des États-Unis et réduit en esclavage les travailleurs des usines à sueur) ; Nike Town et Levi’s (dont les produits trop chers sont fabriqués dans les usines à sueur) ; McDonald’s (colporteur esclavagiste de fast-food et responsable de massacres d’animaux et de la destruction des forêts tropicales transformées en pâturage) ; Starbucks (colporteur d’une drogue récoltée à des salaires de famine par des fermiers obligés au cours du processus de détruire leurs propres forêts) ; Warner Bros (cartel de média) et Planet Hollywood (parce que c’est Planet Hollywood).
Cette activité dura plus de cinq heures et consista à défoncer des devantures et à casser des portes et des vitrines. Des frondes, des distributeurs de journaux, des marteaux, des pinces-monseigneur et des pieds-de-biche furent utilisés de façon stratégique pour accéder aux biens des entreprises multinationales (l’un des trois Starbucks et Nike Town furent pillés) et pour les détruire. Des œufs remplis de solution de gravure à l’eau-forte, des ampoules de peinture et des canettes de peinture en aérosol furent aussi utilisés.
Le Black Bloc était un rassemblement librement organisé de groupes d’affinité et d’individus. Ils se répandirent dans le centre-ville commercial, attirés par des boutiques mal protégées aux enseignes symboliques et poussés par la vue des policiers en formation. Contrairement à la grande majorité des manifestants arrosés de poivre de Cayenne, de gaz lacrymogène et atteints par des balles de caoutchouc à plusieurs reprises, la plupart des membres de notre section du Black Bloc ne subirent pas de blessures sérieuses parce qu’ils évitaient d’affronter la police et se déplaçaient constamment. Notre esprit de corps et de solidarité était impressionnant : nous sommes restés entre nous, en rangs serrés et en surveillant mutuellement nos arrières. Ceux qui étaient attaqués par les bandits fédéraux étaient libérés par des membres du Black Bloc qui réagirent rapidement et de façon organisée.
La police de la paix
Malheureusement, la présence et l’entêtement de la « police de la paix » étaient très dérangeants. À pas moins de six occasions, de soi-disant militants « non-violents » ont attaqué des individus qui s’en prenaient à la propriété des entreprises multinationales. Quelques-uns de ces militants soi-disant non-violents allèrent même jusqu’à se tenir devant le supermarché Nike Town pour le protéger contre le Black Bloc qu’ils repoussèrent. De fait, ces soi-disant « gardiens de la paix » représentèrent une menace bien plus grande pour les membres du Black Bloc que les « gardiens de la paix » en uniforme accrédités par l’État et notoirement violents (des policiers en civil se sont même servis de la couverture des militants policiers de la paix pour prendre en embuscade ceux qui voulaient pratiquer la destruction de la propriété des multinationales).
Riposte au Black Bloc
La riposte au Black Bloc a mis en lumière les luttes intestines au sein de la communauté des « militants non-violents » ainsi que certaines de leurs contradictions. Premièrement, notons l’hypocrisie de ces militants « non-violents » qui s’en sont pris violemment aux manifestants masqués et vêtus de noir (plusieurs s’étant faits harcelés même s’ils n’avaient pas touché à la propriété des entreprises). Notons, de plus, le racisme de ces militants privilégiés qui peuvent se permettre d’ignorer la violence que subit, au nom des droits de la propriété privée, la nature et la plus grande partie de la société. Plusieurs des membres les plus opprimés de la communauté de Seattle se sont mobilisés parce qu’ils ont été inspirés par les saccages de vitrines, résultat qui n’aurait pu être obtenu aussi facilement par le défilé de n’importe quels costumes de tortues de mer ou de marionnettes géantes (sans vouloir minimiser l’effet de ce genre d’actions dans d’autres communautés).
Dix mythes à propos du Black Bloc
Voici quelques réflexions qui permettront de dissiper les mythes à propos du Black Bloc du 30 novembre.
1. « C’est une bande d’anarchistes de la petite ville d’Eugène [10] ». Bien que quelques-uns peuvent être des anarchistes d’Eugène, nous sommes venus d’un peu partout aux États-Unis, y compris de Seattle. De toute façon, la plupart d’entre nous sommes parfaitement au courant des enjeux locaux de Seattle (par exemple, l’occupation récente du centre-ville par quelques-unes des multinationales les plus infâmes).
2. « Ce sont tous des disciples de John Zerzan ». Un ramassis de rumeurs a circulé selon lesquelles nous étions des disciples de John Zerzan, un auteur anarchoprimitiviste qui prêche la destruction de la propriété. Bien que quelques-uns d’entre nous peuvent apprécier ses écrits et ses analyses, il n’est en aucune manière notre chef ni directement, ni indirectement, ni philosophiquement, ni autrement.
3. « Le squat public est le quartier général des anarchistes qui ont détruit des propriétés le 30 novembre ». En fait, la plupart des squatters de la « zone autonome » sont des résidants de Seattle qui ont passé presque tout leur temps dans le squat depuis son ouverture le 28 novembre. Bien qu’ils puissent se connaître, les deux groupes ne se recoupent pas et on ne peut certainement pas dire que le squat est le quartier général de ceux qui ont détruit la propriété des entreprises.
4. « Ils ont envenimé la situation le 30 novembre et ils ont provoqué l’utilisation des gaz lacrymogènes sur des manifestants passifs et non-violents ». Pour répondre à cette accusation, il suffit de noter que l’utilisation de gaz lacrymogènes et de poivre de Cayenne et les tirs de balles de caoutchouc contre les manifestants ont débuté (à notre connaissance) avant même que les Black Blocs commencent à détruire la propriété. De plus, il faut éviter d’établir une relation de cause à effet entre la répression policière et quelque mode de protestation que ce soit, qu’elle soit accompagnée ou non de destruction de la propriété. La police est chargée de protéger les intérêts de la clique des riches et on ne peut imputer la violence à ceux et celles qui protestent contre ces privilégiés et leurs intérêts.
5. La critique inverse : « Ils ont réagi à la répression de la police ». Bien que cela représente une image un peu plus positive du Black Bloc, elle n’en est pas moins fausse. Nous refusons d’être faussement représentés comme une force purement réactionnaire. Bien que certains puissent ne pas saisir la logique du Black Bloc, il s’agit dans tous les cas d’une logique proactive.
6. « C’est une bande de garçons adolescents en colère ». Cette affirmation est totalement fausse, sans compter qu’elle révèle une inquiétante propension à discriminer selon le sexe et l’âge. La destruction de la propriété n’est pas le fait de machos bourrés de testostérone qui se défoulent et qui incitent à la violence. Ce n’est pas non plus le résultat d’une colère déplacée et réactionnaire. Il s’agit plutôt d’une action directe qui prend pour cible les intérêts des grandes corporations de façon spécifique et stratégique.
7. « Ils veulent seulement se battre ». Cette affirmation est totalement absurde, mais permet de passer sous silence l’âpreté avec laquelle les « gardiens de la paix » nous combattent. De tous les groupes engagés dans l’action directe, le Black Bloc est probablement celui qui avait le moins intérêt à se battre avec les autorités et nous n’avions certainement aucun intérêt à nous battre avec les autres manifestants anti-OMC (malgré de profonds désaccords au sujet des tactiques).
8. « C’est une bande d’émeutiers chaotiques, désorganisés et opportunistes ». Bien que plusieurs d’entre nous puissions passer des jours à discuter au sujet du sens à donner à l’adjectif « chaotique », nous n’étions certainement pas désorganisés. L’organisation était peut-être fluide et dynamique, mais elle était serrée. En ce qui concerne l’épithète « opportuniste », il faut se demander qui, parmi les milliers de personnes présentes à Seattle, ne voulaient pas profiter de l’opportunité offerte pour faire avancer leur cause. La question se pose alors à savoir si nous avons ou non contribué à créer cette opportunité et la plupart d’entre nous y ont très certainement contribué (ce qui nous amène au prochain mythe).
9. « Ils ne connaissent pas les véritables enjeux » ou « ce ne sont pas des militants qui ont travaillé à cela ». Bien que nous pouvons ne pas être des militants professionnels, nous avons tous travaillé en vue de cette convergence à Seattle pendant plusieurs mois. Certains d’entre nous ont travaillé dans leur ville et d’autres se sont rendus à Seattle plusieurs mois à l’avance. Nous avons certainement été responsables de la venue de plusieurs centaines de manifestants qui descendirent dans les rues le 30 novembre, et seulement une très petite minorité d’entre eux avait un lien quelconque avec le Black Bloc. La plupart d’entre nous ont étudié les effets de l’économie globale, de la manipulation génétique, de l’extraction des ressources naturelles, des politiques de transport, des pratiques du travail, de l’élimination de l’autonomie des autochtones, des droits des animaux et des droits de la personne, et nous avons milité dans ces domaines depuis plusieurs années. Nous ne sommes ni mal informés, ni inexpérimentés.
10. « Les anarchistes masqués entretiennent le secret et sont antidémocratiques parce qu’ils veulent cacher leur identité ». Abordons cette question de face (avec ou sans masque) : nous ne vivons pas présentement en démocratie. Nous tenons à vous rappeler, au cas où les événements de cette semaine n’ont pas suffi à vous ouvrir les yeux, que nous vivons dans un État policier. Les gens nous disent que si nous étions persuadés d’avoir raison, nous ne nous cacherions pas derrière un foulard ou une cagoule. On prétend que « la vérité finira par triompher ». Bien que cela constitue un but fort louable, cela ne colle pas du tout à la réalité présente.
Ceux qui représentent le plus grand danger pour les intérêts du Capital et de l’État seront persécutés. Quelques pacifistes souhaiteraient que nous acceptions ces persécutions allègrement. Nous ne sommes pas si moroses. D’autres nous disent que c’est un sacrifice qui en vaut la peine. La persécution est pour nous notre lot quotidien et inévitable et nous chérissons les quelques libertés dont nous disposons : nous ne croyons pas que nous avons le privilège d’accepter la persécution comme un sacrifice. Accepter l’emprisonnement comme une forme de gloire trahit une mentalité de privilégiés du « premier monde ». Nous croyons que l’attaque de la propriété privée est nécessaire si nous voulons rebâtir un monde utile, salubre et agréable à vivre pour tout un chacun. Et ceci en dépit du fait que l’attaque à la propriété privée se traduit dans ce pays par des charges criminelles pour toute destruction de propriété de plus de 250$.
Les motivations du Black Bloc
Puisque nos masques ne peuvent être transparents, le but premier de ce communiqué est de rendre les motivations du Black Bloc plus transparentes et de percer l’aura de mystère qui l’entoure.
À propos de la violence contre la propriété
Nous prétendons que la destruction de la propriété n’est pas une action violente à moins qu’elle ne détruise des vies ou provoque des souffrances. D’après cette définition, la propriété privée - particulièrement celle des entreprises multinationales privées - est en elle-même infiniment plus violente que n’importe quelle action menée contre elle. On doit distinguer entre propriété privée et propriété personnelle. Cette dernière est fondée sur l’utilité alors que la première s’appuie sur le commerce. La prémisse de la propriété personnelle implique que chacun d’entre nous possède ce dont il ou elle a besoin. La prémisse de la propriété privée implique que chacun d’entre nous a quelque chose dont quelqu’un d’autre a besoin ou veut avoir. Dans une société fondée sur les droits de la propriété privée, ceux qui sont en mesure de posséder de plus en plus ce dont les autres ont besoin ou veulent avoir exercent un plus grand pouvoir et donc un plus grand contrôle - généralement pour accroître leurs profits - sur ce que les autres pensent désirer ou avoir besoin. Les partisans du « libre échange » souhaitent pousser cette doctrine jusqu’à sa conclusion logique : un réseau de quelques industries monopolistiques qui exerceraient un contrôle absolu sur la vie de tous. Les partisans de l’« échange équitable » voudraient voir ce processus atténué par des règlements gouvernementaux votés pour imposer quelques standards humanitaires. En tant qu’anarchistes, nous condamnons les deux attitudes. La propriété privée - et par extension le capitalisme - est violente et répressive en soi et ne peut être réformée ou atténuée. Personne ne peut être aussi libre ou aussi puissant qu’il le serait dans une société sans hiérarchie tant que le pouvoir est concentré entre les mains de quelques dirigeants d’entreprises ou détourné vers un appareil régulateur destiné à atténuer les désastres créés par ces derniers.
Quand nous brisons une vitrine, notre but est de détruire le mince vernis de légitimité dont se parent les droits de la propriété privée. En même temps, nous exorcisons ce réseau de relations sociales violentes et destructrices qui s’incarne presque partout autour de nous. En « détruisant » la propriété privée, nous convertissons sa valeur d’échange limitée en une valeur d’utilité accrue. Une vitrine de magasin devient un passage qui laisse pénétrer un peu d’air frais dans l’atmosphère oppressante d’un commerce (au moins jusqu’à ce que la police décide de gazer aux lacrymogènes une barricade voisine). Une boîte distributrice de journaux devient un outil pour libérer ce genre de passage ou constituer une petite barricade pour revendiquer un espace public ou encore pour donner l’avantage du terrain lorsque l’on se tient dessus. Une grosse poubelle sur roulettes peut servir de source de chaleur et de lumière ou encore d’obstacle à une émeute de policiers [11] en phalange. La façade d’un édifice devient un tableau d’affichage pour inscrire les idées brassées pour un monde meilleur.
Après le 30 novembre, beaucoup de gens ne regarderont plus jamais la vitrine d’un magasin ou un marteau de la même façon. On a multiplié par mille les utilisations potentielles de l’espace urbain. Le nombre de vitrines brisées n’est rien en comparaison des tabous renversés - tabous créés par l’hégémonie des corporations et destinés à maintenir nos œillères pour nous dissimuler à la fois tout le potentiel d’une société débarrassée d’elles ainsi que les violences commises au nom des droits de la propriété privée. Les vitrines cassées peuvent être placardées (en gaspillant un peu plus nos forêts) et remplacées éventuellement. Mais avec un peu de chance, ce renversement des tabous se poursuivra encore longtemps.
Contre le Capital et l’État,
LE COLLECTIF ACMÉ
pourquoi étions-nous à gênes ?
En juillet 2001, l’assassinat du manifestant Carlo Giuliani par un policier qu’il menaçait en brandissant un extincteur a malheureusement contribué à la notoriété des manifestations contre le G8. Giuliani n’est pas la première victime des manifestations contre la mondialisation du capitalisme. Quelques semaines auparavant, les policiers avaient tiré à Göteborg des balles réelles sur la foule, blessant trois manifestant, dont l’un très griévement. Dans les pays en voie de développement industriel, plus de dix manifestants dénonçant le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont été tués par des policiers ou des militaires en 2000 et 76 en 2001 [12]. La mort de Giuliani, par sa visibilité médiatique sur le front occidental, créa toutefois une véritable onde de choc. Plusieurs se sont identifiés à la victime. Cela a provoqué des commentaires acerbes chez certains sympathisants des Black Blocs. Le Collectif de réflexion sur l’air des lampions note ainsi que « l’attitude des représentants de la gauche institutionnelle à propos de la violence n’est pas aussi claire qu’ils voudraient bien nous le faire croire. Ils savent faire montre, à certains moments-clés, d’une ambivalence toute teintée d’opportunisme. [...] Ils traitent les Black Blocs et les autres militants radicaux comme des lâches et des voyous irresponsables dont le but est de transformer les manifestations en émeutes. Mais dès qu’un de ces militants radicaux et anonymes est tué, son meurtre fait l’objet d’une récupération cynique : ce militant devient l’indispensable martyr de la brutalité policière et l’on explique son recours aux actions violentes en invoquant la misère sociale [13] ». Par une sorte d’ironie du sort, Giuliani ne faisait pas partie des Black Blocs, pourtant identifiés depuis plusieurs années déjà comme les plus violents du mouvement. Ceci dit, des Black Blocs étaient présents à Gênes. Des participants d’un groupe d’affinité ont rédigé un communiqué diffusé sur Internet. Si ce texte reprend plusieurs éléments de l’argumentaire que l’on retrouvait dans les communiqués précédents émanant des Black Blocs, il se distingue toutefois par l’importance qu’il accorde au problème du patriarcat. Il souligne à deux reprises la distance que ceux et celles qui l’ont rédigé entendent observer par rapport à un idéal révolutionnaire. Ils participent toutefois clairement à l’esprit anarchiste, lorsqu’ils déclarent : « Nous ne cherchons pas à trouver une place au sein des discussions entre les maîtres du monde, nous voulons qu’il n’y ait plus de maîtres du monde. »
(FDD)
POURQUOI ETIONS-NOUS A GENES ? [14]
Communiqué d’un groupe affinitaire
actif au sein d’un Black Bloc actif à Gênes le 20 et 21 juillet 2001
Pour mettre en pratique massivement notre contestation d’un monde que nous refusons dans sa totalité (le monde de toutes les dominations, de toutes les oppressions, de toutes les exploitations).
QU’AVONS-NOUS FAIT A GENES ?
Nous nous sommes attaquéEs à ce qui faisait partie intégrante de la bonne marche des dominations étatiques, capitalistes et patriarcales : banques, agences immobilières, concessionnaires automobiles, stations essence, agences de voyages, panneaux publicitaires (en particulier, mais pas seulement, ceux utilisant le corps des femmes comme des vecteurs de marchandisation), etc.
Nous avons ici et là empêché la police de prendre le dessus sur les manifestantEs, de façon à ce que les rues soient nôtres, soient celles de la subversion, le plus longtemps possible au cours de ces journées.
QUE VOULONS-NOUS ?
Nous pensons que la mise en place d’une société dans laquelle chacunE aurait le pouvoir de diriger sa propre vie comme il/elle l’entend (ou en tout cas, une société qui le permette, une société sans hiérarchie, une société qui soit vecteur d’émancipation collective et individuelle) n’est pas envisageable sans la destruction complète des oppressions qui sont à la base des sociétés patriarcales et capitalistes occidentales. Si nous avons conscience que casser des vitrines, brûler des banques, même pour plus de cent millions de francs français de dégâts, ne révolutionnera pas le monde, nous pensons que c’est un moyen concret de déstabilisation des pouvoirs en place, et nous espérons également que cela puisse être la démonstration d’une colère qui doit se généraliser si nous voulons un jour ou l’autre vivre pleinement nos idées.
Nous ne cherchons pas à trouver une place au sein des discussions entre les maîtres du monde, nous voulons qu’il n’y ait plus de maîtres du monde. Nous ne reconnaissons aucune légitimité aux protagonistes du G8, comme nous n’en reconnaissons aucune à ceux de l’Union Européenne, de l’OMC, du FMI, de la Banque Mondiale, etc. Les chefs d’Etats ou de multinationales sont les plus hauts responsables de la dépossession de notre propre pouvoir sur nos vies. Ce n’est pas avec eux que l’on doit discuter de nos envies et de nos désirs puisqu’ils représentent des remparts à ceux-ci.
Nous ne voulons pas une amélioration du système politique, social et économique en place, nous voulons son remplacement par un ou des systèmes de vie collective autogérés, au sein desquels chacunE a son mot à dire, dans lesquels l’entraide est le but (et non la concurrence). À notre avis, les propositions de réformes du système capitaliste mondial ne sont que de naïves illusions qui permettent à celui-ci de perdurer grace à quelques semblants de « démocratie ». Concrètement, les réformes proposées par quelques groupes politiques et/ou associatifs (taxe Tobin, revenu garanti, etc.) ne changent rien aux rapports sociaux actuels et ne font qu’accroître la soumission massive des populations aux pouvoirs politiques.
CE QUE NOS DETRACTEURS ONT TOUT INRERET A FAIRE CROIRE :
Que nous sommes des irrésponsables haineux-haineuses venuEs sans aucun autre objectif que « tout casser ». Que nous ne sommes que des jeunes hommes en manque d’émotions fortes, de décharges d’adrénaline, etc.
Nous pourrions nous contenter de répondre qu’il y avait une présence importante de femmes dans les black blocs, mais là n’est pas vraiment le propos : au sommet du G8, il n’y avait pas beaucoup de femmes et personne n’a semblé s’en plaindre. Le propos de telles critiques est de sous-entendre qu’en dehors de la destruction de biens matériels nous n’avons rien à proposer. Pourtant, en tant que groupe d’action au sein d’un black bloc, nous avons exprimé de nombreuses idées à l’aide de bombes de peintures sur les murs de la ville, et nous en avons lu énormément, écrites par d’autres : anarchie, autonomie ouvrière, lutte des classes, autogestion, refus du capitalisme, des banques, des frontières et des Etats, du patriarcat, du sexisme, de la marchandisation des femmes, de l’homophobie et de la lesbophobie, pour la libération animale, les squats, la libération de la Palestine, l’action directe, slogans « straight-edge » (refus de l’alcool, du tabac et de toutes autres drogues), etc.
Lors de ces journées émeutières, au sein de notre groupe d’affinité, nous avons voulu fonctionner sur un mode égalitaire. Les médias, comme les grandes organisations pacifistes, nous disent « casseurs aux méthodes masculines ou militaires ». Curieusement, il y avait dans notre groupe affinitaire plus de femmes que d’hommes, et nous ne pourrions dire qui aurait pu faire office de Général... Même si beaucoup de décisions avaient à être prises rapidement, nous avons tenté d’écouter la voix de touTEs, en particulier de celles et ceux qui se sentaient le moins rassuréEs. Quant au discours pseudo-féministe tentant de nous convaincre que la « casse » est une affaire d’hommes, que veut-il dire exactement ? Que la manière non-violente d’utiliser son corps est bien plus cohérente pour des antisexistes ? Etre passive et victime, douce et modérée, sont pourtant des clichés féminins contre lesquels beaucoup de femmes se battent depuis très longtemps. En tant qu’oppriméEs, notre moyen de lutter n’est pas de nous noyer encore plus dans notre misère et d’adopter un discours misérabiliste qui attendrira éventuellement l’opinion publique pendant une semaine.
Si nous avions des raisons politiques bien précises de pratiquer la destruction de biens matériels, nous ne cacherons pas que briser directement les obstacles quotidiens à notre bien-être est un sentiment jouissif. Nous n’attendons pas le Grand soir ; nous voulons dépasser les plaisirs normés et les peurs que ce vieux monde nous impose, et c’est bien parce que nous vivons dans un monde monotone et effrayant, composé de devoirs, de « droits », de supermarchés et de flics, que le détruire se doit d’être jouissif. La destruction de biens matériels est la démonstration en actes qu’il y a des problèmes politiques et sociaux. De toute façon, la « casse » est pour nous une tactique réfléchie et adaptée à la situation, elle va bien au-delà du « défouloir pour violents ». Les objets, vitrines, enseignes cassés ne sont pas pris au hasard. Ils sont ciblés en fonction de l’impact qu’ils ont sur notre vie quotidienne. Nous les détruisons parce qu’ils sont parmi les atouts de nos sociétés « spectaculaires marchandes », parce qu’ils représentent notre propre destruction.
Que nous avons été manipuléEs, par des forces politiques « au-dessus » de nous, notamment par la police. Que nous avons été infiltréEs par la police.
Ce que nous avons fait à Gênes, nous avions prévu de le faire. Et manifestement, comme prévu, la police ne nous a pas aidé. Dès qu’elle en avait la possibilité, la police s’attaquait violemment aux black blocs. C’est grâce à des réactions tactiques, stratégiques, que nous avons pu éviter de nous faire massacrer (solidarité de groupe, jets d’objets sur la police, barricades, mobilité et mouvements de foule, etc.). Nous ne nions pas la possibilité que des policiers « déguisés » se soient infiltrés dans certains black blocs. Il semblerait logique qu’il y ait eu des policiers infiltrés dans tous les cortèges. Certains, par exemple, se faisaient passer pour des journalistes ou des ambulanciers. C’est un moyen de contrôle bien connu pour identifier et étudier les manifestantEs et leurs agissements. Par rapport à cela, notre but est bien évidemment de les repérer et de les faire dégager.
A Gênes, nous avions prévu de nous attaquer à des bâtiments représentant diverses formes de pouvoir. Nous nous sommes exécutéEs avant que de quelconques provocations policières puissent avoir lieu. Nous l’assumons entièrement et tenons à faire remarquer que si la police a bien évidemment participé directement aux violences de ces deux jours, c’est en s’attaquant aux manifestantEs, de toutes parts. La violence policière s’est exprimée massivement sur quelques km2 à Gênes, de la même manière qu’elle le fait quotidiennement partout ailleurs. Pas besoin de manifester contre le sommet du G8 pour ça.
Que les blacks blocs, « une minorité de manifestantEs », ont gâché la fête.
Le but des manifestantEs était, pour la quasi-totalité, de rentrer dans la zone rouge, de perturber le sommet du G8. Nous avons à notre façon perturbé le sommet du G8. A Gênes, les maîtres du monde voulaient être tranquilles. Vingt mille policiers devaient leur assurer la paix sociale. Cela n’a pas fonctionné du tout puisque ces milliers de sbires n’ont pu s’empêcher de tuer une personne, d’en blesser plus de six cents, d’en arrêter et d’en torturer des centaines... Diaboliser les black blocs est très utile pour certains partis et organisations politiques, qui par contre coup sont les seuls détenteurs d’une légitimité à manifester. Mais la division manichéenne des manifestantEs en « gentilLEs pacifistes » et en « méchantEs casseurs et casseuses » ne peut que faire le jeu du pouvoir, qui n’a pourtant pas fait de détail quand il s’est agi de réprimer le plus brutalement possible. Cette division est d’autant plus incohérente lorsqu’elle provient de personnes dites de gauche, qui soutiennent certaines luttes armées comme celle au Chiapas. Est-ce que c’est parce que nous, occidentaux et occidentales, nous souffrons moins du capitalisme que d’autres et que certaines femmes sont moins ouvertement opprimées, que notre tentative d’ébrécher le système est moins légitime ?
D’autre part, nous tenons à rappeler que plusieurs milliers de manifestantEs ont pris part à la destruction de biens matériels et aux affrontements avec la police, que ce soit de façon préméditée ou spontanée. Il ne s’agit pas d’une « minorité » de personnes, pas plus en tout cas que les autres cortèges n’étaient des « minorités », chaque groupe ayant sa manière d’agir.
Enfin, Bush a reproché aux manifestantEs de prétendre représenter les pauvres. Pour ce qui nous concerne, qu’il se rassure, nous ne représentons que nous-mêmes. Mais c’est déjà énorme, et plus nous serons nombreux et nombreuses à parler et à agir contre ce vieux monde, plus Bush aura de raisons de trembler au fond de sa Maison Blanche... La révolte contre ce monde n’est pas minoritaire, encore moins anecdotique, elle s’exprime partout à travers le monde, dans les écoles, les cités, les rues, etc.
(Rédigé début août 2001)
ANNEXEconseils tactiques et pratiques
Cette liste de conseils tactiques et pratiques est parue dans le mensuel Le Couac, dans son édition d’avril 2001, sous le titre « Sommet des Amériques : Les policiers sont prêts, ne les décevez pas ! ».
Le 19 avril, première journée du Sommet officiel et des affrontements entre citoyens manifestants et citoyens en uniforme, de très nombreuses photocopies de cette liste avaient été colées sur les murs de la rue Saint-Jean, à Québec. Le samedi, elles avaient toutes été arrachées... Cette liste est reproduite ici car elle est révélatrice de l’état d’esprit des manifestants avant et pendant les grandes manifestations « antimondialisation ».
Avant l’action
• Prévoir des plans d’action et des points de rencontre en fonction de la tournure des événements.
• Prévoir avec votre groupe d’affinité la stratégie a adopter en cas d’arrestation (accepter de s’identifier ou non, etc.).
• Choisir une personne qui restera en retrait de l’action et qui aura en sa possession vos noms et numéros de téléphone ainsi que ceux des personnes à contacter si vous êtes arrêté.
• Peu importe ce que vous choisissez de porter pour vous protéger, soyez conscient qu’un masque à gaz, par exemple, peut intimider les autres manifestants et faire de vous une cible privilégiée pour les policiers.
Pendant l’action
• Évitez de vous retrouvez seul (si le groupe se disperse, restez en sous-groupes).
Au poste ou en prison
• En cas d’arrestation, vous n’êtes tenu que de dévoiler votre nom, date de naissance et adresse.
• Lors de l’interrogatoire, ne jamais donner d’information cocnernant d’autres personnes.
Conseils pratiques
• Si vous avez des cheveux longs, attachez-les. Cela offrira moins de prise aux policiers...
• Évitez les boucles d’oreille et autres bijoux.
• Vêtements confortables - mais pas trop amples - qui couvrent bien tout votre corps.
• Pour vous protéger les yeux contre le poivre de Cayenne et les gaz lacrymogènes, portez des lunettes de ski ou de natation avec lentilles anti-buée et un foulard imbibé de vinaigre. Le masque à gaz offre tout de même une meilleure protection.
• Portez des gants si vous voulez relancer aux policiers les cannettes de gaz lacrymogène ou de poivre de Cayenne qu’ils vous auront généreusement lancés les premiers...
• Inscrivez les numéros de téléphone importants (avocats, maman, etc.) sur votre bras à l’encre indélibile.
• Dans les poches : de la monnaie pour téléphoner ou prendre l’autobus. À éviter : votre canif et votre drogue (vous ne voulez tout de même pas que les policiers fument votre « stock »).
• Choisissez des souliers confortables. Vous pourriez avoir à courir ; laissez vos talons hauts chez vous !
Sac à dos
• Nourriture : prévoyez un gouté à haute teneur en énergie (barres tendres, noix, etc.). Beaucoup, beaucoup d’eau !
• Vêtements de rechanges (si vous avez été aspergé au poivre de Cayenne ou au gaz lacrymogène) et peut-être un imperméable.
• Papier et crayon.
• Prévoyez des serviettes sanitaires et des tampons (rappelez-vous qu’en prison, vous ne pourrez pas aller aux toilettes quand vous voulez ; privilégiez les serviettes).
• Trousse de premiers soins : bandages, bandelettes de gaze, pansements adhésifs, comprimés contre la douleur et les maux de tête. Si vous devez prendre des médicament (diabète, asthme, etc.) assurez-vous d’en avoir en quantité suffisante.
Si vous êtes aspergés de poivre de Cayenne ou de gaz lacrymogène
• Avant : Lavez vos vêtements, cheveux et peau avec du savon biodégradable (sans produit chimique). Évitez tout type de crème hydratante et lotion.
• Pendant : Rincez les yeux avec la solution d’eau et Maalox, du coin intérieur de l’oeil vers l’extérieur, la tête en arrière et légèrement tournée du côté de l’œil à rincer. Si vous portez des lentilles cornéennes, faites-les enlever immédiatement par une perosnne qui n’a pas été aspergée. Pour la bouche, crachez, ne pas avaler, se moucher, rincer avec de l’eau ou avec la solution d’eau et de Maalox.
• Après : Prenez une douche tiède et lavez tous vos vêtements avec du détergent à lessive non biodégradable. Pour les yeux et la bouche : solution à base d’eau et de liquide anti-acide (Maalox) que vous devrez mélanger dan sune bouteille dans une proportion 1/1.
NOTES :
[1] Pour une introduction à ce modèle économique, voir : Normand Baillargeon, Les Chiens ont soif. Critiques et propositions libertaires, Montréal, Comeau & Nadeau, 2001, p. 163-178.
[2] Voir le Communiqué du collectif-ACME reproduit dans ce livre, pour une réplique à M. Albert.
[3] MICHAEL ALBERT, « ON TRASHING AND MOVEMENT BUILDING », SUR LE SITE INTERNET : WWW.ZMAG.ORG/ON_TRASHING.HTM. MERCI A M. ALBERT POUR NOUS AVOIR ACCORDE LA PERMISSION DE REPRENDRE CE TEXTE. TRADUCTION DE THOMAS DERI ET FRANCIS DUPUIS-DERI.
[4] Reserve Officers Training Corps - le Corps d’entrainement des officiers de réserve (note de Fdd).
[5] C’est précisément la tactique qu’adoptèrent, du moins en partie, les Black Blocs à Washington D.C. lors de manifestations contre le Fonds monétaire international et la Banque mondial, en avril 2000, et à Québec, lors des manifestations contre le Sommet des Amériques, en avril 2001 (note de FDD).
[6] Sans doute une pointe ironique décochée à l’intention de la section « ACME » du Black Bloc de Seattle, qui a rédigé et diffusé un communiqué justifiant les attaques contre la propriété privée (voir le texte reproduit dans ce livre) (note de FDD).
[7] Groupe terroriste de jeunes américains blancs actifs vers 1970. Les membres étaient issus de groupes radicaux non-terroristes tels que le Students for a Democratic Society (note de FDD).
[8] Voir sur Internet : www3.sympatico.ca/emile.henry/blacbloc.htm.
[9] Collectif ACMÉ, N30 Black Bloc Communique by ACME Collective : A Communique From One Section of the Black Bloc of N30 in Seattle, www.zmag.org/acme.htm. Traduit de l’anglais par Thomas Déri et Francis Dupuis-Déri. Ce texte est libre de droits.
[10] Plusieurs commentateurs ont laissé entendre que les participants au Black Bloc venaient d’une petite ville d’Orégon nommée Eugène, où ils auraient été sous l’influence de John Zerzan, un auteur anarcho-primitiviste (note de FDD).
[11] L’expression anglaise est « rioting cops », ou « policiers menant une émeute », qui évoque le concept d’« émeute policière » (note de FDD).
[12] Voir le site Internet <www.wdm.org.uk> ;
, les documents « States of Unrest I », « States of Unrest II » et « States of Unrest III ».
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