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Être anarchiste oblige !
La bonne mémoire d’André Bernard, ancien non-combattant

Né en 1937, André Bernard livre ses souvenirs d’ancien non-combattant tout en nous proposant d’inventer de nouveaux modes d’actions. Insoumis du temps de la guerre d’Algérie, il plaide toujours en faveur d’un anarchisme non-violent et sans concession pour lutter contre la barbarie capitaliste.

Celles et ceux qui pensent qu’anarchisme est synonyme de bordel ou de jemenfoutisme tomberont de haut. « Un anarchiste ne s’autorise pas à faire n’importe quoi ; tout n’est pas permis quand on se veut porteur de ces idées-là ! C’est ce que je pense », nous dit André Bernard, soucieux qu’il est d’harmoniser sa pensée et ses actes.

Cette exigence morale, dans la lignée de l’anarchiste Pierre Kropotkine, André Bernard l’a mise très tôt en pratique. En rencontrant, à Bordeaux, le groupe anarchiste Sébastien-Faure (composé notamment des frères Lapeyre, de Jean Barrué, d’Espagnols) au début des années 50, le jeune André âgé d’une quinzaine d’années, « empêtré dans des contradictions sans nombre », pigea rapidement que transformer le monde et les êtres « c’est simple et pas simple du tout ». Une certitude semblait cependant acquise : « S’il y avait un crime à ne pas commettre, c’était bien celui d’obéir. » Une conviction qui n’était pas sans conséquence quand grondait la guerre d’Algérie…

Après avoir séjourné dans un camping de jeunes libertaires organisé sans le Var durant l’été 1956, André Bernard décida de s’exiler en Suisse où d’autres insoumis français l’avaient précédés. Là, il prit contact avec le groupe anarchiste de Genève qui accueillait aussi des Bulgares, des Italiens, des Espagnols. Les compagnons ne chômaient pas. Le groupe avait de nombreuses cordes à son arc : avortement, vasectomie, solidarité avec les militants illégaux, les combattants du FLN algériens, les « porteurs de valises » du réseau Jeanson… C’est à cette période encore que le Centre international de recherches sur l’anarchisme (CIRA) fut créé.

Ouvrier dans le bâtiment, puis éducateur pour jeunes délinquants, ce n’est pas dans le salariat que le réfractaire trouvait des réponses à ses questions. Suite à un chantier du Service civil international, il organisa, fin 1958, un jeûne en faveur de l’objection de conscience dans le monde. Presque dans la foulée, le 23 janvier 1959, il écrivit au ministère français des Armées : « Je me suis exilé il y a deux ans afin de ne pas apprendre à me servir d’armes (…) Je suis guidé par un idéal de socialisme libertaire non-violent et internationaliste (…) Lorsque je retournerai en France, ce sera avec la volonté de continuer ma vie au service de l’homme et de son émancipation. »

Après la Suisse, le moraliste libertaire est allé poser ses valises à Bruxelles au début de l’année 1960. Un réseau informel de solidarité y liait anarchistes, syndicalistes, francs-maçons, chrétiens « hors-la-loi ». Gagnant sa vie comme magasinier dans une fabrique de papier, l’insoumis découvrit l’existence d’un mouvement non-violent contre la guerre d’Algérie, l’Action civique non-violente (ACNV). Une initiative créée par Lanza del Vasto, le fondateur de la communauté de l’Arche que Gandhi avait appelé Shantidas (Serviteur de Paix). Parallèlement, l’anarchiste Louis Lecoin lançait des actions pour la défense des objecteurs de conscience. L’heure du retour en France avait sonné pour André. Ce fut fait le 28 mars 1961, trois jours après son mariage avec Anita. Un voyage de noces mouvementé s’annonçait.

André Bernard fut arrêté par la police lors d’une manifestation organisée à Marseille le 12 mai 1961. Les pandores n’eurent aucun mal à s’emparer des dangereux non-violents. Ils s’étaient enchaînés eux-mêmes ! Des tracts expliquaient le motif de leur présence. Le hic, c’est que sept hommes déclaraient s’appeler André Bernard. Qui était le mouton noir ? Finalement identifié, il passa en procès le 24 mai pour écoper de dix-huit mois avec sursis. Libéré, il fut vite repris par la justice militaire. La fronde antimilitariste se solda par vingt-deux mois de détention intermittente.

Libre et réformé au début de l’année 1963, André Bernard devint correcteur d’imprimerie avec le soutien de l’anarchiste May Picqueray, alors chef-correctrice de l’ancien Libération. Toujours non violent, il réfléchissait au moyen de « débarrasser la non-violence de la religion ». Ni dieu ni maître, nom de dieu ! En avril 1965, sortait le premier numéro de la revue Anarchisme et non-violence. « Nous estimions que le mouvement anarchiste n’avait pas accordé à la non-violence l’importance qu’elle méritait. » ANV s’arrêta au bout de trente-trois numéros au moment où éclatait le conflit mémorable du Parisien libéré, journal où André était correcteur. L’occasion de confronter l’action non-violente à la lutte des classes. En marge de cet épisode syndical, le militant explique les circonstances amusantes qui l’ont conduit à rencontrer et même à exposer, en 1978, avec le groupe surréaliste de Paris.

Aujourd’hui membre du cercle libertaire Jean-Barrué dans la région bordelaise, retraité, André Bernard offre ses talents d’auteur, de monteur et de correcteur à l’Atelier de création libertaire, aux revues Les Temps maudits et Réfractions, au Combat syndicaliste, au Monde libertaire. Ce sont d’ailleurs des articles publiés dans Réfractions et Le Monde libertaire qui composent la seconde partie de Etre anarchiste oblige ! Des textes qui, comme Pour une désobéissance civile généralisée (publié dans le hors série été 2010 du Monde libertaire), décortiquent les liens violence/non-violence/révolution/projet libertaire.

En faisant l’addition des mouvements qui ont actuellement recours à l’action directe non-violente sous toutes ses formes (désobéissants, faucheurs, clowns, déboulonneurs, Greenpeace, Droit au logement, Planning familial, Act Up, réseau Education sans frontières, cercles de silence…), il est certain qu’un vaste champ de nouvelles résistances prend corps. Ça ne se fera évidemment pas sans affrontements, mais moyens et objectifs seront cohérents. « La pratique de l’action non-violente ne veut pas dire qu’il n’y aura pas des coups à prendre, de la prison à subir et des vies à donner, prévient André Bernard. De ce côté-là, rien de change ! »


André Bernard,
Etre anarchiste oblige ! , Atelier de création libertaire, 234 pages. 14€.


Pour une désobéissance civile généralisée
( Le Monde libertaire , hors série été 2010).

Paco

Le Post

http://www.lepost.fr/article/2010/10/10/2258444_la-bonne-memoire-d-andre-bernard-ancien-non-combattant.html