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Le Visage du Bagne : chapitre 18 Diversités


mercredi 4 octobre 2023 par JMD

Aux Iles du Salut, il n’y a pas de cimetière pour les condamnés.

Ces derniers sont immergés.

Un cercueil recouvert d’une enveloppe métallique à l’intérieur et à l’extérieur, est destiné à recevoir tous les défunts. On le place dans le canot, qui est amené à un mille au large. Alors on stoppe et deux canotiers, se saisissant du corps par les extrémités, celui-ci est jeté à l’eau au troisième balancement.

Aussitôt les requins, qui tournaient autour du canot attendant leur proie se jettent sur le corps et le mettent en lambeaux. L’un s’adjuge la tête, les autres un membre ; le tronc est l’objet d’une attaque plurale qui finit par en avoir raison.

Une légende veut qu’avant la séparation des Églises et de l’Etat, alors que l’aumônier prenait place dans le canot et que la cloche de la chapelle sonnait à toute volée, les squales accouraient vers l’appontement et escortaient l’embarcation jusqu’au point du « mouillage » – ainsi que l’on appelle la funèbre immersion[1].

Alors que le Bagne battait son plein, que les convois de France arrivaient régulièrement, la mortalité pénale était de l’ordre de vingt pour cent[2]. Elle suivait une courbe particulièrement ascendante durant les trois mois qui suivaient l’arrivée de ces convois, deux fois par an.

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Le Visage du Bagne : chapitre 17 La poubelle du Bagne


mardi 3 octobre 2023 par JMD

Sur la route qui relie Saint-Laurent au Nouveau-Camp, d’une longueur de quinze kilomètres environ, on rencontre assez souvent un groupe plus ou moins important encadré de porte-clés, et composé de malades et d’impotents. Ce cortège s’achemine lentement, sans cohésion. Les plus ingambes forment l’avant-garde, les autres suivent comme ils le peuvent. De temps à autre, une halte rassemble tout ce monde éparpillé.

Il s’agit d’un convoi qui se dirige vers le Nouveau-Camp. On a continué à lui donner ce nom par habitude, alors que depuis longtemps il ne le méritait plus.

En pleine forêt, sur une éminence déboisée, se trouvent une quinzaine de cases construites avec des poteaux rassemblés, recouvertes de bardeaux et de feuilles sèches. Dans ce paysage de désolation, parmi ces baraques archaïques, végètent et meurent misérablement plusieurs centaines d’êtres pitoyables qui furent peut-être des hommes mais qui sont devenus des déchets d’humanité[1].

De mon temps, deux cases étaient réservées aux tuberculeux ; une trentaine de ces condamnés à la mort lente, représentaient toutes les variétés du bacille de Hock[2]. Toujours en vertu de l’axiome pris à rebours : qui s’assemble se ressemble, diarrhéiques, ulcéreux, fiévreux, faisaient bande à part, selon leur spécialité. La catégorie des éclopés, sympathisait avec celle des malbâtis et des aveugles. Quelques demi-fous trouvaient un refuge ici et là.

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Le Visage du Bagne : chapitre 15 La Réclusion cellulaire


dimanche 1 octobre 2023 par JMD

Sur le plateau dénudé de l’ile Saint-Joseph, dressant sur le même plan leurs masses austères, se profilent les trois bâtiments de la Réclusion cellulaire.

Ce sont de vastes hangars, recouverts de tôles ondulées peintes au minium[1].

Que l’on se figure deux rangées de dés placées dos à dos, et d’une façon longitudinale dans l’enceinte de ses hangars, et l’on aura une idée générale du dispositif d’ensemble de cet établissement.

La hauteur des rangées cellulaires, arrive à peine à la moitié de la hauteur totale de la base jusqu’au toit. Les murs des cellules sont constitués par des grillages du côté de la porte, ainsi que le plafond.

D’un bout à l’autre, et à cheval sur les rangées de cellules, est installée une passerelle que les surveillants parcouraient fréquemment, chaussés d’espadrilles, pour épier les réclusionnaires.

À chaque porte, un guichet est pratiqué, par où l’on distribuait notamment le pain et les gamelles.

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Le Visage du Bagne : chapitre 13 Les Incorrigibles


vendredi 29 septembre 2023 par JMD

À une vingtaine de kilomètres de Saint-Laurent-du-Maroni, sur les bords d’une crique[1], se trouvaient deux groupes de baraquements en bois. Le premier, était le camp libre, le second (entouré de palissades) était le camp disciplinaire des Incorrigibles de Charvein.

Il était formé de plusieurs cases, dont les murs étaient constitués de poteaux à travers lesquels on pouvait voir ce qui se passait et entendre ce qui se disait à l’intérieur.

C’est là où l’on envoyait tous ceux qui avaient encouru plus de trois mois de cachot dans un même trimestre, ainsi que les évadés punis disciplinairement ou acquittés par le Tribunal Maritime spécial.

Charvein ! Ce mot résonnait lugubrement aux oreilles de ceux qui ne connaissait la chose que par ouï-dire. Il était l’évocation d’un cauchemar pour les autres qui savaient…

En principe, il fallait six mois de bonne conduite en ces lieux, pour en être déclassé, mais ce minimum de séjour obligatoire était, en fait,  largement dépassé.

Les « Incos », ainsi qu’ils étaient dénommés par abréviation, étaient soumis à des travaux extrêmement pénibles. Complètement nus, de la tête jusqu’aux pieds – à part une sorte de léger caleçon […] au-dessus des genoux et appelé là-bas trousse-c… – ils partaient avant le jour pour rejoindre l’abattis, situé à plusieurs kilomètres. Avec un quart de café dans le ventre, ils devaient abattre de l’ouvrage jusqu’à onze heures.

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Le Visage du Bagne : chapitre 12 Le pot de terre contre le pot de fer


jeudi 28 septembre 2023 par JMD

La réglementation du Bagne, ainsi que nous l’avons noté, se composait d’une foule de lois, décrets, circulaires et arrêtés. Les modifications et les abrogations, en faisaient un fatras administratif parmi lequel il était difficile de se reconnaitre.

Grâce aux transportés comptables, j’avais pu cependant, de bonne heure, m’initier et me documenter au sein de ce labyrinthe paperassier.

A tel point, que le Directeur Barre[1] passant un jour une inspection aux Iles du Salut, devait avouer que je connaissais les règlements mieux que lui. Cette connaissance des règlements fut pour moi un atout formidable, dans la lutte que j’entrepris dès le début contre l’Administration et ses tenants. Cette lutte, je devais la soutenir jusqu’au bout – inlassablement et sans défaillance.

C’est surtout par des réclamations écrites, que je portais mes coups contre la vieille armature de la Tentiaire[2].

Je les appuyais par des faits probants, fournissant toutes preuves matérielles et testimoniales. Lorsque les règlements étaient violés ou inobservés par ceux-là même qui devaient en faire l’application – et naturellement à notre désavantage – c’est avec une sûreté infaillible que je citai les textes, les articles et les paragraphes – ainsi que les dates. Aussi, la plupart du temps mes réclamations étaient-elles reconnues fondées. Elles avaient des suites fâcheuses, pour les agents et fonctionnaires mis en cause.

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Le Visage du Bagne : chapitre 11 Au cachot


mercredi 27 septembre 2023 par JMD

À l’île Royale, les cachots occupaient l’aile droite des locaux disciplinaires.

Ils étaient disposés sur deux files, séparées par un couloir assez étroit.

Chaque cachot était flanqué d’un lit de camp, muni du dispositif des fers.

L’ameublement se composait d’un baquet à eau, d’un baquet à vidange et d’une couverture. Un trou était ménagé au plafond, et un petit tuyau recouvert d’un capuchon en zinc l’encadrait, qui prétendait être un tuyau d’aération – car il n’y avait pas de fenêtre. En outre, une plaque métallique encastrée au bas de la porte, était percée d’une quinzaine de trous, qui tendait au même but – mais avec plus de succès.

Ainsi que je l’ai déjà dit, les punis de cachot étaient soumis au pain sec deux jours sur trois[1], et aux fers pendant la nuit. Le peu d’air et de jour qui pénétrait par la plaque de la porte, ne provenait pas directement de l’extérieur, mais du couloir.

La porte de chaque cachot était tenue ouverte le matin, pendant trois minutes, pour permettre la corvée des baquets et le balayage du local.

Indépendamment de cela, les punis de cachot sortaient dans la cour pendant un quart d’heure chaque semaine, à l’effet de prendre une douche.

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Le Visage du Bagne : chapitre 10 Le Système D.


mardi 26 septembre 2023 par JMD

Au Bagne, la « débrouille » est un qualificatif qui englobe toutes sortes de moyens et de procédés destinés à se procurer de l’argent ou toute autre chose ayant de la valeur. Selon les cas, elle est peut aussi bien être licite qu’illicite.

La « camelote » se rapporte spécialement aux trafics entre surveillants et condamnés ; elle est toujours répréhensible en regard des règlements[1].

Se débrouiller, est la grande affaire en ces lieux où chacun est tenu de pourvoir à son nécessaire, s’il ne veut pas vivre en parasite aux dépens de la communauté.

Les vivres des condamnés, qui constituent leur ration réglementaire – qui devait être sacrée – donnent lieu à une foule de trafics qui se sont révélés à l’épreuve de toutes les défenses et de toutes les précautions préventives[2].

Ils sont entrés dans les mœurs.

D’abord, les employés de cambuse commencent par fausser les pesées ; ensuite les cuisiniers font des prélèvements sur toutes choses : viande, légumes secs, riz, graisse, lard, sucre et café.

Ces détournements sont liquidés aussi bien aux surveillants qu’aux condamnés.

Parmi ces derniers, il y a une catégorie de privilégiés, qui achètent ainsi la ration de leurs camarades – ceux qui savent s’imposer. Au nez et à la barque[3] de ceux qu’ils frustrent ainsi, ils font cuire de beaux biftecks qu’ils acquièrent à bon compte. Les condamnés vendent généralement une partie de ce qu’ils reçoivent de l’Administration : chemises, chaussures, couvertures, savon – dont les surveillants, aux Iles du Salut, et les indigènes à la grande terre, sont acquéreurs. Tous ceux qui ont des emplois en tirent tout ce qui est possible pour améliorer leur sort.

Les boulangers vendent du pain frais, des gâteaux, de la farine (transformée en nouilles) ; les jardiniers tirent parti des légumes verts et des fruits ; les infirmiers trafiquent des boîtes de lait et des médicaments ; les balayeurs extérieurs se livrent aux maraudages. Les comptables sont experts à faire flèche de tout bois. Ils procurent des places et des emplois, tarifés selon leur rendement. Ils font disparaître les libellés de punition, grattent les livrets individuels en faisant disparaitre les notes qui peuvent porter préjudice aux intéressés. Lorsqu’il est formé un convoi pour aller au chantier forestier – ce qui est particulièrement redouté – ils font en sorte de rayer certains noms de la liste pour la remplacer par d’autres. Ces derniers, partiront au lieu et place de ceux qui auront payé pour ne pas partir.

Les plantons, se débrouillent en bazardant du papier, des plumes, de l’encre. Les canotiers écoulent les articles du Bagne, les marchandises volées ; ils passent des billets et des commissions d’une ile à une autre.

De temps en temps, il se commet quelque vol ; il manque une ou plusieurs têtes de volailles ; des régimes de bananes disparaissent. Quant aux cocos, c’est une véritable dévastation.

Certains ont la spécialité de trouver des écoulements pour le produit de ces vols et de ces chapardages.

Tout cela se pratique presque ouvertement, dans la généralité des cas. L’Administration laisse faire : d’ailleurs les surveillants y sont trop intéressés pour faire montre d’un zèle intempestif. Les uns et les autres se tiennent par le bout du nez.

Quelquefois, cependant, des Commandants de pénitenciers ont tenté – tout au moins – d’enrayer le trafic des cuisines.

Ils firent cadenasser les marmites ; les vivres étaient pesées par le Chef de camp, la graisse était mise en sa présence, ainsi que le café et le sucre.

Précautions inutiles ! Les cadenas étaient ouverts et refermés à l’aide de fausses clés ; la graisse était récupérée à la surface. On enlevait une partie du café et on ajoutait de l’eau. De même pour la viande. Le café ainsi détourné, se vendait liquide ; La viande cuite récupérée, était cédée à des commerçants des cases, qui en faisaient des boulettes frites, en y ajoutant de la mie de pain.

Un génie inventif de mauvais aloi, venait à bout de tous les obstacles. Certains allèrent même jusqu’à enduire des briques d’une légère couche de savon pétri et séché, pour les vendre aux cargos de passage.


[1] Note de Roussenq : Exemple : les surveillants et les fonctionnaires se font faire des meubles en « camelote » par les ouvriers de l’atelier des travaux – ainsi que des ustensiles de toutes sortes. Il y a là, à la fois, détournement de la main-d’œuvre pénale et de matières premières appartenant à l’Etat.

[2] Le trafic alimentaire est un des thèmes majeurs de la correspondance de Roussenq qui n’a de cesse de dénoncer cette pratique tout au long de sa détention ; ainsi en est-il dans son Mémoire kaléidoscopique de vingt mois aux îles du Salut qu’il adresse au gouverneur de la Guyane le 19 septembre 1910 et qui pointe du doigt les bagnards infirmiers, cuisiniers et autres « aristocrates du bagne » s’engraissant sur le dos de leur codétenus.

[3] Comprendre plutôt : au nez et à la barbe.

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Le Visage du Bagne : chapitre 9 Dans la case


lundi 25 septembre 2023 par JMD

Dans la case, le forçat est chez lui : il y mange, il s’y repose, il y dort.

C’est là qu’il exécute ses travaux d’amateur, grâce auxquels il peut améliorer son sort. C’est là aussi qu’il se distrait. Dans la case, enfin, se déroulent les manifestations de sa vie intime.

Les surveillants y pénètrent rarement.

Il est dix heures ; les condamnés viennent de rentrer du travail et les hommes de soupe sont de retour de la cuisine apportant les plats, lesquels comportent chacun dix rationnaires.

Chacun a pris son pain, a posé sa gamelle autour du plat de viande et du seau à bouillon et la distribution se fait. Souvent, la viande n’est pas fameuse et le bouillon n’est que de l’eau chaude ; n’importe, on va y parer. Les commerçants sont affairés ; ils s’empressent de satisfaire leurs clients. Ragoûts, nouilles, fruits, épicerie, café, remplaceront avantageusement la ration administrative[1].

Après ce repas, les uns se livrent à la sieste, les autres au jeu ou à la lecture. Les industrieux se mettent à l’ouvrage. A deux heures, c’est la sortie pour le travail ; préalablement, l’appel est fait devant chaque case. A six heures du soir, c’est la rentrée. On sert les légumes et le bouillon, à moins que ce soit du riz – et alors le repas est vite servi.

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Le Visage du Bagne : chapitre 8 Le Service de Santé


dimanche 24 septembre 2023 par JMD

Le Service de Santé de la Guyane, est composé de médecins-militaires.

Créé spécialement pour les besoins du Bagne, il donne également des soins à la population civile de la Colonie.

Le Chef de ce Service est ordinairement un médecin-Colonel, résidant à Cayenne. Les autres médecins qui sont sous ses ordres, sont établis dans les différents pénitenciers. Leurs grades s’échelonnent de celui de médecin-aide-major à un galon, à celui de médecin-Commandant, à quatre galons.

Ces praticiens dévoués n’ont de militaire que le nom.

La Guyane compte quatre hôpitaux : deux aux Iles du Salut[1], un à Cayenne et un à Saint-Laurent. Il y a, en outre, deux léproseries, une étant destinée aux condamnés et l’autre aux indigènes[2].

Les hôpitaux de la Guyane, au point de vue des soins et du régime alimentaire des malades, étaient mieux partagés que ceux de la métropole. La visite des salles était biquotidienne, chaque malade était soigneusement examiné et ausculté.

Le comptable prenait note des ordonnances, dans leurs moindres détails.

Chaque malade, selon son cas particulier, était l’objet d’un régime alimentaire spécial : régime lacté, régime gras, régime particulier. Le lait (condensé) était à volonté. Le régime gras, abondant et nutritif, renforcé d’un demi-litre de vin par jour, était réservé aux blessés.

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Le Visage du Bagne : chapitre 7 Sous le casque blanc


samedi 23 septembre 2023 par JMD

Tout surveillant-militaire nouvellement arrivé en Guyane, et je suppose qu’il est célibataire, est loin d’être cousu d’or. Généralement, toute sa fortune se trouve dans une mallette et une ou deux valises. Quelquefois même, une seule valise constitue tout son bagage.

Il n’est ni plus mauvais ni meilleur que le commun des mortels ; c’est un homme comme beaucoup d’autres, ayant ses défauts et ses qualités.

De même que le forçat finit par s’identifier avec le Bagne, qui le façonne de son moule, ainsi l’apprenti-surveillant finira par devenir un garde-chiourme consommé.

De prime abord, le mécanisme du Bagne, ses extraordinaires particularités, ne manquent pas que de l’effarer ; il se demande où il a mis ses pieds. Peu à peu, cependant, il fera corps avec cet ensemble dont il ne pourra plus se dissocier.

Car le Bagne ne déteint pas moins sur les surveillants que sur les condamnés. Comment pourrait-il en être autrement ?

Les surveillants-militaires n’ont jamais reçu une solde suffisante pour leurs besoins, même étant célibataires. À plus forte raison s’ils sont mariés et chargées de famille.

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Le Visage du Bagne : chapitre 5 Mentalité pénale


jeudi 21 septembre 2023 par JMD

Le Bagne est composé d’éléments dissemblables qui, de prime abord, ne paraissent guère pouvoir s’accorder entre eux.

Toutes les nationalités, toutes les races s’y coudoient, les diverses classes sociales y sont représentées.

Les voyez-vous, portant tous le même costume pénal, que surmonte le chapeau de paille aux larges bords ? Même leurs visages ont un air de famille. Pourtant, ils ont été médecins, officiers, prêtres, banquiers, notaires, ouvriers, paysans, étudiants – et aussi, des voyous de barrière, des voleurs de profession…

On y voit des descendants dégénérés de familles nobiliaires, acoquinés à d’anciens pupilles de l’Assistance publique ou des maisons dites de correction.

Les uns, sont venus s’échouer au Bagne naturellement : leur destin les y poussait, ils ne pouvaient pas ne pas y venir – à moins d’avoir le cou tranché.

Les autres, y sont venus fortuitement, par accident, alors que nul n’aurait pu leur prédire une telle fin.

On pourrait croire qu’un semblable amalgame aussi hétérogène est susceptible d’engendrer des oppositions irréductibles et des heurts continuels – il n’en est rien.

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Le Visage du Bagne : chapitre 3 Aux Iles du Salut


mardi 19 septembre 2023 par JMD

La « Loire » s’annonça, par trois fois, en mugissements prolongés ; peu après, elle mouillait ses ancres, après une traversée de quatorze jours[1].

C’était le 13 janvier 1909.

Dans la rade, et en notre honneur, il y avait deux vapeurs côtiers de la Compagnie de navigation guyanaise, toute une flottille de chalands, de canots et de baleinières.

Cette flottille évolua afin d’opérer le débarquement, sous l’impulsion de vigoureux canotiers – forçats qui maniaient les avirons avec une maîtrise consommée. Ces opérations se firent avec lenteur. Une partie du convoi, les relégués, fût transbordée sur les vapeurs plus haut mentionnés, à destination de Saint-Jean-du-Maroni. Les forçats furent dirigés à bord des chalands sur l’ile Saint-Joseph. Nous fûmes placés en files le long d’une route longeant la mer, on nous compta et on nous recompta après des appels successifs.

Ensuite on nous fit ouvrir nos sacs et en étaler le contenu à nos pieds. De nombreux surveillants, casqués et vêtus de kaki, s’empressèrent d’établir un inventaire qui devait réduire singulièrement notre paquetage.

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Le Visage du Bagne : chapitre 2 La traversée


lundi 18 septembre 2023 par JMD

Le train nous déversa presqu’au port. Une foule de curieux, de parents et d’amis nous y attendaient. Des paroles s’échangeaient de part et d’autre, des mouchoirs s’agitaient, des paquets de tabac et de cigarettes voltigeaient par-dessus le service d’ordre – et aussi de petits paquets où il y avait de l’argent.

Des larmes coulaient sur plus d’un visage. Il y avait là des mères qui voyaient leurs enfants partir et qui regardaient de tout leurs yeux le fruit de leurs entrailles – et un pressentiment leur disait que c’était pour la dernière fois… Les gendarmes, le service d’ordre, étaient compréhensifs et ne s’opposaient pas à ces ultimes communions d’âmes. De grands chalands amarrés à des remorqueurs nous attendaient et l’on nous y entassa. Au large, le transport de l’Etat « Loire » nous attendait sans pression. Au fur et à mesure que les chalands accostaient à son bord, ils déchargeaient leur cargaison humaine. Nous étions reçus un par un à la coupée, palpés et fouillés. La plupart des paquets de tabac et de cigarettes que nous avions récoltés, passèrent dans les mains des surveillants du Bagne, qui opéraient la fouille. Ces surveillants étant arrivés en fin de congé, rejoignaient la Guyane en servant d’escorte au convoi.

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Le Visage du Bagne : chapitre 1 L’antichambre du bagne


dimanche 17 septembre 2023 par JMD

Paul Roussenq

Le Visage du Bagne

(Souvenirs vécus.)

Précédé du

Poème de la géhenne

Préambule

Le public a toujours été avide d’être entretenu des choses du Bagne. Albert Londres, ceux qui ont suivi ses traces, se sont efforcés de satisfaire cette curiosité.

Ils l’ont fait avec cette maîtrise, cette objectivité qui leur sont propres – selon leur tempérament et l’angle de leur point de vue.

Cependant, ce n’est pas en y séjournant trois semaines ou un mois, que l’on peut décrire le Bagne sous ses multiples aspects. Celui-là seul qui a été nourri dans le sérail, peut en connaître tous les détours.

En 1925 a eu lieu la réforme du Bagne. Mais toutes modifications, toutes transformations ne sauraient altérer son visage, qui porte la marque de la pérennité[1].

P. R.

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Le Visage du Bagne : poème de la géhenne


samedi 16 septembre 2023 par JMD

À Monsieur

Le Docteur Niel,

Médecin-Chef

Du C.S. S de Sisteron

où il représente la

Science et l’humanité

P. R Février 1942

Paul Roussenq

Poème de la géhenne

Pour tout observateur qui le scrute et le sonde,

Le Bagne est en petit ce qu’en grand est le monde,

Mais la honte n’est point, en ce milieu pervers

Où se montrent à nu le vice et les travers.

Le chancre social qui sans cesse suppure,

En rongeant sourdement l’œuvre de la nature;

Les tares, les noirceurs et les expédients –

Forfaits prémédités, méfaits inconscients –

Tout ce qui dégénère et tout ce qui ravale,

Comme en pays conquis cyniquement s’installe.

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