Canicule ? Été 2023. Un gros coup de chaud à la rédaction ? Les stagiaires patinent dans la semoule et dans la sueur. « L’histoire de Maurice Jacob qui a inspiré Arsène Lupin » nous dit le titre de la petite vidéo qui accompagne le propos du magazine Géo sur son site internet en ce mois d’août 2023. Un bien bel article, hélas non signé, vient alors nous expliquer, malgré l’emploi du conditionnel, comment Alexandre Leblanc a pu imaginer en 1905 et écrire deux ans plus tard l’histoire du voleur le plus célèbre de tous les temps. La preuve est parait-il incontestable. Le génial écrivain normand a assisté au procès d’Amiens. La preuve est bien évidemment donnée sans mention de source. Alexandre ? Pardon. C’est le prénom Marius – Maurice qui prévaut ici bien évidemment même si Géo ignore que ce prénom n’est utilisé par Jacob himself qu’à partir de 1931. Géo vient donc de remporter le Lupin d’or de la fumisterie et de l’amalgame.
Le moutarde me monte au nez ? Le grand blond avec une chaussure noire ? Le distrait ? La chèvre ? Nous n’allons pas faire l’inventaire des films à succès de l’acteur comique français Pierre Richard, né en 1934. Ce n’est pas pour autant une rubrique « people » du Jacoblog, et, si le très sérieux quotidien Le Monde entame en décembre 2019 une série d’articles posant la question de l’influence sur tel ou tel personnalité célèbre, celui sur l’acteur qui a mal ou bien tourné – selon que l’on aime ce style de cinéma ou que l’on apprécie l’allusion à Gaston Couté – n’a pas manqué de nous interpeler.
David Snug est auteur de BD. David Snug est drôle. Il est aussi socialement conscient. David Snug s’appelle en réalité Guillaume Cardin mais Snug c’est mieux. David Snug fait de la musique et quand il ne taquine pas Euterpe au sein des Trotski Nautique, il s’applique à nous dilater la rate avec ses dessins au vitriol. « Maître dans l’art de la punchline, du détournement et de la mauvaise foi, il pointe les travers de notre époque, épingle les puissants, les politiques, les stars de l’industrie culturelle et des médias, et dénonce les conformismes et le militantisme de façade (greenwashing, flexitarisme, etc.). » écrit Nada, son éditeur, à l’occasion de la sortie au début de cette année 2023 de La lutte pas très classe petit livre de 72 pages. David Snug a tranché la question de la lupinose. En effet, comment comprendre l’histoire d’un honnête cambrioleur si on ne prend pas en compte ses motivations politiques ? De fait : « Alexandre Jacob sans lutte des classes c’est Arsène Lupin« . Que David Snug soit ici grandement remercié.
« Dans la nuit du 11 au 12 septembre 2022, j’ai eu une insomnie. C’est très rare chez moi car je suis plutôt une grosse marmotte. A 2h30, j’ai quitté mon pieu, je suis redescendu à mon bureau et j’ai écrit un refrain, un dernier couplet et une musique sur un poème commencé cet été dans mon carnet… Bref j’ai travaillé la nuit pour rendre hommage aux travailleurs de la nuit, comprend qui veut ou qui peut Cette chanson est remplie de rouges et noirs clins d’œil (notamment au manifeste des 343 et à Marius Alexandre Jacob) à tous ceux qui donnent un sens à la lutte. »Lire le reste de cet article »
Vendredi 27 août 1954, Josette est partie depuis quatre jours ; Marius met son plan à exécution. Il a tout prévu. Morphine et monoxyde de carbone. L’anarchie c’est l’ordre et l’organisation sans le pouvoir. Berthier, Rousseau, Sergent se sont refusés à lui donner des conseils. Des fadas ! Dans l’après-midi, il a offert un goûter aux enfants du hameau. Boudin, purée, limonade et un tour dans la vieille Buick[1]. Une sorte de cène donné par Attila-Barrabas. La veille, il a écrit ses dernières lettres : une pour Guy Denizeau, une pour Louis Rousseau, une pour Pierre-Valentin Berthier, une pour Robert Passas. Il a même trouvé même la force de faire à Alexis Danan la critique du Cayenne[2] qu’il n’avait pas lu jusqu’à présent. Au mois de juillet, le journaliste était passé le voir et en avait tiré un article, Le crépuscule du justicier, paru le 3 août dans Franc-Tireur et conçu comme une nécrologie ante-mortem :
« Jacob, dans un village gris et vert du Berry, non loin d’une rivière à peupliers moirés, est maintenant un vieillard au profil d’universitaire à la retraite, qui tire tranquillement le bénéfice d’une vie depuis toujours entraînée à la solitude, parfois sépulcrale. Sa maison est à lui, dans les noyers et les herbes hautes, qu’il n’a plus le goût de faucher. Il regarde les choses peu à peu répondre à son détachement d’elles. (…) Reverrai-je encore ce visage, l’un des plus beaux que je connaisse, buriné par une intelligence qui n’a brûlé que pour le gratuit service des autres, pour ces indifférents, ces ingrats et ces médiocres qu’on appelle les autres ? »
Accompagnées de saucisses de Toulouse, de jarret ou d’une quelconque autre pièce porcine de choix, les lentilles peuvent constituer – quoi qu’on puisse en dire – un met délicieux et raffiné. Mâtiné de datura stramonium, plante hautement toxique répondant aux doux noms de herbe du diable, herbe aux sorciers, herbe des magiciens, herbe aux voleurs, chasse-taupe, endormie ou encore pomme épineuse, le vulgaire plat devient communément mortel. Le 25 décembre 1908, Alexandre Jacob et Joseph Ferrand, avertis par le forçat Pierre Ferranti m°36029, avaient surpris Joseph Capelletti, m°31036[1], connu pour être coutumier de la funeste pratique, en train de verser du poison dans la gamelle du premier. Lardé de coups de couteau, Capelletti trépasse rapidement. Mais, lors de l’instruction qui s’ensuit immédiatement, la dite gamelle disparait puis réapparait des scellés et Jacob, mis à l’isolement préventif, ne peut prouver la légitime défense puisque l’analyse médico-légale de l’objet incriminé ne révèle aucune trace de datura. Lire le reste de cet article »
« Tout jeune, le virus de justice m’a été inoculé, cela m’a valu bien des désagréments. Aujourd’hui encore, au déclin de la vie, la moindre injustice me heurte et réveille en moi le Don Quichotte de mes jeunes printemps. » 1954
Il était Georges, Attila quand il pillait les églises de France et d’ailleurs ou encore Barrabas dans les camps de travaux forcés guyanais. L’anarchiste de la Belle Époque a fini d’expier ses crimes depuis le 30 décembre 1927. Presque un quart de siècle à payer ses horribles atteintes à la propriété. Prématurément vieilli au régime de la géhenne, il aurait perdu ses repères ? Rien n’est moins faux. Alexandre Marius Jacob, « cambrioleur en retraite », honnête marchand forain au curriculum vitae particulièrement chargé, a quarante-huit ans. Le bagne ne l’a pas brisé. Il est l’homme libre et a encore des Bastilles à faire tomber, des choses à dire et un amour à assumer. Prison, Josette, anarchie. Lire le reste de cet article »
La Manche Libre, hebdomadaire bas normand d’information générale, diffuse sur Cherbourg, Saint Lo, Coutance, Grandville, Avranches, etc. Positionnée clairement à droite, appelant à voter Sarkozy en 2007 puis en 2012, la feuille tire à soixante – soixante-dix mille exemplaires (chiffres de 2017). Il faut donc pouvoir toute les semaines édifier son lectorat amateur de claquos au lait cru et de cidre fermier. Madame Michu vient de nous quitter à Besneville ; Monsieur Michu a fini dans le fossé avec trois gramme dans le sang à Varenguebec; le chien des époux Michu a mordu le facteur à Orglandes… Alexandre Jacob a visité la demeure de l’amiral Aubry de La Noë à Cherbourg en décembre 1902. Lire le reste de cet article »
Référence(s) : Docteur Louis Rousseau, Les hommes punis. Un médecin au bagne, édition établie par Jean-Marc Delpech et Philippe Collin, Paris, Nada éditions, 2020, 364 p.
Ce livre est une réédition de l’ouvrage Un médecin au bagne du docteur Louis Rousseau, publié en 1930 aux éditions Armand Fleury. Il s’inscrit dans une désormais longue liste de rééditions de témoignages consacrés au bagne colonial de Guyane publiées ces dernières années, citons notamment ceux d’Eugène Dieudonné (La vie des forçats, Libertalia, 2014), de Paul Roussenq (L’enfer du bagne, Libertalia, 2009 ; Vingt-cinq ans de bagne, la Manufacture de livres, 2016), de René Belbenoit (Guillotine sèche, la Manufacture de livres, 2019) ou bien encore de Clément Duval (Moi Clément Duval, anarchiste et bagnard, Nada éditions, 2019). Mais à l’inverse de tous ces témoignages écrits par des forçats, Un médecin au bagne permet au lecteur d’accéder à l’expérience vécue par un agent du bagne et offre ainsi un point de vue sur cette institution relativement rare. Lire le reste de cet article »
Le jeu de mot n’est pas terrible. Nous n’en avons pas trouvé de plus évocateur à la suite du bel article de Pierrick Starsky paru dans le n° 108 de Siné Mensuel (juin 2021) sur le cambrioleur Jacob. Si l’on excepte quelques petites boulettes sans conséquences, l’honnête papier donne une honnête chronologie de l’honnête homme pour qui le droit de vivre – et non « la liberté de vivre » – ne se mendiait pas, elle se prenait. On sent même chez l’auteur une véritable empathie. Y-a-t’il pour autant lieu de « cesser le débat » sur la lupinose comme en appelle le nota bene à la fin du sympathique papier ? Nous n’en sommes pas vraiment sûrs. Lire le reste de cet article »
22 mars 1905 à Amiens. Grande effervescence. La fatigue se lit sur les visages. L’angoisse aussi certainement après 15 jours d’un procès à haute tension et émaillé de nombreux rebondissements. Des cambriolages à foison ; un agent de police passé de vie à trépas. Un dossier d’instruction épais et des témoins en nombre. La ville est gardée par plusieurs milliers de militaires et de policiers. Les principaux prévenus, Alexandre Jacob en tête, ont été expulsés lors de la sixième audience. Force doit rester à la justice. Les douze jurés entrent dans la salle des délibérations à 10 heures et 30 minutes précises. Pendant dix heures et quarante minutes, le jury, dont la constitution fut des plus aléatoires, s’attelle à répondre aux 676 questions posées par le procès. Ce grand nombre justifie bien sûr la durée des délibérations et fait suggérer à Albert Libertad, dans un court article de son journal l’anarchie en date du 20 avril 1905, l’ironique mise en place « distributeurs automatiques de oui et de non » : « Les réponses ne seraient pas plus extravagantes. (…) et de plus les automatiques ne foireraient pas dans leur culotte comme certains de ces messieurs lors du procès Jacob. Ça ferait plus propre et plus régulier car, lorsqu’on confie la tête de son prochain au hasard, on ne saurait jamais trop bien faire ». Dans le style lapidaire qui lui est si singulier, le béquillard insinue un verdict largement sous influence. Lire le reste de cet article »
Pour le besoin de la cause publicitaire, ou parce qu’il est intellectuellement plus facile d’intégrer un fait divers extraordinaire qu’une démarche politisée, une grande majorité persiste à croire à l’image du formidable aventurier, héros mythique des temps modernes doté d’un sens aigu de l’humour, volant le riche pour donner au pauvre et sans verser aucune gougoutte de sang. Alexandre Jacob est-il le vrai Omar Sy qui n’est pas vraiment Arsène Lupin mais juste un répliquant génial et vengeur dans la série initié par Netflix en ce début d’année 2021 ? Les deux portent fièrement le chapeau melon à quelques 116 ans de distance. Cela n’a pas manqué. Lupinose à tous les étages à la suite d’un succès télévisé mondial. La pandémie est même plus forte qu’une simple « grippette ». Avis de tempête force 12 de la France au Brésil, en passant par l’Angleterre, l’Inde, la Turquie, le Suède et plein d’autres encore. On en finirait presque par croire qu’Alexandre Jacob EST Arsène Lupin ! Lire le reste de cet article »
« C’est, tout simplement, des lignes que j’écris, que je stocke. Avec mes commentaires à moi personnels. Que vous les lisiez ou non, merci d’être passé me voir. » nous dit Jean-Michel pour présenter son blog de critiques littéraires, musicales, théâtrales et cinématographiques. Nous l’avions rencontré lors d’un salon du livre libertaire il y a fort fort longtemps et, depuis, l’infatigable lecteur a enfin ouvert l’honnête biographie commise chez l’Atelier de Création Libertaire. Procrastination devant « un pavé de 530 pages, écrit petit » ? Il y a certainement un peu de cela. Mais prenant son courage et son livre à deux mains, il a épluché le dit pavé pour en jacter deux mots par la suite et, de toute évidence, il a goûté la vision historique que L’honnête cambrioleur tente de transmettre d’Alexandre Jacob. Et si Jean-Michel Lacroûte vous conseille désormais d’en apprécier à votre tour l’honnête lecture garantie sans lupinose, c’est qu’il n’y a plus à hésiter un moment. L’honnête biographie est en commande en ligne directe sur le site de la maison mère ou chez votre libraire indépendant. Lire le reste de cet article »
Il n’est pas certain pour Robert Louzon (1882-1976) que les trépassés, fussent-ils anarchistes importe peu, soient tous braves. Presque quatre ans après que son ami Monatte ait déglingué au nom du syndicalisme révolutionnaire et de sa haine de l’illégalisme le livre d’Alain Sergent, cet autre et infatigable rédacteur de La Révolution Prolétarienne reprend le flambeau en novembre 1954. Et c’est peu dire qu’il en met une deuxième couche à l’occasion de l’annonce du suicide d’Alexandre Jacob. Cela avait pourtant bien commencé. Vous savez ? Quand dans un entretien, une recension d’ouvrage, on commence par un semblant de positif et, quand vient le « mais », quand tombe le « mais » ou un synonyme, comme le tranchant de la guillotine, la prose dévie sur une démonstration à charge, un passage au rouleau compresseur, un démontage en règle. Alexandre Jacob s’est donc suicidé comme l’auteur du Droit à la paresse pour éviter une vieillesse dépendante. C’est vrai. C’est beau. C’est presque grandiose. Mais Robert Louzon arrête là sa comparaison pour faire feu de tout bois sur l’anarchisme de l’honnête cambrioleur, lui-même considéré comme un successeur dégénéré de Ravachol ou d’Émile Henry. Dégénéré ? Rien que ça ! Lire le reste de cet article »
Interné B depuis la tentative avortée de mariage blanc orchestré en métropole par Charles Malato en 1908 et qui aurait pu donner lieu à une évasion à partir du continent sud-américain, Alexandre Jacob ne peut espérer recouvrer la liberté, ni même sortir un jour des îles.
Il ne voit pratiquement qu’elles (l’île Royale et, de 1909 à 1912, les cachots de la réclusion sur l’île Saint-Joseph), effectuant 7 passages à Saint-Laurent-du-Maroni, entre 1910 et 1919, où se tient le tribunal maritime spécial chargé de punir les crimes perpétrés par les forçats. Lire le reste de cet article »