Le Visage du Bagne : chapitre 3 Aux Iles du Salut
La « Loire » s’annonça, par trois fois, en mugissements prolongés ; peu après, elle mouillait ses ancres, après une traversée de quatorze jours[1].
C’était le 13 janvier 1909.
Dans la rade, et en notre honneur, il y avait deux vapeurs côtiers de la Compagnie de navigation guyanaise, toute une flottille de chalands, de canots et de baleinières.
Cette flottille évolua afin d’opérer le débarquement, sous l’impulsion de vigoureux canotiers – forçats qui maniaient les avirons avec une maîtrise consommée. Ces opérations se firent avec lenteur. Une partie du convoi, les relégués, fût transbordée sur les vapeurs plus haut mentionnés, à destination de Saint-Jean-du-Maroni. Les forçats furent dirigés à bord des chalands sur l’ile Saint-Joseph. Nous fûmes placés en files le long d’une route longeant la mer, on nous compta et on nous recompta après des appels successifs.
Ensuite on nous fit ouvrir nos sacs et en étaler le contenu à nos pieds. De nombreux surveillants, casqués et vêtus de kaki, s’empressèrent d’établir un inventaire qui devait réduire singulièrement notre paquetage.
En effet, on nous enleva une paire de souliers, un complet de treillis de toile fine et le symbolique bonnet de forçat.
Ce dernier nous fut échangé contre un chapeau de paille à larges bords, et l’on nous donna un complet de treillis en toile grossière en remplacement de celui en toile fine.
Ensuite nous passâmes devant le Directeur, qui s’était déplacé spécialement, en vue de notre classement dans un pénitencier. Il prenait sa décision en compulsant le dossier de chacun. Personnellement, je fus affecté aux Iles du Salut jusqu’à la fin de ma peine. Mon dossier portait cette mention à l’encre rouge : antimilitariste dangereux. C’était suffisant pour motiver mon classement[2].
Cela fait, on nous remit notre numéro matricule, imprimé sur un petit rectangle d’étoffe jaune, pour être cousu sur la manche droite de notre vareuse. Puis ce fut le matriculage[3] indélébile de tous nos effets.
Toutes ces opérations avaient eu lieu hors du camp, devant le bureau du Service intérieur. Quand elles furent accomplies, on nous dirigea vers le camp de la transportation[4], situé à deux cents mètres.
Après en avoir franchi le portail, nous aperçûmes, accrochées aux fenêtres du premier bâtiment qui s’offrait à notre vue, des grappes humaines qui nous attendaient avec impatience. C’était les anciens. Torses nus, noirs comme des corbeaux, il nous produisirent une drôle d’impression. Malgré les protestations et les menaces des surveillants, un feu roulant d’interpellations, de questions et de réponses s’établit entre les anciens et les nouveaux :
« Bonjour un tel et un tel – Combien fais-tu ? – Un tel est avec vous ? Et un tel ? qu’est-il devenu, etc – etc »
Contournant le bâtiment, nous nous trouvâmes en présence de dix bâtiments. De structure semblable, formant rectangles de recouverts de tôle ondulée. C’était des « cases ». On appelle ainsi, sous les tropiques, toute habitation indépendante, qui forme corps par elle-même. Quiconque a lu le célèbre roman anti-esclavagiste : « La Case de l’Oncle Tom » me comprendra facilement.
Deux de ces cases étaient transformées en locaux disciplinaires (cellules et cachots) ; les huit autres pouvaient contenir chacune quatre-vingts hommes. Cinq d’entre elles étaient réservées pour héberger le convoi, en attendant sa dispersion dans les différents pénitenciers. Nous y pénétrâmes. Chacun s’installa à sa guise, et selon ses affinités, sur les deux lits de camps parallèles qui composaient tout l’ameublement – avec les planches à bagages qui étaient fixées aux murs, et un tonneau rempli d’eau disposé dans le « coursier », espace compris entre les deux lits de camp. Une porte grillée, quatre fenêtres de chaque côté grillées également, permettaient l’aération et la clarté.
Nous n’étions pas là depuis cinq minutes, que des anciens occupant des emplois d’ordre indispensable – et qui, pour cette raison n’avaient pas été renfermés comme les autres – vinrent nous interpeller en disant :
« Avez-vous du linge de corps, des provisions, pour échanger contre du tabac ? »
Oui, on en avait, répondîmes-nous.
Et les tractations s’opérèrent.
Les anciens partis avec nos richesses, nous nous empressâmes d’ouvrir les paquets de tabac : ils avaient été remplis de fibres de coco bien pressées, et les papiers de la manufacture avaient été soigneusement recollés.
Nous étions « possédés ».
À notre tour, nous nous promîmes de « posséder » les futurs arrivants.
Au bout de quelques jours, le triage avait été établi. Trois-cent-cinquante d’entre nous avaient été dirigés sur les divers pénitenciers ; vingt autres étaient maintenus jusqu’à nouvel ordre aux Iles et quant au reste – dont je faisais partie – une mesure d’internement aux Iles jusqu’à la fin de leur peine, avait été prise à leur égard. Riante perspective ! Et maintenant que nous voilà installés dans la place, commençons donc par la décrire.
Les Iles du Salut forment un groupe de trois ilots, situés à quatorze kilomètres des côtes de la Guyane, en face l’établissement des Roches à Kourou et à environ cent kilomètres au nord-est de Cayenne. Elles se composent de l’île Royale, l’île Saint-Joseph et l’île du Diable. Elles forment un triangle dont elles occupent les points de jonction. D’une superficie totale de vingt kilomètres carrés environ[5], ces ilots volcaniques ont très – peu de terre cultivable.
Mais ils sont riches de milliers de cocotiers aux fûts élancés, et dont quelques-uns atteignent trente mètres de hauteur. Il y a aussi quelques jardins où l’on cultive des légumes pour le personnel administratif et de surveillance, et où poussent aussi de nombreux bananiers. Parmi les arbres fruitiers, citons le manguier, aux fruits délicieux ; le papayer, le corossolier, le goyavier, l’avocatier, l’ananas et d’autres encore. L’île Royale est la plus grande ; elle est le siège des pouvoirs administratifs. Elle est dotée de deux hôpitaux, un pour les condamnés et l’autre pour les fonctionnaires, les surveillants et leurs familles ; une maternité y est annexée. Il y a les bâtiments de la cambuse et de la gestion, l’abattoir, la boulangerie, la bouverie, l’atelier des travaux, les bâtiments du service du port, un sémaphore, les pavillons des surveillants et fonctionnaires, une caserne, une chapelle et une école. L’île Royale a la forme d’un cône largement tronqué ; sur ce cône évasé se trouvent les cases, formant le camp proprement dit, où se trouvent également la cuisine et les locaux disciplinaires.
Le sémaphore communique avec celui de l’établissement pénitentiaire des Roches de Kourou, qui lui fait face, et qui sert de trait d’union entre les Iles du Salut, Cayenne et Saint-Laurent. Un détachement d’infanterie coloniale, formé de recrues indigènes et commandé par un sergent français, occupe la caserne. Un prêtre de Cayenne (et quelquefois l’évêque) vient de temps à autre officier à la chapelle, mais aucun condamné n’y est admis.
Avant la Séparation des Eglises et de l’Etat[6], il y avait des aumôniers ainsi que des sœurs dans les hôpitaux ; depuis, la laïcité est rigoureusement observée au Bagne.
Une institutrice créole assure les cours scolaires aux enfants du personnel civil et de surveillance.
Notons, en passant, que les Iles du Salut sont un territoire exclusivement pénitentiaire ; nul ne peut y débarquer sans autorisation préalable en bonne et due forme.
Au service du port, il y a trois équipes de canotiers : une équipe permanente de nuit et deux équipes de jour qui se relayent. Cinq surveillants les dirigent, dont l’un est chef de quai.
(Je parle tantôt au présent et tantôt au passé ; selon l’entraînement de la narration – mais cela importe peu. Le lecteur est averti.)
De mon temps il y avait deux canots qui faisaient le service de l’île Royale à l’île Saint-Joseph, en faisant escale à l’île du Diable au moyen d’un détour – cela, pour les besoins du ravitaillement et les mutations de condamnés ou de surveillants. De plus, une baleinière servait au transport du Commandant du pénitencier, d’une île à une autre. Il y a également un petit cimetière à l’ile Royale, où l’on peut voir des tombes de sœurs et d’aumôniers ; sa destination est de recevoir les enfants décédés de moins de quinze ans.
L’île Saint-Joseph se trouve éloignée d’un kilomètre environ de l’ile Royale ; elle n’est pas si grande que celle-ci. C’est surtout un camp disciplinaire. Indépendamment du camp proprement dit, les logements des surveillants et du bureau du Service Intérieur – où réside le Chef de Camp – il y a le centre d’emprisonnement et les sinistres bâtiment de la Réclusion cellulaire, dont nous parlerons en temps voulu.
C’est à l’île Saint-Joseph que se trouve le cimetière affecté au personnel libre, au bord de la mer.
A l’entrée, on voit un monument en pierre de taille, entouré de guirlandes de bronze. Il a été élevé à la mémoire des surveillants « morts victimes du devoir » durant la révolte des anarchistes, en 1897[7].
On peut se souvenir qu’après l’assassinat de Carnot, en 1894, furent votées les lois dites scélérates, qui visaient principalement les anarchistes. Un grand nombre de ces derniers furent arrêtés, notamment pour détention d’explosifs, et envoyés au Bagne.
Vers 1896, une révolte fut ourdie par eux, réglée dans les moindres détails.
Elle devait éclater simultanément à l’ile Royale et à l’ile Saint-Joseph, vers minuit. Le magasin d’armes de la caserne, où se trouvaient aussi les munitions, devait tomber entre les mains des révoltés, qui avaient en leur possession des fausses clés.
L’escroc-faussaire Altmayer[8], qui faisait partie du complot, le dévoila à la dernière heure.
A l’ile Royale, les soldats n’eurent que le temps de se vêtir en grande hâte pour protéger le magasin d’armes pendant que les surveillants également alertés, se rassemblaient devant le camp la carabine en mains.
Quelques-uns d’entre eux restèrent là pour monter la faction, afin d’empêcher l’entrée et la sortie du camp ; les autres s’égayèrent pour entreprendre la chasse à l’homme.
Tous les mutins, en effet, s’étaient dispersés un peu partout. N’ayant pu s’emparer du magasin d’armes et comprenant qu’ils avaient été trahis, ils ne savaient à quoi se résoudre[9].
A l’île Saint-Joseph, les révoltés attendaient l’arrivée du canot, où devait se trouver [quelques-uns] de leur compagnons munis d’armes, pour se mettre en action. Le fil téléphonique reliant Royale à Saint-Joseph avait été coupé.
Au lieu du canot attendu, c’en fut un autre chargé de surveillants qui fit son apparition, vers deux heures du matin. Ce que voyant, le conjurés se dispersèrent dans l’ile, tout comme leurs camarades de Royale.
La nuit se passa dans un état d’alerte de part et d’autre, dans les deux iles ; l’obscurité ne permettait aucune action décisive.
Ce fut sur le matin seulement, aux premières heures du jour, que commença le massacre[10].
À mesure que les surveillants et soldats se trouvaient en présence d’un révolté, ils l’abattaient impitoyablement. Il en était qui s’étaient réfugiés à la cime des cocotiers : des feux de salve les en descendirent[11].
D’autres, s’étaient caché un peu partout, notamment dans des grottes, au bord de la mer. Ces grottes étaient connues des porte-clés, lesquels y conduisirent les chasseurs d’hommes. Elles furent enfumées et, à mesure que les fugitifs en sortaient, ils étaient aussitôt abattus.
Quelques-uns se voyant découverts, s’offrirent aux balles crânement, entr’ouvrant leur vareuse de leurs deux mains ; d’autres, préférèrent se poignarder eux-mêmes. Il y eut aussi des mêlées sanglantes dans lesquelles les surveillants furent désarmés, blessés ou tués[12].
Le bilan de cette journée tragique se traduisit par une trentaine de morts du côté des révoltés ; de l’autre côté de la barricade, les pertes se soldèrent par quatre surveillants et un soldat tués et quelques blessés[13].
Comme on le voit, la répression fut particulièrement sanglante.
Le monument commémoratif porte deux autres noms, avec une date : ceux des surveillants Marin et Dubert – tués à Saint-Joseph, en 1911, dans les circonstances suivantes :
Des travaux étaient en cours pour la construction d’un bâtiment annexe de la Réclusion cellulaire. Parmi les maçons occupés à ces travaux, l’un deux avait été l’objet d’un rapport de punition de la part du surveillant Marin.
Une fois sa punition terminée, le maçon en question, jugeant qu’elle était imméritée, résolut de se venger. Il fit venir le surveillant Marin dans une cellule en voie d’achèvement – sous prétexte de lui faire constater certains détails techniques – et au moment où ce surveillant se penchait pour examiner, il lui porta un coup de couteau entre les omoplates qui le fit s’affaisser mortellement atteint. Alors notre homme, grisé par la vue du sang, s’empara du revolver du mort et s’élança à travers le bâtiment. Rencontrant le surveillant Dubert, il l’abattit raide mort, de deux balles à la tête. Il s’empara également de son arme.
Alors, un révolver de chaque main, comme fou et les yeux hors des orbites, il prit la direction du camp, avec l’intention évidente de faire une hécatombe de surveillants.
Il n’eut pas le temps de s’y rendre. Au bruit des détonations, des surveillants accouraient. Voyant notre homme qui se dirigeait sur eux menaçant, il firent feu sur lui au moment même où il trébuchait sur une pierre et s’affalait à terre. Échappant ainsi à ce feu de salve, et voyant qu’il était perdu sans rémission – tué de suite ou guillotiné plus tard – le maçon deux fois meurtrier résolut de se faire justice lui-même en se tirant une balle en plein cœur.
Ainsi se termina ce drame sanglant qui ne manqua pas, à l’époque, d’avoir en France un certain retentissement[14].
L’île du Diable, la plus septentrionale, est aussi la plus petite du groupe. Extrêmement plate, on la parcourt d’un regard. Elle est presque entièrement recouverte de cocotiers. C’est le séjour des condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée. Elle n’est séparée de l’île Royale que par un étroit bras de mer large d’une centaine de mètres. Un câble genre funiculaire, muni d’une benne à glissière, assure les communications entre les deux iles pour les besoins journaliers ; en outre, le canot y fait escale trois ou quatre fois par semaine dans son parcours de Royale à Saint-Joseph.
Dreyfus d’abord, Ullmo ensuite, en furent les vedettes marquantes.
Les déportés sont logés deux par deux dans de petits pavillons dont chaque aile est indépendante. Ils ne sont pas soumis au travail, portent leurs effets civils et reçoivent comme nourriture les vivres de la marine. Ils peuvent recevoir des vivres, des colis et de l’argent de leurs familles. En somme, leur situation pénale est infiniment plus douce que celle des condamnés aux travaux forcés.
On a pu lire souventes fois dans les journaux des informations de source anglaise, d’après lesquelles des forçats partis des forêts vierges de l’ile du Diable auraient atterri dans telle ou telle possession anglaise. C’est du pur roman-feuilleton.
D’abord, l’ile du Diable est exclusivement réservée aux déportés – ensuite, ses forêts vierges se réduisent à une plantation de cocotiers où nul ne s’égara jamais. Telles sont, brièvement résumées, mes premières impressions de ce minuscule archipel, battu par les flots, où je devais séjourner vingt ans et huit mois.
[1] Trois semaines pour les transportés et les relégués embarqués à Saint-Martin-de-Ré.
[2] Roussenq oublie la mention anarchiste. Son dossier mentionne pourtant : « Était à l’armée. Mauvais renseignements. Anarchiste et antimilitariste dangereux. Classé à la catégorie des internés A aux îles du Salut par décision du 31 janvier 1909. » (ANOM, H1523, extrait des registres matricules du transporté de 1e catégorie 37664, 23 octobre 1909). Voir chapitre « L’archipel panoptique ».
[3] Ce mot n’existe pas.
[4] Le camp de la Transportation de l’île Saint-Joseph comporte huit cases, une prison et une cuisine ; légèrement surélevé, il est relié au quartier des surveillants et à la piscine des bagnards, en contrebas, par le chemin du camp. Les locaux de la réclusion ne sont construits qu’en 1895.
[5] Les îles du Salut ont une superficie d’environ 62 ha. Elles ne peuvent donc pas faire 20 km² comme l’écrit Roussenq.
[6] Loi du 9 décembre 1905.
[7] Roussenq se montre particulièrement imprécis en situant la révolte dite des anarchistes en 1897 alors qu’elle s’est déroulée dans la nuit du 21 au 22 octobre 1894. Le monument aux mort du cimetière de l’île Saint-Joseph porte en effet les noms des surveillants Mosca et Cretallaz tués lors de cet évènement.
[8] Eugène Allmeyer porte le matricule 23589 et son épais dossier conservé aux ANOM d’Aix-en-Provence (H411 et H3888) révèle l’immense activité de délation à laquelle il a pu se livrer durant sa détention. Si Allmeyer, que l’on retrouve dans les souvenirs de Clément Duval, d’Auguste-Liard Courtois, d’Eugène Dieudonné ou encore d’Alexandre Jacob, intervient dans l’histoire de la révolte des anarchistes de 1894, c’est le bagnard Plista qui tente d’avertir le commandant Bonnafai de l’émeute à venir. Mais l’AP n’a semble-t-il pas tenu compte de ses avertissements à la suite de la mort du forçat anarchiste Briens, tué par le surveillant Mosca, qui provoque la rébellion.
[9] Les mutins avaient bien l’intention de s’emparer du dépôt d’armes du quartier des surveillants mais le coup de feu tiré par le surveillant Cretallaz alors qu’il est assailli par le forçat Garnier sortant précipitamment de la case n°8 donne l’alerte et voue la révolte à l’échec. ANOM H1852.
[10] Si des coups de feu sont échangés pendant la nuit, ce n’est effectivement que vers six heures du matin, soit au lever du soleil, que les surveillants et les militaires venus en renfort de l’île Royale – soit une vingtaine d’hommes en tout – peuvent s’engager dans une véritable chasse à l’homme. ANOM H1852.
[11] Simon, dit Biscuit, ancien complice de Ravachol, meurt ainsi du haut de son cocotier transpercé par six balles (rapport du médecin-major Jourdran, ANOM H1852).
[12] Roussenq transforme ici la réalité.
[13] Le dossier H1852 des ANOM d’Aix-en-Provence qui concerne cette révolte fait état de seize victimes, dont deux surveillants et deux porte-clés ; parmi les douze forçats tués, seuls cinq sont des anarchistes affirmés (Léauthier, Simon, Chevenet, Meyrueis et Marpaux).
[14] Roussenq ne cite pas le nom du forçat assassin mais l’anecdote est vérifiable sur le terrain. Les noms des deux agents de l’AP (Marin et Dubert) se retrouvent avec ceux des surveillants tués lors de la révolte anarchiste de Saint-Joseph de 1894 (Mosca et Cretallaz) sur le monument du cimetière de cette île. Le dossier H5259 contient un rapport du Gouverneur au ministre des Colonies en date du 19 mars 1912 qui permet de préciser le drame évoqué par Roussenq dans ses souvenirs : « La mise à l’isolement de cet individu [Roussenq] était dictée par son attitude générale et notamment par l’apologie qu’il faisait dans les cases de l’assassinat de deux surveillants militaires commis le 26 mai 1911 par le transporté Bailet matricule 36815. » Les dossiers H659 et H4139 des ANOM sont ceux de Samuel Alfred Bailet, 25 ans le 9 avril 1908 lors de sa condamnation par les assises du Vaucluse aux travaux forcés à perpétuité pour vols qualifiés. Embarqué le 17 juillet 1908, il est condamné par le TMS l’année suivante (le 12 mai 1909) à deux ans de réclusion pour évasion ; cet ancien apprenti forgeron a donc croisé la route de Roussenq et certainement subi quelques violences d’agents de l’AP pour en assassiner deux quand l’occasion s’en est présentée.
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