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Colloque Philosophie de l’anarchie - théories libertaires, pratiques quotidiennes et ontologie
Compte-rendu de Julie Abbou
Du 12 au 15 mai, s’est tenu le colloque « Philosophie de l’anarchie ». On ne se rend pas forcément compte de tout ce qu’on peut dire en 4 jours. Et dans ce cas-là ça a été d’une richesse dense.
Si le titre comportait le mot philosophie, le cadre en a été largement dépassé et de nombreux dialogues se sont croisés pendant ces journées. La philosophie au sens stricte y avait bien sûr sa place, mais l’interrogation des pratiques, par des lectures historiques comme contemporaines, sont aussi venues se mettre en regard pour faire sortir un portrait mouvant de l’anarchie.
D’abord au travers de portraits historiques : qu’est-ce que Kropotkine, Reclus et Thoreau, Coeurderoy, Bakounine, et même le plus récent Hakim Bey font de la philosophie ? Dans quels termes ont-ils posés leurs réflexions ? Que ce soit au travers de la biologie, de la nature, du langage, à l’intérieur de la philosophie elle-même ou encore du mysticisme, ils tentent des intersections. C’est aussi dans ce qui n’en est pas dit que l’on peut faire des lectures en creux de l’anarchie en tant que rapport au monde, comme chez Weber. Et puis, au-delà de ces figures, comment les plans théoriques de l’anarchie et de la philosophie peuvent-ils rentrer en discussion ? Par l’angle du pragmatisme ? Celui de l’ontologie ?
Une autre approche pour ce croisement a pris place dans la mise en question de la filiation de l’anarchie : de nouvelles pratiques et de nouveaux discours apparaissent, ont apparu, des variations et des écarts, ne formant pas une suite homogène. L’anarchie n’est peut-être pas l’anarchisme et ne fait pas système – idéologique ou autre. Et tenter de faire rentrer de force l’anarchie dans la philosophie ou vice versa n’est pas au programme, tout comme tenter de lire ces nouvelles pratiques à la lumières d’une pensée construite sur des pratiques plus anciennes. Au contraire, ces pratiques, autres ou nouvelles, éclairent de nouvelles réflexions, et rendent possibles de nouvelles tentatives. Les questions de genre, qui aiment bien se nicher dans les intersections, ont elles aussi interrogé les pratiques et mis à l’écart des lecture trop strictes de ce que serait l’anarchie.
De tentative, peut-être que ces quatre jours en constituaient une ? Celle de tenir un équilibre - peut-être nécessairement bancal - entre des discours universitaires – en tout cas théoriques - et leurs liens avec les mises en acte. Celle de maintenir des allers retours entre construction de savoirs et luttes/pratiques, pour employer les expressions consacrées. Mais comment faire interagir ces deux plans ? Comment poser et articuler une telle pensée ? En racontant des histoires pour éviter les écueils du vrai et du faux et plutôt tenter d’entrechoquer les idées, pour voir ce qu’il en sort ? En réfléchissant aux points et possibilités de rencontre entre analyse et action ?
Il y avait donc bien quelque chose d’un peu étrange à se tenir sur cette frontière entre un format institutionnel et une pensée en mouvement qui dépassait nécessairement ce cadre. Mais c’est précisément tout l’intérêt de ces journées que d’avoir tenté de jouer cette partition. Et tout le monde a très bien dansé : d’ailleurs la piste reste ouverte.
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