- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Calendrier Jacob : octobre 2020

L’homme brisé ?

« Assagi » ? Rien n’est moins faux. Le bagne ne l’a pas cassé et, même s’il semble avoir abandonné ses prétentions illégalistes, nous pouvons retrouver Alexandre Jacob à Paris aux côtés de Léo Malet dans une organisation pacifiste, ou encore chez Jeanne et Eugène Humbert contractant un mariage blanc avec une antifasciste italienne réfugiée en France. La participation active au livre du docteur Rousseau en 1930, la tenue d’une conférence avec Antoine Mesclon un an plus tôt, des articles et des témoignages pour faire libérer Paul Roussenq et Paul Vial de l’enfer guyanais, montrent qu’il n’a de cesse de dénoncer l’horreur carcérale. « À bas les prisons, toutes les prisons ! » lance-t-il encore en conclusion de sa « Lettre ouverte à Georges Arnaud » en avril 1954 dans Défense de l’homme, le mensuel de Louis Lecoin.

À Paris, Jacob travaille comme chef d’atelier pour le compte du grand magasin le Printemps. Cette situation ne lui sied guère. Il se fait commerçant ambulant et quitte définitivement la capitale au début des années 1930. Alexandre, devenu Marius car ce prénom – plus court – revenait moins cher à faire inscrire sur le barnum, parcourt les foires du Val de Loire et de Touraine. L’ancien bagnard a retrouvé un équilibre.

1936, détour par l’Espagne libertaire, républicaine et en lutte. 1939, Alexandre, sa mère et sa compagne s’installent au Bois Saint-Denis, petit hameau à environ un kilomètre de Reuilly dans l’Indre. Jacob est alors proche de ses amis rencontrés et fréquentés sur les foires. La vie du marchand ambulant s’écoule lentement au gré des nombreuses visites reçues et des discussions qui s’ensuivent avec Mérigot, médecin communiste à Vierzon, avec Malbète vigneron local, avec enfin Briselance, Denizeau, Bouquereau, forains ou encore Pierre-Valentin Berthier, journaliste et libertaire à Issoudun. Avec le temps, les tournées du forain se sont réduites : Issoudun, Vatan, Reuilly, éventuellement Vierzon et Valençay.

Jacob se fait vieux et le ressent. Marie, sa mère, est morte un an après l’appel du 18 juin ; Paulette, qu’il a épousé au début de l’année 1940 décède d’un cancer dix ans plus tard. Il a cessé son activité professionnelle vers 1950 mais il n’a perdu ni sa verve, ni son esprit critique ni même son humour corrosif : ainsi demande-t-il une carte d’électeur pour son chien Négro qu’il juge fidèle et honnête. Il lit beaucoup, écrit, s’occupe de son chien, de ses chats, écoute nuit et jour la radio, projette un livre sur les Indiens Guaranis du Brésil, entame une correspondance avec le jésuite Riquet. Mais il a toujours refusé qu’on lui fasse sa biographie. Pourtant, grâce à l’entremise de Fernand Planche et de Pierre-Valentin Berthier, Jacob cède et se laisse convaincre par Alain Sergent. En 1950 paraît au Seuil Un anarchiste de la Belle Époque, aujourd’hui quasi introuvable dans sa version originale… Sauf à Reuilly où les indigènes locaux (comme Jacob les appelait souvent) apprirent avec force détails le passé de celui qui, le vendredi, montait tranquillement et honnêtement son barnum sur la place centrale du village.

CIRA Marseille 2020 : calendrier Jacob [1]