- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Calendrier Jacob : décembre 2020

Excès de lupinose

Une grande majorité persiste à croire – pour le besoin de la cause publicitaire, ou parce qu’il est intellectuellement plus facile d’intégrer le fait divers extraordinaire qu’une démarche politisée – à l’image du formidable aventurier, héros mythique des temps modernes doté d’un sens aigu de l’humour, volant le riche pour donner au pauvre et sans verser aucune gougoutte de sang.

Blablabla que tout cela. Mais intéressante et saisissante dialectique. Involontairement drôle et caustique aussi, ce qui ne gâche en rien l’intérêt de démonter les mécanismes de la perception déformée du réel et de la recomposition étroite de l’image d’un personnage historique. Telle est cette maladie virale, particulièrement aiguë chez ceux et celles qui s’essaient à discourir sur l’honnête cambrioleur, et que l’on peut nommer lupinose.

Les symptômes ? Aisément repérables, ils s’enchaînent de manière progressive jusqu’à l’attaque finale de la dite affection. Point de troubles, de nausées, de diarrhées ou encore de sentiments morbides et inavouables. Plutôt une impression d’assurance persuasive aboutissant à la conviction profonde de la véracité du mythe lupinien. Des victimes en nombre : journalistes, historiens, Berrichons, Marseillais… Des anarchistes parfois.

Cela commence la plupart du temps par l’évocation de quelques-uns des exploits, en particulier les plus cocasses et les plus irrésistibles, d’Alexandre Jacob. L’ingéniosité technique de certains cambriolages, des billets laissés çà et là… Le doute serait-il permis ? Petit à petit, on glisse sur le procès d’Amiens, où l’œil et l’oreille avertis (qui, selon l’adage, en valent huit donc) apprécieront la présence d’un journaliste, œuvrant pour le compte du journal Gil Blas et notant scrupuleusement les moindres détails de l’affaire dite d’Abbeville où s’illustre le dénommé Jacob Alexandre que l’on aura par précaution prénommé Marius, parce que le prénom fait nettement plus exotique. Maurice Leblanc peut ainsi entrer en scène alors qu’aucune source ne vient attester de l’absence de l’écrivain normand en mal de reconnaissance littéraire des salons huppés de la capitale. Le rapprochement est d’autant plus aisé que les réparties cinglantes du voleur anarchiste pourraient très bien se retrouver dans la geste lupinienne. Et pour couronner le tout, la naissance de Lupin (ce voleur qui volait aux riches pour ne donner qu’à lui seul) dans les colonnes du magazine Je sais tout correspond à quelques mois près à la condamnation aux travaux forcés de cet anarchiste illégaliste dont on retiendra qu’il fut foncièrement probe et droit.

Une fois infecté, le malade n’en démord pas, oubliant de facto une « Belle Époque » soumise au sentiment d’insécurité véhiculé par la presse à sensation et un littérateur dandy ayant, au départ, produit une œuvre de commande dont il n’envisageait pas de suite. Le cacochyme individu niera alors cette évidence : Alexandre Jacob (honnête cambrioleur anarchiste) n’est pas Arsène Lupin (redresseur de torts bourgeois et flic nationaliste à ses heures perdues).

CIRA Marseille 2020 : calendrier Jacob [1]