- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Vol à Chauny

[1]Chauny est une ville charmante, riante et prospère. Environ 10500 Chaunois vivent autour de la verrerie et de la chimie. Mais la cité de l’Aisne se trouve sur la ligne de chemin de fer Paris-Maubeuge, à quelques 130 km de la capitale et à une trentaine de km de Laon, Soissons ou Saint Quentin. Les voyageurs qui s’y arrêtent peuvent admirer juste à leur descente de train les belles et riches demeurent du boulevard Gambetta. Chauny a bien évidemment été visitée par les Travailleurs de la Nuit. Un seul cambriolage, celui orchestré sur la maison de Mme Grand le 16 janvier 1903, est examiné lors du procès d’Amiens deux ans plus tard.

Ce forfait est pourtant intéressant à plusieurs titres. Il s’inscrit d’abord dans un circuit possible que nous avons pu retracer à l’occasion de l’étude du vol commis par Félix Bour sur Château Thierry la même année (voir l’article Ténia pris qui croyait pendre). Il met ensuite en valeur l’existence d’une brigade de Travailleur menée par Joseph Ferrand. Lors du procès d’Amiens, ce dernier déclare n’avoir reçu que 5000 francs pour sa participation au vol Guénard dans cette ville (le 24 novembre 1901). Avec cet argent, il tente de devenir colporteur en compagnie de son amante Gabrielle Damiens. Mais il revient vite à sa première et délictueuse occupation. Ferrand s’est-il fâché avec Jacob ? La question reste en suspens. Mais, à la fin du mois de novembre 1902, Félix Bour remplace le premier compagnon. Lequel travaille désormais avec Vaillant et Blondel, ceux-là même que l’on retrouve à Chauny.

Nous ne savons que très peu de choses sur ces deux cambrioleurs. Comment ont-ils été recrutés ? Sont-ils anarchistes ? Les sources manquent. Ouvrier typographe et de temps à autres opérateur dans un cinématographe, Noël Sébastien Blondel ne compte à son égard que de « mauvais renseignements« [1] [2]. Originaire de Lyon, il est condamné une première fois le 31 janvier 1898 à l’âge de 16 ans pour « vagabondage spécial« [2] [3], autrement dit pour une affaire de racolage homosexuel. Le marchand de fleurs François Vaillant comparaît quatre fois avant d’être présentés devant les tribunaux de Nevers[3] [4] en compagnie de Ferrand (4 août 1903). Il est condamné alors à dix ans de travaux forcés, peine assortie de la relégation. A Amiens, Vaillant et Blondel écopent respectivement de dix et cinq années de réclusion. Le premier finit sa vie en Guyane tandis que nous perdons la trace du second.

[5]Archives de la Préfecture de Police de Paris

EA/89, dossier de presse « La bande sinistre et ses exploits »

Les membres de la bande

(…) Ferrand Joseph est un des plus compromis dans l’affaire. Il a été arrêté le 22 janvier 1903 à Paris, en compagnie de Vaillant. Ils avaient ensemble commis un cambriolage à Nevers et furent condamnés par la cour d’assises à dix ans de travaux forcés et à la relégation. De Nevers, Ferrand et Vaillant furent transférés à Laon, où tous deux étaient l’objet d’une information pour vol qualifié commis à Chauny.

4e audience du 11 mars 1905

Vol à Chauny

Dans la nuit du 16 janvier 1903, la maison de Mme Grand, demeurant à Chauny, boulevard Gambetta, fut cambriolée pendant son absence. Mme Coiset qui faisait le ménage de Mme Grand s’aperçut, le 17, vers 11h30 du matin, que la porte était ouverte. Elle avait été fracturée à l’aide de puissantes pesées.

À l’intérieur, toutes les portes des appartements ou des meubles fermés à clef avaient été l’objet d’effractions. Le vol avait été certainement commis vers 10 heures du soir. Les voisins de Mme Grand ayant entendu marcher chez elle à cette heure n’y avaient pas attaché d’importance, pensant qu’elle était rentrée. Mme Grand constata qu’on lui avait dérobé un service à découper en argent, les manches en argent d’un service à salade, 15 couteaux à dessert, une pièce de mariage en argent marquée H. B., deux camées en corail rouge une bague ancienne, un passe-thé en argent, des petites cuillères à sel en argent, deux médailles en or, une paire de boucles d’oreilles, une montre de dame.

Un restaurateur à Chauny, M. Vendenberg, a donné des renseignements sur les auteurs présumés de ce vol.

Au moment de l’arrestation de Ferrand et de Vaillant pour le vol de Nevers, différents objets saisis à leurs domiciles à Paris ont été reconnus comme provenant de chez Mme Grand.

Ferrand a dit à son codétenu Collevaert à Laon qu’il était l’auteur de ce vol et qu’il l’avait commis en compagnie d’un individu qui était dans sa chambre, rue Geoffroy-l’Asnier, le 22 janvier 1903, au moment de son arrestation.

Cet individu est Blondel qui a depuis passé des aveux.

Ferrand a avoué également.


[1] [6] A.N., BB241012, dossier 2818S05.

[2] [7] A.N., BB241012, dossier 2818S05.

[3] [8] Le Journal de la Nièvre, 5 août 1903.