- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Boum la bijouterie

[1]Jacques est un commerçant honnête. Ses affaires semblent prospérer. Mais le 7 juillet 1922 la devanture de sa bijouterie sise au 8 de la rue Fontaine à Paris est malencontreusement défoncée par un attelage de chevaux. Jacques n’a pas récupéré tout le contenu de sa boutique portant l’enseigne Floréal. Les voleurs occasionnels sont « activement » recherchés par le commissaire Legrand et ses hommes. Ils ont dû sourire quand ils ont reçu la charge d’enquêter sur cette affaire. Jacques Sautarel ne leur est en effet pas inconnu.

Cela fait une petite trentaine d’années que le compagnon de Jacob fait parler de lui et, s’il avait réussi à se faire quelque peu oublier depuis son acquittement en appel à Laon le 1er octobre 1905, son intégration à la Fédération Communiste de la Seine dont il devient le secrétaire de la 9e section le signale à nouveau à la police en février 1921. Il est alors l’objet d’une active surveillance … sauf quand sa bijouterie vole en éclat et qu’il ne récupère pas les bijoux éparpillés sur la voie publique. L’histoire ne dit pas s’il a pu les récupérer.

Nous savons en revanche qu’il ne fut pas longtemps un fervent adhérent à la IIIe Internationale puisque le journal L’Humanité qui, le 15 septembre 1921, avisait son lectorat que c’était chez lui que se tenait la permanence de la dite 9e section, indique encore le 8 mai 1925 à l’occasion de perquisitions policières orchestrées chez des camarades que l’homme « plus littérateur que sociologue, appartint quelques temps au parti communiste. Il s’en sépara, il y a quelques années. ».

L’ancien membre des Travailleurs de la Nuit supporte-t-il de moins en moins cette pression policière ? Ses affaires périclitent-elles ? Faut-il avancer des raisons d’ordre privé, une séparation ou la mort de sa femme Marie Tixier ? Toujours est-il que cette même année 1925 le voit s’installer à Perpignan. Il réside au 4 de la rue Villaceca et fonde un éphémère Journal, le Bonnet Catalan, qui participe néanmoins activement à la campagne de presse en faveur du retour en métropole de son ami Alexandre Jacob détenu en Guyane. Sautarel n’a jamais vraiment perdu de vue son ami anarchiste par l’entremise de la correspondance qu’il doit entretenir avec Marie Jacob.  Mais l’écrivain bijoutier ne demeure pas longtemps dans le Roussillon et il finit par s’installer avec sa maitresse au 3 rue Lemercier dans le 17e arrondissement de Paris à la fin de l’année 1928 comme l’indique un rapport de police en date du 13 décembre de cette année.

[2]Le Matin

8 juillet 1922

A travers Paris

L’occasion fait le larron

Hier, à 16 heures, rue Fontaine, la devan­ture de la bijouterie Jacques Sautarel était en partie éventrée par la flèche d’un atte­lage dont les chevaux étaient montés indiscrètement sur le trottoir.

Bagues et colliers se répandaient dons la rue. Quelques honnêtes passants les ramas­sèrent et les rapportèrent à leur proprié­taire, .confus de tant de complaisance. Mais, en procédant ù son inventaire, M. Sautarel constatait que quatorze bagues, plusieurs paires de boucles d’oreilles, une barette ornée de brillants et dix médaillons, le tout représentait une somme de 20.880 francs, avaient, disparu.

M. Legrand, commissaire de police, re­cherche activement les peu scrupuleux amateurs de bijoux.

l\'oeil de la police [3]Archives Contemporaines De Fontainebleau

19940474/article 97/dossier 940

Paris le 6 février 1922,

Sautarel

Jacques , Bonnaventure,

François dit « ROSSIGNOL »

SAUTAREL Jacques, Bonnaventure, Fran­çois, dit « Rossignol », est né le 5 Janvier 1870 à Llado, province de Gérone (ESPAGNE) de f. Jean (français) et de Marie TRESCENT (Espagnole). Il s’est marié à TIXIER Marie, née à la Châtre (Indre), âgée de 52 ans, et est père de deux enfants :                                –

–          Un fils, Lucien, tué à 1’ennemi en 1917,

–          Une fille, Carmen, âgée de 26 ans, dactylographe.

SAUTAREL, exploite, depuis une dizaine d’années, un commerce de bijouterie, 8 rue Fontaine, où il occupe avec sa famille un appartement d’un loyer de 1.800 francs par an, y compris un magasin à l’enseigne  » FLOREAL « , dans lequel il vend des Bijoux d’occasion. Il fait aussi les réparations de montres et pendules. Il parait faire d’assez bonnes affaires.

SAUT AREL, qui fait partie de la classe 1890, fut réformé du service militaire et a été classé service auxiliaire pendant la Guerre.

Il est, depuis Février 1921, Secrétaire de la 9e section de la Fédération Communiste de la Seine, et prend la parole aux réunions de cette section qui sont tenues à la  » Taverne Parisienne « , 41 rue du Faubourg Montmartre.

Le 19 Mai 1921, à cette adresse, il présida une réunion pour la « démonstration Napoléonienne à Pantin ».

Le 20 Septembre 1921, au cours d’une réunion de la 9e section Communiste, présidée par Paul LOUIS, il prononça, un violent discours pour  » la libération des héros de la Mer Noire « .

Militant très actif, SAUTABEL se dit aussi homme de lettres et il est l’auteur de diverses brochures anarchistes telles que :

–          « ETAT d’Ame »,

–          « PHILOSOPHIE du DETERMINISME »,

–          « LE PACTE », parues en 1913.

SAUTAREL fait sa lecture habituelle des journaux « la Guerre sociale » et « Le Libertaire ».

Le 13 Janvier 1920, il a obtenu un passeport pour se rendre en Belgique, pour affaires de famille.

Il fut successivement domicilié à PARIS :

–          De 1899 à 1901 : 1 Cité Pigalle,

–          De 1901 à 1905 : 46 rue du Temple,

–          De 1905 à 1910 : 91 Boulevard Beaumarchais, où il exploitait déjà une commerce de bijouterie,

–          De 1910 à 1912, 81 rue du faubourg du Temple, et, de­puis 1912, 8 rue fontaine.

SAUTAREL travailla d’abord comme apprenti-bijoutier à Perpignan, où habite sa famille ; puis, en 1888, il vint à PARIS et devint rapidement un anarchiste exalté.

En 1893, revenu à Perpignan, il donne des réunions anarchistes et se livre à une active propagande.

De retour à Paris, en Mai 1896, il accompagne Sébastien FAURE à Perpignan, dans une tournée de conférences.

En Juin 1898, SAUTAREL qui était déjà l’auteur de plu­sieurs brochures anarchistes, publia un libellé intitulé :

« QUAND EGORGERONS-NOUS ENFIN ? », dédié à CH. MALATQ, l’anarchiste connu et dont les conclusions étalent très im­morales et très violentes.

A à la même époque, il se rendit à PERPIGNAN, puis à BARCELONE où il fut arrêté par mesure administrative et incarcéré pour une durée de 15 jours ? Il fut remis en liberté par les autorités Espagnoles et revint à PERPIGNAN.

En 1902, il fit plusieurs tournées de propagande anar­chiste à BARCELONE et CETTE, et fut l’objet d’une surveillance étroite des polices Municipale et Spéciale de ses villes.

SAUTAREL, Jacques, qui parle le Catalan, est un indi­vidu d’un caractère violent, ayant en horreur « l’égoïsme de la Société actuelle » et manifestent constamment sa haine contre « les crimes de la bourgeoisie ».

Il fut en relations avec les anarchistes VERNET, RICHFELD et les frères GAUS SEL.

Actuellement, SAUTAREL ne semble pas fréquenter à PARIS les milieux anarchistes et il aurait,,dit-on, l’inten­tion de donner sa démission de secrétaire de la 9e section de la fédération Communiste de la Seine.

Les renseignements recueillis sur lui dans ces der­nières années, ne lui sont pas défavorables.

La brochure intitulée « La terre promise », dont il serait l’auteur, n’est pas mise en vente, jusqu’à ce jour, à la bijouterie « FLOREAL », ni à son domicile personnel, 8 rue Fontaine.

SAUTAREL, Jacques, est noté aux Sommiers Judiciaires comme suit (renseignements transmis sous toutes réserves) :

(5 ans Travaux forcés – 10 ans défense – (Assises d’Amiens) le 22 mars 1905 – complicité vols qualifiés – arrêt cassé, renvoyé devant les Assises de l’Aisne, acquitté le 1er octobre 1905.

De plus, il a été arrêté le 28 avril 1920, pour brocantage (affaire ABED, Julie et ABOUCAYA, Jeanne) et remis en liberté, affaire sans suite.