- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

L’Anarchie policière

[1]Et si la propagande par le fait, celle qui terrorisa l’hexagone de 1892 à 1894, n’avait été qu’une vaste manœuvre pour justifier le vote des lois dite scélérates dans une période où l’anarchie semble imprimer fortement sa marque dans le mouvement social ? La question, pour paranoïaque qu’elle puisse être, mérite-t-elle-même d’être posée à la lecture de la brochure L’Anarchie policière publiée en 1901 ? Charles Jacot fait ainsi état d’un complot dont il aurait été à la fois un témoin, un acteur et une victime. Il croupirait d’ailleurs en prison depuis une centaine de mois à cause de ses allégations et justifie ainsi ses écrits. Il ne peut y avoir selon lui aucune autre explication possible à ce qu’il vit comme une criante injustice. De là un témoignage qui a valeur de dénonciation. Mais l’égotique propos vire souvent à une maladive élucubration …

L’affaire de Clichy en 1891 ? Une manipulation ! La preuve : sur les trois accusés, seul Léveillé sort acquittés du procès. Dardare et Décamps sont eux lourdement condamnés. Léveillé est donc une taupe, un retourné. CQFD. La dynamite qui a servi aux bombes de Ravachol ? Une manipulation aussi ! Elle aurait été volée à Soisy sous Etiollessur indication d’un mouchard. La bombe, enfin, qui explose à l’Assemblée Nationale le 09 décembre 1893 ? Une manipulation ! Pouvait-il en être autrement ?

Jean Maitron reprend pourtant, certes avec les précautions de l’historien, l’hypothèse de la machination dans son étude sur le mouvement anarchiste en  France en soulignant l’aspect presqu’immédiat du vote de la première des trois lois d’exception organisant de facto la chasse aux anarchistes. Imperturbable, le président de séance aux Palais Bourbon, Charles Dupuy avait déclaré peu de temps après l’explosion : « La séance continue » ! Faut-il en conclure pour autant que ce dernier ait pu être au courant – et donc l’instigateur avec Puirabaud, le directeur général des recherches de la Cité – de l’attentat qui se préparait ? Jacot affirme que les subsides reçus par Vaillant à Paris à son retour d’Argentine ont été versés par un indicateur infiltré parmi les camarades anarchistes. Le fameux Georges !

Nous pouvons retrouver l’anarchiste Jacot dans les mémoires du commissaire Ernest Raynaud. La vie intime des commissariats, ouvrage paru en 1926, consacre même quelques pages au personnage dont, finalement, nous ne savons pas grand-chose si ce n’est qu’ « il se disait persécuté par la police depuis qu’il avait refusé de lui servir d’indicateur ». L’ancien flic signale alors que aurait multiplié les déclarations, toutes aussi fracassantes que sensationnelles, allant jusqu’à faire d’Emile Henry un manipulé et menaçant de faire des révélations sur l’assassinat de Sadi Carnot. Paranoïa et théorie du complot vont ici bien sûr de soi et finissent par révéler l’émotion suscitée par la vague des attentats anarchistes à cette période. Le commissaire Raynaud peut de cette manière conclure sur les informations données par l’anarchiste emprisonné :

« Je laisse à Jacot la responsabilité de son propos, et j’avoue bien que l’administration ait paru s’en émouvoir, puisqu’il fut, à ce moment, je ne sais sous quel prétexte, coffré à la Santé, d’où il ne fut libéré que le 10 janvier 1894 (jour même de la condamnation de Vaillant à la peine de mort), qu’il est permis de n’y point croire ; mais il faut reconnaître que jamais une bombe plus anodine n’était intervenue plus à propos. Le lendemain, le gouvernement pouvait faire voter des restrictions au droit d’association. ».

[1]L’Anarchie policière 1891-1894

Mémoires d’un séquestré

Les dessous des affaires Ravachol et Vaillant

Paris, imprimerie de A. Malverge, 1901

PRÉFACE

En écrivant mes mémoires j’obéis à un impé­rieux besoin, je remplis un devoir que ma cons­cience m’impose.

Depuis plus de huit ans, je lutte et je souffre tout ce qui est humainement possible de souffrir ; outrages, menaces, provocations, prison, crimi­nellement infligé, cachot, tentatives réitérées de corruption et d’empoisonnement, artifices crimi­nels contre ma raison» tout a été employé. J’ai tout souffert sans succomber. Depuis cinq mois, je suis interné sans être, sans avoir jamais été moralement malade.

C’est encore sans haine, que je vais essayer de démasquer et de confondre quelques-uns des élé­ments pourris, membres des Autorités adminis­tratives et judiciaires,- qui, par leur servilisme, peut-être inconscient, mais certainement criminel, conduisent fatalement la France et la République au déshonneur et à la ruine,

La vérité empêchera peut-être, pour l’avenir, le retour à cette politique d’expédients, que nos trop célèbres Hommes d’État ont osé qualifier : Gou­vernement scientifique ; j’espère que l’immense majorité du Peuple Français tiendra à l’honneur de les répudier en les repoussant comme des cri­minels imbéciles.

Charles JACOT

lre partie

Depuis près de vingt ans, je suis et j’étudie l’évolution sociale, j’ai été en relations avec la plupart des militants des différentes écoles et plus particulièrement avec ceux qui ont essayé de se faire les meneurs des indisciplinés que l’on dési­gne sous le titre : Les Anarchistes.

Les Anarchistes

J’y ai connu un grand nombre d’hommes stu­dieux, ils sont pour la plupart restés dans l’ombre.

Seuls, quelques misérables, la honte de l’huma­nité ont vu leurs noms livrés à la publicité parce qu’ils ont fait de l’idée anarchiste, une industrie et qu’ils se sont vendus à la Police, par leurs arti­fices criminels ; ils ont réussi à armer quelques égarés aigris par la misère et l’injustice que l’on rencontre encore à chaque pas dans une société où l’on ose parler de la Justice Idéale et où l’on trace en tout et partout : Droits de l’homme. Liberté, Égalité, Fraternité.

Pendant plusieurs années, ils sont parvenus à jeter la terreur, semer la mort ; ils ont porté atteinte à l’intérêt général et tout cela en pure perte, car le but poursuivi n’a pu et ne pourra jamais être atteint.

1er Mai 1891.

Affaire Paul Décamps, Dardare et Léveillé, Ravachol.

L’intérêt de la vérité m’oblige à remonter au 1er Mai 1891 et à l’échauffourée où quelques compa­gnons engagèrent la lutte avec les gendarmes de la banlieue parisienne.

A la suite de cette affaire, trois compagnons furent traduits en Justice, deux furent condamnés. Paul Décamps, mécanicien, à 5 ans de prison, Dardare, ciseleur, à trois ans de la même peine, le troisième, était un protégé, il fut acquitté.

Les provocateurs, policiers nombreux à St-Denis, surent tirer parti de ces condamnations. Ils se firent les apologistes de la violence, faisant tout leur possible pour pousser les sincères à l’action ; dans ce but, les réunions se multiplièrent, on y hurlait vengeance pour Décamps et Dardare écroués à Poissy.

Quand la Police jugea les esprits suffisamment échauffés, on fît connaître le dépôt de Dynamite de Soisis-sous-Etioles ; la mission de le dénoncer fut confiée à un certain Laux se disant anarchiste, mais en réalité agent à la 3e brigade ; ce fut lui qui désigna le dépôt de Dynamite à Fougoux, un dévoué déjà condamné par contumace comme gérant du Père Peinard, sa présence à Paris était certainement connue, on ne l’arrêtait pas, car, ils espéraient se servir de lui. Dès qu’il connut le dépôt de dynamite, il s’empressa de le faire con­naître à ses amis de St-Denis, notamment à Ravachol et à Simon. Une expédition fut décidée ; le coup ayant réussi, Ravachol prit la direction des opérations ; il s’agissait de frapper les magis­trats ayant instruit et requis contre Décamps et Dardare ; c’est dans ce but que furent accomplis les attentats de la rue de Clichy et du boulevard St-Germain, qui heureusement, ne causèrent la mort de personne.

On sait ce qu’il advint de Ravachol et de Simon, je veux m’abstenir de répéter, ce qui a été publié ; mon but est tout simplement de faire connaître quelques vérités inédites destinées à démontrer que si la Police n’avait pas préparé, poussé et pourvu aux moyens d’action, rien, absolument rien n’aurait jamais été accompli.

[1]1893

Dès les premiers mois de 1393, le Ministre de l’Intérieur, Charles Dupuis, voulant jouer au grand politique et gagner le titre de sauveur, fit essayer l’achat de tous les anarchistes jugés suceptibles de le servir ; on commença par les Prisons.

1° Il réussit à s’assurer le concours du sieur R,,, dit Georges ; cet individu, ancien élève des Collectivistes, exclus du groupe de l’agglomé­ration parisienne, s’était jeté dans l’anarchie ; il vivait d’expédients n’ayant jamais accompli aucun espèce de métier ; il ne tarda pas à être arrêté ; pendant environ dix-huit mois, il disparut de la circulation ; on ne le revit qu’au printemps 1893 et il commença par se distinguer en qualité de provocateur, plusieurs fois il fut expulser des réunions de la Bourse du Travail ; ce fut lui qui essaya, mais sans succès, de provoquer une mani­festation sur la voie publique, à propos les accusa­tions de Yves Guyot, à la salle Favier le jour du metting de protestation contre les brutalités policières pendant la journée du Mai 1803, il menaça de se servir d’un revolver qu’il tenait déjà à la main, il ne réussit qu’à se faire mettre à la porte,

Il prit une part active aux troubles du Quartier Latin en servant d’intermédiaire pour soudoyer les renverseurs de kiosques et tramways ; mais il fut interrompu dans ses opérations par un Juge d’instruction de M. Quentin, qui lança contre lui un mandat d’amener pour fait de provocation à l’insu­bordination militaire, en réunion publique.

Nous le retrouverons un peu plus loin.

Dupuis parvint à s’assurer le concours du sieur M… détenu à Ste-Pélagie ; on commença par le gracier et il fut libéré le 18 Juin 1893, ce qui lui permit, à lui aussi, de jouer un rôle aux troubles du Quartier Latin ; c’est par son intermédiaire que furent soudoyés les scarpes de la Maubert, clients habituels de la mère Alexandre, du père Lunette et du Château Rouge. Les tentatives de provocation à l’émeute ne réussirent pas, les tentatives de corrup­tion avaient presque toutes échouées. Hamard alors secrétaire du contrôle envoyé en Angleterre, ne put entrer en relation avec Charles Malatot ; le résultat de son voyage se réduisit à ramener le compagnon Garderat qu’il trouve à Londres dans une profonde misère ; ce malheureux s’était réfugié en Angleterre, à la suite d’un jugement par défaut qui l’avait condamné à deux ans de prison, en qualité de gérant du Père Peinard ; il accepta un secours de Hamard et il se laissa ramener à Paris où il resta quelques semaines en relations avec le Contrôle, ne voulant rendre aucun service inavouable, il rompit et réussit à entrer à l’hôpital sous un nom d’emprunt, à sa sortie, il fut arrêté, il fit opposition à son jugement et il fut réduit à quelques mois, qu’il subit à Ste-Pélagie.

Garderat est mort, mon devoir est de déclarer, que s’il a reçu quelque argent à la Préfecture de police, il ne leur a jamais rendu de services, ses relations ayant été rompues au cours de la période d’observation.

Moi-même, en mai 1893, je fus obligé d’entrer en relations avec Hamard, nos relations ne durèrent que vingt jours pendant lesquels je fis quel­ques compte-rendus de réunions publiques ; les sommes que j’ai reçu d’Hamard ne s’élèvent qu’à 65 francs. Immédiatement après ma rupture je fus arrêté, j’en savais trop long, il ne pouvait plus me laisser ma liberté ; depuis, je n’ai pour ainsi dire plus cessé d’être en prison, j’en suis de ce mo­ment au centième mois de séquestration.

Deux relégations, prononcées en première ins­tance contre moi, ont été annulées comme illégales, par arrêt de Cour d’appel en date des 25 septembre 1893[1] [2] et 28 août 1897.

Ne pouvant se débarrasser de moi par la reléga­tion, on me séquestra. (La force prime le droit.)

Ce qui m’est personnel sera publié ultérieure­ment.

Dupuis ayant échoué dans ses provocations à l’émeute ordonna de changer de système et de pousser à l’action individuelle ; le mot d’ordre de­vint propagande par le fait.

La provocation à la propagande par le fait ne de­vient efficace que si il y a insinuation, le résultat peut se faire attendre, et par l’insinuation l’in­fluence d’un homme est toujours restreinte, je puis même affirmer qu’elle ne dépasse pas trois sujets en aucun cas ; il faut même beaucoup de provoca­teurs pour faire accomplir un seul acte.

(La police doit en savoir quelque chose).

Pour arriver à trouver un sujet disposé à se sa­crifier pour aller jeter une bombe à la Chambre, il leur a fallu du temps et de l’argent. Ce ne fut qu’au mois d’octobre 1893 que le sieur R. dit Georges se crût en mesure de faire connaître un sujet (c’était Vaillant), il en informa son chef de file, un nom­mé M., se disant agent d’assurance et même jour­naliste, mais en réalité agent de police. M. fit un rapport et l’on s’empressa de le faire contrôler.

Un fonctionnaire fut envoyé à Choisy-le-Roy, il fut présenté à Vaillant comme étant un cambrioleur dans la haute classe, disposé à faire quelque chose pour aider à la propagande par le fait ; ce person­nage, avant d’entrer chez Vaillant, avait eu soin de retirer le ruban qui ornait sa boutonnière et de rentrer ses bijoux, il ne voulait sans doute pas pa­raître trop rupin, et la décoration aurait révélé le policier ; le fait d’aller jeter une bombe à la Cham­bre fit le sujet de l’entretien, et le policier une fois convaincu, se retira en annonçant une prochaine visite.

 la deuxième visite, il fut décidé que Vaillant recevrait une somme de 100 francs qui lui serait remise par l’intermédiaire de Georges; avec les 100 francs qu’il reçut Vaillant paya quelques petites dettes, et avec le reste il fut louer une chambre à Paris ; c’est dans cette chambre qu’il confectionna sa bombe en collaboration avec Georges ; ce fut lui qui apporta les tubes acides et matières explosives d’où provenaient-ils ; du laboratoire municipal, probablement.

L’engin, une fois terminé, Georges pour se créer un alibi, disparut sans avertissement, laissant

Vaillant faire les démarches nécessaires pour se procurer une entrée à la Chambre.

Georges était allé se constituer prisonnier pour payer six mois de prison qui lui avait été infligé pour la provocation faite à Saint-Quentin dont j’ai déjà parlé plus haut.

Il était donc détenu le 9 décembre 1893, date de l’attentat contre la Chambre, mais cette détention était récente, Vaillant ne la connaissait pas ; il est cependant à remarquer qu’il avait soin de se tenir au courant de tout ce qui se rapportait au mouvement anarchiste.

[1]De sa prison il écrivit à sa maîtresse, Madame Maréchal, pour lui demander l’adresse de Georges, afin, disait-il, de pouvoir lui écrire, dans la même lettre il chargeait sa maîtresse d’une commission pour Paul Reclus ; cette lettre a certainement passé entre les mains du juge d’instruction, je crois même me rappeler que Paul Reclus fut un moment inquiété, mais il n’est pas à ma connaissance que l’instruction ai cherché à s’occuper du dit Georges.

On comprendra peut-être maintenant la bravoure de Charles Dupuis et son fameux : Messieurs, la séance continue, elle ne lui coûtait pas cher cette bravoure, il savait mieux que personne que l’engin était inoffensif.

A cette date j’étais séquestré à la Prison de la Santé, d’où je fus libéré le 10 janvier 1894, le jour même où la Cour condamnait Vaillant à la peine de mort.

Ce ne fut que le 6 février que je fus mis au courant des faits, à cette date Vaillant était exécuté. J’ai vu la lettre de Vaillant dans laquelle il est question du dit Georges, j’en ai pris connaissance au journal le Figaro ; elle est écrite sur papier ad­ministratif des prisons, son authenticité ne peut être mise en doute.

Le 8 mars suivant j’étais arrêté à nouveau, mis à la disposition du juge d’instruction Henri Meyer, accusé d’affiliation à une association de malfai­teurs ayant poussé à l’accomplissement des atten­tats ; le cynisme de la Police et du juge instruc­teur étaient par trop fort ; comparcent de tous les crimes, ils cherchaient à en charger une foule de malheureux qu’ils savaient innocents, je ne pus m’empêcher de lui faire connaître la vérité à ce trop perspicace magistrat, et je lui remis par écrit toute l’histoire du malheureux Vaillant, qu’il était par­venu à envoyer à l’échafaud ; de ma vie je n’ai vu un homme en un pareil état, il pleurait du sang.

Mes déclarations me valurent un non-lieu immé­diat en matière d’anarchie.

Ayant refusé de transiger et de m’en laisser im­poser, je fus retenu sous prétexte d’insoumission à une interdiction de séjour contre laquelle il a toujours été de mon devoir de protester, car elle est criminellement établie.

Je fus renvoyé le 28 avril 1894 devant la neuvième chambre où je fus condamné par ordre à trois ans de prison.

Le 5 Mai suivant je fus enlevé de Mazas et conduit au Dépôt des condamnés sans qu’il fut tenu compte de mes protestations. J’étais encore dans les délais d’appel et quelques jours plus tard je partais pour Poissy où je fis connaissance de quelques compagnons victimes comme moi des manœuvres criminelles des industriels de l’anar­chie.

Avec l’autorisation des déclarants j’écrivis au Préfet de Police pour lui annoncer que j’étais en mesure de lui faire d’importantes déclarations re­lativement aux matières explosives.

Le Préfet de Police délégua immédiatement Monsieur Fédée à Poissy pour recevoir mes décla­rations ; elles furent reçues au cabinet du directeur, le 21 juin 1894, M. Fédée était accompagné de son secrétaire ; immédiatement après leur départ, je fus isolé de la détention : mis au secret où je fus retenu près d’un mois, ce fut en étant au secret que l’on vint m’informer que Fédée avait laissé une somme de 20 francs entre les mains du directeur pour être mise à ma disposition.

Par mes déclarations au Préfet de police, j’ai voulu jeter le désarroi dans les services de la Sûreté ; j’étais certain que c’était le meilleur moyen d’arrê­ter la liste des attentats et de mettre fin aux exploits de l’anarchie policière.

J’ai la satisfaction d’avoir réussi, car les révoca­tions dans l’état major eurent lieu immédiatement.

Cette satisfaction je l’ai déjà payée de 100 mois de séquestration dont plus de 94 dans les prisons par suite de jugements irréguliers et d’un faux. Je suis en instance de révision contre sept jugements successifs ; depuis plusieurs mois le Garde des sceaux est régulièrement saisi de mon affaire par le juge d’instruction, Monsieur Henri Huët. Qu’attend-on pour me faire rendre justice.

Interné à Bicètre depuis le 4 janvier je ne suis et je n’ai jamais été moralement malade, c’est donc une séquestration, je la considère comme étant plus criminelle que celle subie dans les prisons, car elle est plus hypocrite.

Ma sortie a été signée le 25 mars par Monsieur le docteur Foré et l’on ne me renvoie pas. Je demande ma mise en liberté et justice??

Bicètre, 26 mai 1901.

Chaules Jacot.


[1] [3] L’information donnée par Jacot est relatée par le Petit Journal en date du 26 septembre de cette année et par L’Express du Midi le jour suivant : « Paris 26 septembre. L’anarchiste Jacot, condamné par la 8e chambre correctionnelle pour infraction à un arrêté d’expulsion à six mois de prison et en plus à la relégation, faisait appel hier devant la chambre des appels correctionnels. Jacot a présenté sa défense lui-même sur les faits. Me Félicien Paris a discuté la prévention en droit et la cour adoptant l’opinion de la défense a confirmé la peine à six mois de prison, mais a déclaré qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer la relégation. Jacot a accueilli la lecture de l’arrêt en criant : « Honneur aux magistrats indépendants et libres et à bas la police ! », puis, s’est retiré, enchanté, en saluant la cour. »