- Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur - http://www.atelierdecreationlibertaire.com/alexandre-jacob -

Vrai Lupin et faux semblant à Libé

[1]Un gros dessin, un tout petit texte et cela suffit. Le titre de l’article lui-même, écrit en très gros pour ceux qui aurait du mal à comprendre, permet au jacoblogueur initié de saisir la très forte affliction qui touche son auteur Fabrice Drouzy : Arsène Lupin, le vrai. Vite lu, vite consommé, vite digéré. Peut-être s’agit-il d’une conception originale propre aux pages culturelles de Libération. L’article est paru le 25 février dernier et rend compte de la parution de l’ouvrage à caractère biographique signé par Jacques Colombat, cinéaste de son état et qui aurait mieux fait de le rester. On en reparlera en septembre. Mais à Libé, la vie de Marius Jacob qui inspira la fiction de Maurice Leblanc permet aussi de gloser sur le ridicule rapport historique de l’anarchiste à la violence.

Ainsi y aurait-il deux types d’anar : les poseurs de bombes et les pros de la plume, les premiers ayant bien sûr du sang sur les mains tandis que les seconds refusèrent de tomber dans le vilain terrorisme aveugle. On pourrait croire à un sketch de ce trio comique des années 1990 où il était question de bons et de mauvais chasseurs en matière de gallinette cendrée. Fort heureusement, lorsqu’il s’agit de rosser les cognes, on se réconcilie et, dans ce si subtil morceau de bravoure journalistique les seconds aiment éventuellement faire le coup de feu sur les gendarmes. Sympathique allusion au 28 février 1901 date à laquelle Jacob réussit à s’échapper de l’interpellation de policiers orléanais en faisant feu sur l’agent Couillot ; son complice Royères est arrêté.

Au-delà de cet évènement aux conséquences dramatiques (Royères meurt à la prison de Fontevraud en 1905), il va de soi que Fabrice Drouzy cherche à dresser le portrait d’un extraordinaire aventurier, celui d’un homme qui a des couilles et qui résiste authentiquement au bagne à Cayenne (même si de la Guyane le forçat matriculé 34777 n’a vu que les îles du Salut et Saint Laurent du Maroni) pour boucler sa boucle, pour partir d’une mauvaise biographie, ou un portrait déstructuré, et arriver à un axiome de base : Marius Jacob EST le vrai Arsène Lupin. Vrai Lupin et faux semblant à Libé ? Un peu de pub dans une relation de copinage ? On s’en fout à vrai dire. La lupinose, en tout cas c’est sûr, a fait une victime de plus.

[2]Libération

25 février 2012

ARSENE LUPIN, LE VRAi

La vie de Marius Jacob qui inspira la fiction de Maurice Leblanc.

« Il y a bien longtemps qu’on n’avait vu aux assises un beau voleur, un voleur accompli, un voleur de métier ayant la fierté de son art comme un orgueil professionnel…» Ce surprenant compte rendu d’audience, rédigé en mars 1905 par un journaliste du Figaro, qui à l’époque déjà n’était pas un brûlot gauchiste, résume bien l’opinion générale face aux agissements d’Alexandre Marius Jacob. Escroc et perceur de coffres-forts, anarchiste militant, gouailleur méridional et gentleman cambrioleur – ces grandes manières inspirèrent à Maurice Leblanc son Arsène Lupin. Lors de son arrestation, en 1903, il revendiquait fièrement 156 vols qualifiés. Il avait 23 ans.

Alexandre Marius Jacob fit partie de cette génération de bandits anarchistes en guerre contre la société qui, lorsqu’ils ne tombèrent pas dans le terrorisme aveugle, ne volaient qu’aux riches et répugnaient à la violence sauf pour défendre leur liberté et éventuellement faire le coup de feu sur les gendarmes. Le cinéaste Jacques Colombat dresse de ce Cartouche du XXe siècle un portrait déstructuré, illustré de petits dessins au fusain de l’auteur, donnant une large place aux longues années de bagne à Cayenne qui firent du simple voleur un authentique résistant à la brutalité pénitentiaire. Il tenta de s’échapper à dix-sept reprises, échappa par miracle à la mort et à la folie et rentra finalement en France pour finir de purger sa peine. Alexandre Marius Jacob termina sa vie paisiblement à la campagne, sans jamais abdiquer ses idéaux de liberté et de justice sociale. Sentant la maladie venir, il se suicida en 1954, à l’âge de 74 ans. Ses derniers mots à ses amis : «Linge lessivé, rincé, séché, pas repassé, j’ai la cosse, excusez. Vous trouverez deux litres de rosé à côté de la paneterie. A votre santé ! Marius. »

FABRICE DROUZY

Alexandre Marius Jacob, Le forçat intraitable de Jacques Colombat, Riveneuve, 148pp., 15€.